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OUTFIT -- _ Shttt ! Gin est au lit. Dit-elle en posant son doigt devant sa bouche pour appuyer ses propos. Il était déjà rare qu'elle soit à l'appartement ces temps-ci. Et pas sûr que Eugenia approuverait le fait que Marty débarque chez elles à une heure aussi tardive. Est-ce qu'ils allaient faire du bruit ? Probablement pas. Enfin, Charlotte ferait au mieux pour ne pas réveiller sa soeur. Mais elle préférait prévenir Marty qui avait déjà l'air d'être dans un état relativement avancé d'ébriété. Elle avait cru comprendre qu'il était ... amoureux ? Elle avait cru comprendre que sa dulcinée -- une héritière des plus détestables à ses yeux -- l'avait laissé pour compte ce soir. Qui oserait ? Evidemment, peu importe l'heure du jour ou de la nuit : la porte de Charlotte serait toujours ouverte à Marty. Evidemment, elle ne le laisserait pas sur le carreau alors qu'il avait besoin d'elle et qu'en plus de cela, il avait réclamé son attention. Martin Singh était probablement la personne qu'elle connaissait depuis le plus longtemps -- hormis Eugenia, évidemment. Ils s'étaient rencontrés alors qu'ils n'étaient que des gamins et avaient choisi de faire un bout de chemin ensemble. Amitié sincère parsemée de quelques bénéfices lorsque l'envie s'y prêtait. De plus loin qu'elle se souvienne, Charlie n'avait jamais entendu Marty dire qu'il était amoureux. Pas même qu'il avait un semblant de crush pour quelqu'un ou une once de sentiments. Si Charlie était l'indécision même, Marty lui avait choisi de ne pas aimer. Ou alors, s'était-elle trompée sur toute la ligne ? Peut-être. Quoi qu'il en soit, elle était certaine qu'elle aurait bientôt les explications à ses interrogations. Marty n'étant pas du genre à garder sa langue de sa poche, elle était persuadée qu'il viderait son sac plus rapidement qu'il ne fallut de temps pour le dire. Elle le laissa entrer et referma la porte derrière lui. La brune se dirigea vers la cuisine afin d'ouvrir la porte du réfrigérateur en tirant deux bières fraîches. Elle les décapsula puis en tendit une à Marty. Sans un mot de plus, elle s'affala sur le canapé et attendit qu'il en fasse de même. _ On commence par Mina ou par ... Elle claqua des doigts tout en fermant des yeux pour trouver le prénom de l'élue de son coeur. Non pas qu'elle ne s'était pas intéressée à ce que Marty lui avait raconté, juste qu'elle avait la tête en l'air, Charlie. Ou plutôt, les neurones cramés par tout ce qu'elle s'était enfilée. Elle avait pourtant son prénom sur le bout de la langue. Clémentine ? Jocelyne ? _ Josephine ? Oui, c'était ça. Elle en avait l'intime conviction. Elle but une gorgée de sa bière et elle vint croiser ses jambes sur le canapé, position en tailleur afin d'être face à Marty pour pouvoir détailler les traits de son visage. Elle avait eu vent de ce voyage qu'ils avaient entrepris ensemble. Et aux dernières nouvelles, Marty roucoulait avec sa bien-aimée. Alors, autant dire qu'il avait toute son attention. Qu'est-ce qui avait changé en quelques jours ? Voire même quelques heures.
 

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”Vois quel ami dévoué je fais : je me suis fait péter le nez par solidarité. Et oui, Chut, je sais.” ai-je lancé, mon index sur mes lèvres, mais tout de même un soupçon trop fort et guilleret. Trop fort parce que sa soeur est dans sa chambre. Trop guilleret parce que j’ai bu assez pour l’être, mais pas pour oublier que Mina me tire la gueule et que Jo se pavane dans sa robe hors de prix chez son mec, l’officiel, celui qui paraît-il est moins chanceux que moi, mais qu’elle doit sans doute tenir par la main à l’instant même où la mienne entoure le menton de Charlotte. Mes envies de rire pour duper la douleur me sont passées plus vite que celle de pisser. ”Tu t’es pris des débris.” Je constate ….. ”Et c’est pas beau, même si tu le caches bien derrière ton emballage-là.” Elle est trop apprêtée pour recueillir et partager des confidences. ”Pour ce qu’on a faire.” Autrement dit, plus de bénéfices dans cette amitié pour oublier que nous pataugeons dans la fange de nos vies de merde depuis si longtemps que l’odeur nous colle à la peau. ”Tu aurais pu laisser ton pyjama.” Cette fois, j’ai haussé les épaules, j’ai cheminé jusqu’à son canapé, déposé sur la table basse le ravitaillement emballé dans un sac en kraft et j’ai touché le silence du doigt sans réussir à l’atteindre. ”Ouais. Je sais, c’est pas bien méchant. J’exagère un peu.” ai-je admis en référence à cette blessure qui ternit sa beauté imparfaite. Elle l’est, belle, mais à sa manière, une qui n’appartient qu’à elle et qui tient aussi à ce charisme qui émane de son aura lunaire. Je crois que c’est pour ça que c’est chez elle que je me réfugie quand je suis perdu, quand j’ai oublié, tout simplement, de semer des cailloux derrière moi à l’instar d’un Hansel moderne. ”Pas Mina. Pas maintenant.” Je suis toujours dans le déni de la mort de ma mère et de l’impact des circonstances du décès sur ma petite sœur. C’est dommage : elle mériterait que je prenne soin d’elle. Plus tard, sans doute. Peut-être. Seulement si je suis frappé par une illumination et que je trouve comment panser ses blessures efficacement. On n’a plus l’âge de manger de la glace pour se consoler. ”Pas d’elle, non plus. De toi peut-être. J’ai déjà trop parlé en fait.” J’en ai la gorge sèche, si bien que j’ouvre deux canettes, une pour elle et l’autre pour moi. ”Et j’ai envie d’une clope.” Le paquet est sagement rangé dans ma poche, celle-là même que j’ai tapoté en ajoutant : ”Ou d’autres choses que j’ai là. En bref, je suis prêt à t’écouter. C’était qui ce mec qui te draguait pas, mais qui donnait l’impression de le faire ? Et, Jonty ? Il en pense quoi, de tout ça ?”
 

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OUTFIT -- _ Vois quel ami dévoué je fais : je me suis fait péter le nez par solidarité. Et oui, Chut, je sais. Elle lui tapota sur la main en gloussant légèrement. Quand elle lui avait dit de faire le moins de bruit possible, ce n'était pas à cela qu'elle s'attendait. Elle espérait cependant ne pas déranger Eugenia dans son sommeil -- déjà mis à mal depuis l'accident. Elle en était consciente, Charlie. Et c'était peut-être aussi pour cela qu'elle désertait si souvent l'appartement. Parce qu'elle n'avait pas les épaules assez grandes pour épauler sa soeur. Charlotte avait déjà bien du mal à se maintenir elle-même à flot. _ Tu t’es pris des débris. Et c’est pas beau, même si tu le caches bien derrière ton emballage-là. Elle grimaça. Ce n'était qu'une entaille. Elle n'avait même pas nécessité de point de suture. Ryle lui avait déjà fait subir bien pire. _ Pour ce qu’on a faire. Elle roula avec exagération des yeux. _ Je ne me suis pas changée en arrivant. Et... c'est toi qui a décidé de ne plus toucher à ce corps de déesse donc ne te plains pas. Elle se montra du doigt et ondula des hanches pour appuyer ses propos. Elle n'avait pas besoin d'être belle aux yeux de Marty. Ils se connaissaient sous toutes les coutures depuis tellement longtemps. Et elle était bien consciente qu'il n'était pas sur le point de se plaindre. Mais elle avait besoin de souligner plus pour la forme qu'autre chose que monsieur avait décidé d'être fidèle à sa marquise. Vraiment ? _ Ouais. Je sais, c’est pas bien méchant. J’exagère un peu. Ils s'installèrent sur le canapé alors que la soirée était lancée. Confidence pour confidence. _ Toi ? Exagéré ? Non ! Impossible. Souffla-t-elle sur un air taquin. Pas le genre de la maison. Pas du tout. _ Pas Mina. Pas maintenant. Pas d’elle, non plus. De toi peut-être. J’ai déjà trop parlé en fait. Elle secoua doucement la tête. Il n'était donc pas là pour vider son sac. Tant pis, elle s'en contenterait. _ Et j’ai envie d’une clope. Elle tendit sa main vers lui quand il sortit son paquet de sa poche. Autant qu'il partage. _ Ou d’autres choses que j’ai là. En bref, je suis prêt à t’écouter. C’était qui ce mec qui te draguait pas, mais qui donnait l’impression de le faire ? Et, Jonty ? Il en pense quoi, de tout ça ? Elle but une gorgée de sa bière et haussa les épaules. Qu'avait-il de plus à dire ? Rien. Parce que rien n'était inhabituel. Parce qu'elle avait vécu cette scène des milliers de fois. _ Un type. Lambda. Il ne me draguait même pas, c'était juste un client. Finalement, elle regarda quelques secondes la cigarette avant de la poser sur la table basse. Elle se pencha pour ouvrir un des tiroirs et sortir le matériel nécessaire pour se rouler un joint. Oui. Charlie n'était pas la meilleure des fréquentations. Elle n'était pas du genre à dire : ne prends pas ce joint, c'est mal. Non, elle fait partie plutôt des personnes qui tendent le pétard sans se soucier des conséquences. _ Jonty ? Il n'en pense rien. Il m'a baisée. Et voilà. J'ai appris toute à l'heure qu'il voyait quelqu'un. Et qu'il voulait que ce soit sérieux entre eux. Le dire à voix haute lui brisa un peu plus le coeur. Si bien que sa voix se brisa sur la fin de sa phrase. Comment pouvait-elle être aussi jalouse alors qu'elle était avec Ryle ? Alors qu'elle ne devrait pas se préoccuper de Jon et de ses conquêtes. Elle termina de rouler son joint et elle l'alluma aussi tôt. Bouffée d'oxygène alors que le poison s'immisçait chaque jour un peu plus dans son organisme.
 

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Comment suis-je supposé garder mon sérieux quand elle ricane à cause de mes conneries ? Je suis nerveux et j’ai bien entamé mon capital sobriété. En outre, je me sens en sécurité auprès de Charlotte. Pas seulement parce qu’elle m’est familière au point de lui confier mes secrets inavouables, ceux que je dérobe à la bienveillance d’Avery. Non. Je crois qu’elle me tranquillise qu’elle est cassée, comme moi. Quelque chose s’est brisé en elle. Par bien des manières nous avons cherché de colmater nos plaies de sorte qu’elles ne s’infectent pas, qu’elles ne gangrènent pas jusqu’à nous pourrir l’âme et le coeur. Dans le fond, je crois que j’ai eu plus de chance qu’elle. A la loterie de la vie, j’ai tiré aussi de bons numéros : Monroe et son dévouement. Avery si saine d’esprit. Josephine. Jo-se-phi-ne. Avec elle, il a touché le jackpot. Ses fiançailles mis à part, elle est parfaite, beaucoup trop bien pour lui, et ce, même s’il devenait la meilleure version de lui-même. Le souhaiterait-il - souvent, en réalité - qu’il ne saurait comment s’y prendre. A défaut, il acte que s’essayer à la fidélité serait très déjà un grand pas. Une enjambée de géant sans avoir à fournir un quelconque effort. Il ne prétendrait pas que Chaplin n’a rien de désirable quand elle se déhanche sous ses yeux, forte d’une allusion limpide. Avachi dans son divan, il n’a pas non plus détourné le regard. Il a plutôt sourire, largement. ”J’ai décidé que je ne coucherais plus avec toi.” Ni avec personne d’autre, si c’était seulement possible. J’y songe, je crains l’appel et je suis aussitôt pris d’une putain d’angoisse. Une de plus. Elles enflent tant et si bien dans mon estomac que mon regard s’est voilé du bleu de la tristesse. Pourtant, luttant vaillamment pour préserver cette normalité rassurante en présence de Charlotte, j’ai feins d’être à peine tourmenté.”Mais, je n’ai pas dit que je ne toucherais plus.” l’ai-je taquinée, me redressant pour l’attraper par le poignet et la tirer vers le fauteuil. Elle sait, au fond, qu’il n’y a pas de sous-entendus graveleux. Nous n’en sommes plus là, Cha et moi. Pour preuve de ma bonne foi, je coule vers elle un regard entendu, m’ouvre une bière et renonce à partager mes emmerdes avec elle. J’y viendrai, ce sera plus fort que moi. Avant, j’ai besoin d’entretenir cette chimère : je ne recevrai pas la médaille du frère de l’année, mais j’aurai été un ami sincère et attentif.  ”Ton mec est fou, Charlie.” Et, si je me permets un tel jugement, c’est que je ne compte pas celui-là parmi mes travers. ”Parfois, je me demande si c’est parce qu’il t’aime trop qu’il s’imagine que tout le monde a envie de te sauter ou si c’est parce qu’il aime surtout la bagarre, que c’est plus fort que lui.” me suis-je enquis en tirant sur la cigarette que je viens d’allumer. J’ai appuyé l’arrière de mon crâne sur le dossier de son canapé et j’ai détaillé le plafond avec l’attention d’un astronome contemplant les étoiles. ”Et Jonty, c’est bon qu’il a avalé une armoire à glace.” A moins que ça ne soit l’inverse. ”Parce que s’il savait…” Je rabâche des vérités inutiles. Elle est consciente de tout ça, Charlotte. ”Tu attends quoi pour te barrer ? Pour changer de vie ? Je sais que tu en crèverais de m’abandonner, mais…” ai-je demandé mi-sérieux mi-plaisantant, mon regard accroché à sa silhouette. Je me rappelle m’être fait la réflexion idiote qu’elle roulait son joint avec la dextérité d’une dentelière et la comparaison, si niaise, m’a arraché un éclat de rire. ”Pardon. Eugenia. Je sais.” J’ai de nouveau promis de me taire d’un geste éloquent. Mes résolutions ont duré moins d’une seconde. ”Elle parle mariage avec son mec et sa belle-famille. Et la sienne. Pendant que chez moi, on crève d’une overdose. Si c’est pas une putain de piqûre de rappel, je sais pas ce que c’est.” Et, abattu par ces mots, j’ai tendu la main pour récupérer entre ses doigts la cigarette roulée et améliorée à la weed tandis que, de l’autre, j’ai déposé un pacson sur la table, en guise de compensation.
 

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OUTFIT -- Marty était son havre de paix. Aussi bancal puisse-t-il être, il était la stabilité dans sa vie chaotique. Probablement la personne la plus saine qu'elle fréquentait -- hormis Eugenia, mais on ne pouvait pas dire qu'elles se fréquentaient. C'était même plus l'inverse depuis l'accident de leurs parents. _ J’ai décidé que je ne coucherais plus avec toi. Elle mit une main sur le coeur et fit mine d'être blessée. ça faisait des années qu'ils pratiquaient le même langage. Sans prise de tête aucune. Entre Martin et Charlotte, c'était simple comme bonjour. Il n'y avait jamais eu d'ombre à ce tableau amical. Quelques avantages selon les besoins et les envies, sans jamais rien attendre en retour. _ Mais, je n’ai pas dit que je ne toucherais plus. Il l'attira sur le fauteuil et elle s'écroula dessus en riant légèrement. Se rendant compte du bruit qu'elle venait de faire, elle mit sa main sur sa bouche tout en murmurant un shttt. de rigueur. Cependant, sa réplique ne fit pas mouche. Au contraire. Charlie haussa un sourcil et s'approcha de Marty tout en se saisissant de la petite pochette où elle rangeait tout son matériel pour rouler un joint. _ Pas de baise, mais me toucher, ok ? Donc tu peux me faire un cuni ? Elle balança en écartant ses jambes avec exagération, laissant les pans de sa jupe s'ouvrir et entrevoir sa dentelle. Elle laissa un nouveau rire s'échapper. Être provoquante était sûrement son amusement préféré. Elle se redressa et croisa ses jambes afin de mettre fin à cette comédie. Elle se fichait bien qu'il ne veuille plus coucher avec elle. Ce n'était pas ça le plus important dans leur relation. Au contraire. Si Marty voulait être fidèle à sa marquise : qu'il en soit ainsi. D'ailleurs, comment pouvait-il être fidèle alors qu'elle était elle-même fiancé ? Charlie ne comprenait vraiment rien à cette relation. Mais si Marty ne voulait pas en parler, quoi qu'il en soit ainsi. _ Ton mec est fou, Charlie. Elle roula des yeux. Fou ? Oui, Ryle était peut-être fou. Et elle l'était tout autant que lui. _ Parfois, je me demande si c’est parce qu’il t’aime trop qu’il s’imagine que tout le monde a envie de te sauter ou si c’est parce qu’il aime surtout la bagarre, que c’est plus fort que lui. _ Et jamais tu n'as imaginé qu'il avait raison, que tout le monde voulait me sauter ? On pourrait la croire pleine d'assurance, Charlie. On pourrait penser d'elle qu'elle se prend pour un sex symbole. On pourrait croire qu'elle se croit tout permis. Mais c'est loin d'être le cas. Un rôle qu'elle jouait depuis des années. Même devant Marty qui, en dehors de Gin, était probablement la personne qui la connaissait le mieux. _ Et Jonty, c’est bon qu’il a avalé une armoire à glace. Parce que s’il savait… Charlotte préférait ne pas imaginer ce qu'il adviendrait d'eux si Ryle apprenait pour Charlie et Jonty. Il y aurait un massacre. Un meurtre ou peut-être deux. Elle en était consciente, oui. Mais elle était incapable de ne plus rejoindre Jonty lorsqu'elle en ressentait le besoin. Et, elle était incapable de rompre avec Ryle, aussi. L'un ou l'autre : elle était incapable de faire un choix. _ Tu attends quoi pour te barrer ? Pour changer de vie ? Je sais que tu en crèverais de m’abandonner, mais… Pardon. Eugenia. Je sais A vrai dire, elle n'avait jamais songé à partir. A changer de vie. A quoi bon ? Elle n'était qu'un déchet bon à jeter à la poubelle. Il arrivera un jour que sa finalité sera la même que Mandy, la mère de Marty. _ Et où est-ce que j'irai ? Je ne ferai pas long feu seule. ça, elle en était certaine. Si elle se voulait indépendante, Charlie ne l'était pas du tout. Loin de là, même. Elle avait constamment besoin d'être maternée. Constamment besoin qu'on la surveille et qu'on la soutienne. _ Elle parle mariage avec son mec et sa belle-famille. Et la sienne. Pendant que chez moi, on crève d’une overdose. Si c’est pas une putain de piqûre de rappel, je sais pas ce que c’est. Et voilà qu'on y venait enfin, à sa marquise. Celle qui tourmentait son esprit depuis plusieurs jours -- voire semaine. _ Et alors ? T'as la satisfaction de savoir qu'elle a choisi de prendre son pied avec toi et pas avec son propre fiancé. Et ça, c'était relativement flatteur, non ? Quoi que, Charlie pouvait aisément se mettre à la place de Josephine. Elle-même était coincée dans ce triangle amoureux. _ ça compte ? La différence de classe sociale ? Et son statut amoureux ? Une vraie question. Parce qu'elle n'en avait réellement aucune idée, Charlie. Elle n'avait jamais eu d'amis de la classe sociale de la marquise. _ Si c'est juste pour la sauter, non ? Et ça ne t'a jamais empêché d'être ami avec son frère.
 

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”C’est si tentant” ai-je déclaré tout à la fois sérieux et conscient de la plaisanterie. Josephine aurait moins compté que je ne me serais pas encombré de la fidélité. Alors, retenu par des valeurs inédites et effrayantes, je me suis contenté de rire avec Charlotte, sans m’offusquer, parceque rien ne me choque vraiment. Bien sûr, d’une autre, ce manque de pudeur m’aurait étonné autant que cette franche et indécente proposition à laquelle j’aurais volontiers succombé. De mon amie, rien ne me surprend  plus si ce n’est cette relation malaise qu’elle entretient avec Ryle et son mec. Est-ce que je la juge pour autant ? Jamais ! Nous avons emprunté des chemins différentes parce que j’ai joui de la chance d’être bien entouré. Monroe, Raph, mon moineau m’ont, chacun à leur façon, empêché de filer un mauvais coton. Puis-je envisager de rendre justice à ma vaine en tirant Cha vers le haut ? Est-ce mon devoir ? Me laisserait-elle faire ? Aucune idée même si, pour être honnête, je m’inquiète souvent pour elle. Je le manifeste en commentant les frasques de son mec, car il est la cible de mes accusations. Serait-il plus équilibré que mon interlocutrice souffrirait moins. Elle n’aurait plus à chercher de quoi s’évader dans des substances illicites et dangereuses. Finira-t-elle comme ma mère ? De l’idée jaillit un profond malaise que j’ai chassé rapidement. Il n’y a pas de place pour autant de tracas dans ma cervelle d’oiseau. ”A moi tu demandes ? Evidemment que je peux l’imaginer. Tu es belle, intelligente… défractée aussi… Et tu pues le sexe et la débauche à plein nez. Un homme normalement constitué a forcément envie de te tringler. Mais ça n’empêche qu’il aime un rien trop les emmerdes pour ton propre bien.” ai-je jeté, avachi dans le divan, l’air soucieux à cause des fiançailles de Jo et des révélations de Fairchild. Lui suggérer de fuir à des kilomètres de son type n’avait donc rien d’anodin. ”Là, je peux te comprendre. Je déteste être seul moi aussi.” A contrario, je ne squatterais pas chez Raph. ”Mais, moi, je suis pas en danger, exception faite de mon nez cassé, on s’entend.” ai-je soupiré, le corps tourné en direction de l’hôte qui nous roule un joint. Mes pensée s’évadent vers le maudit cocu qui mange avec celle qui était encore à moi il y a quelques jours. Intérieurement, je fulmine et puisqu’il est des dynamiques à respecter, j’ai dévié la trajectoire de la conversation vers mes problèmes, provisoirement, jusqu’à ce que je me penche de nouveau sur le merdier dans lequel Chaplin se noie jour après jour. ”ça me fait une belle jambe si elle court le rejoindre dès qu’elle en a l’occasion.” J’ai roulé des yeux et, me levant jusqu’à la cuisine, j’ai ramassé deux verres dans l’armoire et une bouteille de vin dans le buffet. ”Et, oui, ça compte. Pas pour elle, mais pour moi, parce que je suis pas taillé pour lui donner le quart de ce qu’elle peut avoir avec lui et…” Et quoi ? Elle va forcément se barre ? Est-ce un problème si, comme le dit la serveuse, ce n’était qu’une histoire de cul ? ”Et… quand elle le réalisera, elle… elle regrettera, c’est évident.” Mon péssimisme suinte de mes mots. Quant à mes hésitations, elle sont révélatrices de ce que je suis complètement paumé. ”Je crève de jalousie, je savais même pas que c’était possible. Et, je lui aurais pas fait ça, j’ai grandi avec des soeurs je te rappelle. J’aurais pu tué le mec qui aurait abusé de leur innocence. En fait, je réalise que c’est trop compliqué.” J’ai jeté un oeil vers Cha, un oeil inquisiteur et curieux : que pense-t-elle des émotions que je livre à demi-mots ? De ses principes dont je m’accomode comme s’il s’agissait de normalité ? ”On a en a tous des regrets. Même toi. Je suis sûr que parfois, tu as envie de revenir près de 20 ans en arrière pour faire d’autres choix.” L’hypothèse mérite d’être étalée sur la table basse.  D’abord, elle aspire la fumée de sa cigarette améliorée. Puis, elle se dévoile après me l’avoir tendue. ”Tu aurais pu te caser avec un mec normal et pas ce déchet. Puis, tu es pas seule en plus. Si tu manifestais l’envie de partir, même une toute petite envie, je serais là pour t’aider, tu le sais, non ? Comme je sais qu’avec Jonty, c’est pas qu’une question de sexe, je me trompe ? Pourquoi tu vis pas ton truc une bonne fois pour toute ? Histoire d’être heureuse le temps que ça dure ? ” lui ai-je lancé à la figure, prenant le pouls que ce conseil s’appliquerait volontiers à moi-même. Suis-je l’hôpital ou la charité ?