@Martin Singh & @Avery Söderberg
Le sport a toujours été un exutoire pour Avery. Son cerveau ne sait prendre de pause que lorsqu’elle effectue un exercice physique et encore c’est sans doute parce qu’il est concentré sur l’action. Elle a toujours été comme ça, hyperactive dans la vie, le besoin de ne pas s’ennuyer. Ce petit jogging est revigorant, il est relativement tôt mais elle n’est pas seule, l’air frais glace doucement sa peau comme elle aime. Une fraicheur qui lu rappelle le printemps suédois. Après avoir couru une bonne heure, l’allure ralentit. Elle pose ses mains sur sa taille, reprend un peu son souffle avant de tourner quelque peu vers son partenaire.

Elle connait Martin depuis… Depuis combien de temps ? Il faut l’avouer, elle a arrêté de compter. C’était au collège, si son esprit ne lui joue pas de tours et malgré des différences évidentes, ils sont parvenus à s’entendre et à ne pas se lâcher. Ce n’est pas la première fois qu’ils se retrouvent pour un jogging matinal… parfois c’est le soir. Selon l’emploi du temps de l’autre.

Le jardin botanique offre un environnement agréable, entre rivière et verdure. L’air marin avance jusque-là pour remplir les poumons. Ce n’est pas trop loin ni de chez l’un, ni de chez l’autre. Le souffle reprit, elle s’adresse donc à son ami. « - Un petit dej, ça te tente ? » Il y a des stands sur les fronts de rivière et les odeurs commencent à lui donner faim. La journée se lance tranquillement, les gens vont bosser, emmènent leurs enfants à l’école… Le choc des cultures, des vies. Elle avance toujours jusqu’à un banc pour entamer des étirements, primordiale pour éviter les courbatures. « - Bon alors, maintenant qu’on peut parler sans risquer le point de côté, comment tu vas ? » Elle pose sa jambe sur le dossier du banc et se penche dessus pour étirer son muscle, pratique comme position pour discuter, n’est-ce pas ?

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Avais-je envie d’aller courir ce matin ? Pas la moindre. Toute franchise m’imposerait de concéder à la perte de ma mère un manque cruel d’énergie. Certes, de manière générale, Josephine embellit ma vie. Elle se décarcasse pour m’aider à sourire et elle y arrive tant qu’elle est à mes côtés. Mais notre relation a aussi pris une tournure inattendue et, quelques fois, déstabilisante. Auprès d’elle, je suis assommé par la force de mes sentiments pour elle. Dès qu’elle s’éloigne un peu, j’imagine qu’une catastrophe va me tomber sur le coin du râble et j’ai mal. J’ai mal parce que je ne suis pas idiot. Quand bien divorcerait-elle de ses obligations en annonçant la fin de ses fiançailles, je devine qu’il n’y a pas un monde où nous pourrons assumer ce que nous ressentons l’un pour l’autre. Je ne suis pas taillé pour plaire à ses parents et pas seulement parce que je suis un gamin mal né, à l’ambition limitée et qui est surtout plus de dix ans plus âgé que la prunelle de leurs yeux. Pourtant, je suis sorti de mon lit, gourd de fatigue et d’avoir avalé un somnifère trop tard dans la nuit, et je me suis bougé. Hors de question d’abandonner Avery. Pas question d’annuler un peu plus d’un quart d’heure avant l’heure de notre rendez-vous. J’ai préféré me traîner, acceptant d’afficher que ma forme est aussi violente que l’agglomérat d’angoisse qui m’alourdit l’estomac. Je suis prêt à entendre toutes les railleries de mon amie si ça lui chante. Je ne broncherai pas. Je ne me défendrai pas. Non. J’ai décidé de suivre le mouvement et je m’y suis donc tenu jusqu’au bout, y compris à l’heure des étirements. ”Ouais. On peut aller manger un bout. Et, je t’aurais bien invité pour te remercier d’avoir supporté ma tête de six pieds de long sans poser de question jusqu’ici, mais je suis à sec de chez à sec. Je crois que sans Raph, je serais dans la merde. J’ai perdu mon job… pas que je le faisais pas bien, j’ai juste arrêté d’y aller.” Cela étant, hors de question qu’elle règle la note à ma place et je présume qu’elle le sait, Ava. Elle me connait aussi bien que mes frères et soeurs. Mieux, d’une certaine façon. Elle est la détentrice de tous mes secrets, même les plus inavouables, surtout ceux-là. ”J’en sais rien.” ai-je avoué, m’appliquant machinalement à m’étirer en imitant plus qu’en réfléchissant à les rendre efficace. ”J’arrive pas à expliquer pourquoi une personne absente, qui m’a jamais regardé, arrive à me manquer.” Sous-entendu, ma mère plus préoccupée par sa passion amoureuse que par la demi-douzaine de gosse qu’elle a pondue. ”J’ose pas le dire à Monroe parce que clairement, je pense qu’elle comprendra. Charlotte veut pas se tirer de sa situation de merde. Et, de mon côté, je suis en panique à l’idée que l’autre m’appelle alors que… je trouve plus rien d’amusant à la situation. Surtout que ça blesserait Jo, je crois.” Pour le comprendre, peut-être devrais-je fournir plus d’infos sur ma relation avec la soeur de Raph, histoire qu’elle comprenne mieux les enjeux. Une chose à la fois cependant. ”Et toi ? Tout roule ? Tu as l’air mieux dans ta tête que moi.” Ce qui suffit à appliquer un peu de baume sur mon coeur.

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Les foulées sont ralenties et la demi-suédoise peut reprendre son souffle et un sourire sur ses lèvres. L’activité sportive cela lui permet de ne pas penser à tout ce qui s’est passé dans sa vie ces derniers mois. Cela lui permet de ne pas penser à ce voyage en Amérique centrale qui se rapproche. C’est son travail après tout, enquêter, dénicher des scandales pour la presse australienne ou du moins anglophone. Elle ne pense pas trop à Mason, ne pense pas trop à cette relation qui reprend... mais loin d’être là où ils l’ont laissé. Sans doute que les brides qu’elle cherche encore sont enfuis au brésil, lieu de la catastrophe. Et la journaliste est bien contente d’avoir un peu de compagnie. Définitivement, elle ne laissera pas ses pensées cogiter dès que sa foulée sera arrêtée. La jeune femme propose de manger un bout, certes après l’effort ce n’est pas forcément ce que l’on fait mais pourquoi pas ? Cela pourrait leur permettre de papoter un peu. Elle a l’impression d’avoir loupé un tas de choses avec les événements des dernières semaines. La réponse de Marty la fait sourire, elle roule un peu des yeux. Pour Ava, l’argent n’est pas un tabou. Bon ce qui est moins drôle c’est qu’il ait perdu son taff, là, elle grimace un peu. « - Je t’invite, t’embête pas » Elle continue ses étirements pour éviter les courbatures. « - T’as perdu son job donc ? » Elle espère que ce n’est pas trop grave, pas qu’il soit passionné par ce qu’il faisait, elle le sait mais l’argent ça paye le loyer notamment. Il parle de sa mère rapidement. « - Il n’y a pas d’explication à ça, tu sais ? » Elle n’est pas psychologue mais plutôt fervente passante qu’il faut écouter ce que l’on ressent pour ne pas se faire trop de mal. « - C’était ta mère... Même absente, cela reste ta mère » Sans doute qu’elle aurait ressenti la même chose avec son père, mais elle ne l’a jamais connu. Elle se redresse pour le regarder, difficile de lui offrir un sourire avec tout ce qu’il lui annonce. « - Oui, donc t’as bien besoin d’une gaufre » Elle tente de le faire sourire quand même. Ava inspire profondément, elle caresse amicalement son bras pour lui montrer son soutien. « - Parles-en à ta sœur, déjà je suis sûre que ça t’enlèvera un poids ! » Un petit sourire. « - Charlotte se drogue encore ? T’as pas songé à la mettre en établissement ? » Elle connait Charlotte de loin mais ce n’est pas nouveau qu’elle entend qu’elle a des soucis de la sorte. « - ça fait beaucoup à gérer tout ça... » Elle marque une pause. « - Tu vois toujours Joséphine ? » Elle n’est pas sûre d’avoir suivi tous les rebondissements, alors elle demande des précisions. « - Tu sais en tout cas que si tu as des problèmes d’argent, tu peux m’en parler... j’ai même une chambre d’amis, je vais partir pour deux semaines bientôt, si tu veux te poser chez moi, je te laisse les clés ! » Elle n’a pas de problèmes avec ça et surtout confiance en Martin. « - On va aller se chercher à manger avant de se lancer dans nos états d’âmes plus profond, tu ne crois pas ? » Avery l’attrape par le bras pour l’entraîner avec elle. Elle en profite pour arrêter le chrono de sa montre pour les performances. Ils approchent de la zone pleine de stand. « - Ok Marty McFly, qu’est-ce qu’on mange ? » Elle lui offre le choix, sachant qu’un peu près tout lui fait envie.

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Je me traîne comme un malfrat conduit au bagne, tête basse et boulet aux pieds. Dans mon cas, ils s'accordent au pluriel : j’en ai un paquet accroché aux chevilles. Certains pèsent plus lourd que d’autres, mais ça ne change pas grand-chose, sauf qu’à défaut d’être performant, je m’efforce d’être souriant. Evidemment, je manque d’éclat. Ma tête est parasitée par des problèmes que j’ai plus ou moins provoqués. Je dors de plus en plus mal si bien qu’à l’heure des étirements, j’accueille la question d’Avery avec soulagement. Délester mes épaules de leur poids me fera un bien fou. Qu’elle décide de payer de quoi bouffer, en revanche, ça me fait grincer des dents. ”J’ai dit que je pouvais pas t’inviter alors que ça m’aurait fait plaisir. Pas qu’il fallait que toi tu le fasses” ai-je bougonné en contrariété, à deux doigts de prétendre que je ne crève pas la dalle alors que je n’ai même pas pris le temps d’avaler un café : j’étais trop à la bourre. ”Je suppose que ça sert à rien que je me batte avec toi.” J’ai soupiré, frustré, parce que je choisis mes combats et que je ne les mène pas quand je les sais perdu d’avance. Alors, je lui ai offert un ”Merci.” à la fois sincère et agacé d’avoir capitulé si vite. J’ai agrémenté ma gratitude d’un sourire : mes irritations ne la visent pas. J’ai juste l’impression de crouler sous ces tracas que je confie sans pudeur. C’est facile avec Ava : elle est toujours à l’écoute. Elle ne me juge jamais. Sans doute parce qu’elle sait le pire comme le meilleur de moi. N’a-t-elle pas le tour pour tordre mon cerveau jusqu’à ce qu’il se plie à l’exercice difficile de la remise en question. ”Je peux pas en parler à Monroe. A l’enterrement, elle m’a rappelé qu’on était tous venu à elle avec autant de dope que notre mère dans le sang. Elle a quasiment tout géré toute seule. Tu imagines l’ingratitude ?” Le masque de la tristesse a supplanté celui de l’embarras. Un instant, je me suis perdu dans mes pensées. Une minute ? Une minute de silence. Peut-être. ”Puis, elle est pas ravie que j’ai perdu mon boulot. J’ai déconné. J’y suis pas allé. Deux ou trois fois de suite. J’ai même pas essayé de trouver une solution.” Le perdre m’a semblé si dérisoire au regard de la perte de mes espoirs. ”Et Charlotte, c’est pas mon rôle de faire ça. Elle a un mec. Le frère de son mec. Sa soeur. Tu me vois la prendre par le bras et l’envoyer en cure ? Je crois qu’elle a baissé les bras, en fait. Qu’elle se voit comme une minable. Je vois autre chose en elle.” ai-je affirmé, haussant les épaules, tant par la faute de mon impuissance que par ce que je trouve le regard qu’elle pose sur elle particulièrement violent. Il l’est d’autant plus que je réalise que mon estime de moi n’est pas épinglable en modèle sur les valves de l’employé du mois. C’est affligeant, mais je l’ai gardé pour moi parce que Tex a prononcé le prénom magique : Josephine. Mon visage s’est illuminé tandis que je hoche la tête lentement, un sourire ébahi sur les lèvres. ”Je la vois même plus que toujours. Elle est autant ma bouffée d’oxygène qu’une dose de complications quotidiennes, mais ça, c’est seulement qu’elle n’est pas là parce que…” J’ai opéré un mouvement circulaire de l’index à niveau de ma tempe : mon cerveau mouline, rapporte le geste. Je pense trop. ”Et… tu es sérieuse ? Pour les clés ? Tu ferais ça ? Tu as peur que je ravage l’appart ? Que je mette le feu à la cuisine ? Je blague. J’en prendrai soin et, non, l’argent, ça devrait aller. Je vais pas te taper de l’argent, Tex Avery. Déjà que j’accepte que tu m’offres, une gaufre. C’est ce que tu avais dit.” me suis-je défendu en me laissant entraîner vers les food trucks et les stands de bouffe autour de nous. ”Et un aquarius citron. Surtout l’aquarius. J’essaie de m’éviter une gueule de bois. Et, du coup, toi ? Raconte-moi tout.” Maintenant qu’on fait la file pour récupérer de quoi ruiner nos efforts de ce matin, je suis tout ouïe. ”Et tu n’oublies rien. Tu pars où ? Avec qui ? Pourquoi ? Pas plus que tu feras semblant de pas entendre ma question cette fois-ci. ”

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« - Arrête donc de râler » lui lance-t-elle avec un peu d’humour. Avery n’a jamais été avare mais elle ne prétend que Martin le soit, simplement, elle c’est vrai, elle peut se permettre de l’inviter. Ce n’est pas une douceur et un café qui la tueront et comme dit sa grand-mère ‘on ne l’emportera pas dans la tombe’ nouvelle devise préférée pour justifier les dépenses incongrues, évidemment. « - Évidemment que cela ne sert à rien » Mais il fini tout de même par la remercier. Elle lui esquisse un doux sourire, elle n’a pas de problème avec tout ce qui se passe. Ils continuent d’avancer vers le stand. L’odeur de nourriture commence à se faire sentir. Elle écoute son ami se confier, elle sent qu’il en a besoin. Alors elle se fait oreille attentive, elle en est capable, c’est son métier d’écouter les histoires. Ses sourcils se froncent lorsqu’il parle de sa sœur et du fait qu’il ne peut pas en parler. « - Monroe a fait beaucoup de sacrifices pour vous, mais elle doit pouvoir entendre que c’est compliqué à gérer. Peut-être que ça l’est pour elle aussi d’ailleurs ! » Elle soupire un peu. « - Tu vas rebondir, ne t’arrête pas à ce que dise, pense les autres, sinon tu n’avanceras jamais. Et puis je crois que ce boulot ne te passionnait pas ? Je me trompe ? » Elle avance toujours, son visage se tourne parfois vers lui pour regarder les expressions de Marty. Ils rebondissent sur Charlotte, une autre amie qui semble s’enfoncer dans ses problèmes de drogues. Et à nouveau, elle fronce les sourcils. « - Ce n’est pas ton rôle ? Je suis désolée mais je ne suis pas tout à fait d’accord – Tu regardes ton amie se détruire et tu ne fais rien ? » Franchement elle n’aime pas l’idée. « - Je crois que tu m’as dit que sa sœur avait eu un accident ? Donc elle n’est peut-être pas en capacité... tu ne sais pas ce qu’elle essaie... mais si je te voyais te détruire de la même manière, tu crois que je resterais les bras croisés ? Il est peut-être temps d’arrêter d’être spectateur et devenir acteur » Avery a une maturité assez importante, elle n’hésite pas à dire les choses, que cela plaise ou non. Elle tente d’avoir un peu de tact pour ne pas le braquer.

La conversation tourne sur Joséphine, la jeune femme qui semble faire battre le cœur de son ami. « - Une dose de complication ? Arrête donc de voir les choses aussi négativement ! Si elle est ta bouffée d’oxygène elle n’est pas une complication » Elle lui propose aussi une chambre chez elle, temporairement, le temps qu’il souffle qu’il se retourne. L’avoir en colocataire ne la dérange pas, elle connait Marty depuis tant d’années. « - Oui ? Pourquoi pas ? Si tu ravages la maison, je te botte le cul, donc je sais que tu n’en feras rien ! » Elle rit un peu, Avery peut avoir ce petit côté autoritaire parfois. « - Arrête un peu, une gaufre, un café, une chambre... qu’est-ce que c’est ? Je peux le faire, tu vois je t’aide, je ne te laisse pas dans le merde, essaie avec Charlie par exemple ! Elle en vaut la peine, je pense » Ils arrivent devant le stand. Les commandes sont passées, elle règle et ils se posent sur le côté pour les attendre. « - Et moi ? » Elle soupire, elle ne sait pas vraiment par quoi commencer. « - On avance bien avec Mason, il retrouve doucement des souvenirs... et je crois qu’il y a toujours cette attirance... je... je tente de ne pas craquer, je veux qu’il se souvienne pour l’embrasser à nouveau... qu’il sache ce qu’on a vécu avant que sa mémoire ne saute » Un petit haussement d’épaules, presque résignée, elle doit attendre. Elle rit cependant parce qu’il veut plus de précisions. « - Costa Rica, pour un papier sur la contamination des sources d’eau, une suite de l’enquête de l’eau au Brésil dans un sens » Elle marque une pause, ils récupèrent gaufres et pour elle, elle prend un smootie avec un mélange de fruits et de graines, typique d’Avery. Elle boit une gorgée à la paille. « - Pour l’heure, je ne pars avec personne, Mason n’est pas certain d’avoir l’accord des médecins... et sache que je ne fais jamais semblant moi monsieur ! » Elle vient entrechoquer leurs gobelet comme s’ils trinquaient. « - D’autres questions mon colonel ? » Elle l’embête toujours, elle adore ça.

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Combien de fois ne me suis-je pas plaint de ce boulot au Subway ? Si peu d’estime ai-je pour moi, j’avais aspiré à mieux. J’en rêve toujours, d’ailleurs. L’espoir d’être un jour reconnu plane au-dessus de ma tête à défaut de me mettre en mouvement. Suis-je interrompu à cause de la mort de ma mère ? A cause de l’absence d’Amour ? Possible. L’overdose de Mandy m’affecte plus que je ne l’aurais souhaité et, quoique je n’ose en parler à Monroe, je présume qu’Avery a raison, que mon âinée est capable de comprendre, d’autant plus qu’elle est enceinte et qu’ellea couchera tout bien. J’en hausse donc les épaules sans plus rien ajouter sur le sujet. Ma forme est limité : inutile d’ajouter la morosité à mon humeur. D’après moi, ça signerait les prémices d’une dépression peut-être semblable à celle de Charlotte. Je m’inquiète pour elle, réellement. La preuve en est, je confie mes doute sur ce qu’il conviendrait d’intervenir ou non. Moi, je me suis arrêté à un non, mais Tex me tanche : elle ne l’entend pas de cette oreille. ”C’est pas que ça m’enchante, tu sais. C’est juste que je vois pas trop ce que je pourrais faire.” ai-je avancé, mal à l’aise, pris par une vague de lâcheté qui m’a serré l’estomac. J’en ai abandonné mes étirements. ”Elle est tétue et…elle est entourée. Enfin, je sais pas, le frère de son mec.” Celui qu’elle s’envoie, qu’elle n’arrive pas à quitter, qui contribue à lui compliqué la vie. ”Il fait que dalle de son côté et…” Et quoi ? j’ai peur de me les mettre à dos ? Les bras désormais ballants, le pied toujours posé sur l’assise d’un banc, j’ai les traits habillés d’hébétude. ”Putain. Mais, tu ferais quoi toi ?  ” Cette sœur que je croise souvent, avec laquelle j’échange des banalités, que j’ai parfois envie de côtoyer davantage parce qu’elle est prof de théâtre et qu’elle aurait beaucoup à m’apporter si je n’étais prisonnier de ma pudeur. Quel merdier. Toutes mes amitiés se compliquent, est-ce que ça signifie que je suis le maillon faible ? Le porteur de poisse ?  ”C’est pas que je suis négatif, tu sais.” Quoique ce n’est pas la première fois que je l’entends, cette remarque. ”J’ai juste peur de faire de la merde. Mais, pas chez toi, ça, je ferai attention.” Déjà nous attendons devant le stand de gaufre et, comme d’habitude, je bougonne à l’idée que l’on me fasse la charité. De la part de toute autre femme, j’aurais mis mon compte dans le rouge pour garder la face. Ma relation avec Tex est dénuée de toute fierté. La pudeur a été rencardée depuis longtemps puisqu’elle a été témoin tant de mes amis, de mes amours et de mes emmerdes.”Tu crois que je dois en toucher un mot à Gin ?” me suis-je enquis alors qu’Ava insiste à propos de Chaplin. Qu’elle distribue les conseils n’est pas étonnant. En revanche, qu’elle ne passe à autre chose m’étonne et je me demande à quel point je me comporte comme un égoïste.

Refusant d'être à l’endroit de cette amie si importante à mes yeux, j’écoute attentivement le récit de ses aventures. Sa relation avec Mason avance et je hoche doucement la tête. ”Me prends pas pour un fou, mais je crois que ça ne me surprend pas en fait. Le corps, il décide pour nous, souvent. Il prend le contrôle, comme s’il savait des choses que l’on ignore nous-mêmes. Tu vois ce que je veux dire ? ” J’ai jeté un coup d’oeil dans sa direction, inquiet qu’elle puisse me traiter d’idiot, de fleur bleue peut-être. Je ne le suis pas réellement, mais c’est indéniable : Jo attendrit mon coeur. Quant aux gaufres que nous récupérons, elles m’ouvrent l’appétit. ”Tu aimerais partir avec lui ? Je veux dire, il avait l’air contre ou pas ?”me suis-je enquis, riant au surnom dont elle m’affuble. ”Je m'intéresse à ce qui t’arrive, c’est tout. Alors, raconte, tout, de toute façon, je suis attendu nulle part. Il a retrouvé quoi comme souvenir ?”