Elle a promis qu’elle passerait chez ses parents. Non pas que cela lui pèse, à Arlo – depuis toujours très famille, on peut dire qu’elle leur rend assez régulièrement visite. Elle avait juste dit qu’elle ne savait pas trop à quelle heure elle viendrait – eux-mêmes ne garantissaient pas d’être présents, pas bien grave, elle attendrait. Et puis, sans doute même qu’elle resterait dîner – s’ils étaient absents, elle pourrait même le préparer. Elle avait toutefois pris soin de se renseigner à propos de Kinsley, étant parfaitement au courant qu’elle squattait chez leurs parents. Mais normalement, elle serait absente. C’est en tout cas la conclusion qu’Arlo avait tirée, sur la base des informations dont elle disposait. Elle pouvait donc paisiblement vaquer à ses occupations, se rendre ensuite à la maison de ses parents sans craindre d’y croiser son aînée – à laquelle elle n’avait pas parlé depuis des semaines, sinon des mois. De longs mois douloureux, emplis de doutes, d’inquiétudes, de remises en question – sans pour autant qu’Arlo n’ait cédé à l’un ou l’autre, anormalement rancunière. Car elle pardonne tout et tout le monde, d’ordinaire. Jusqu’à ce que Hasan et Kinsley, presque en même temps, s’y mettent – faisant comme ressortir une dark Arlo inhabituelle, quasiment rare, inexistante même.

Elle avait deux-trois à faire avant. Une course, un café à boire avec une amie dans l’après-midi. Elle voulait aussi profiter de cette belle journée d’automne pour marcher un peu. Finalement, son après-midi a été bien occupée, et quand elle se met en direction de la maison de ses parents, la blonde, il est déjà pas loin de dix-huit heures. Elle s’est déjà arrêtée en chemin pour acheter des fleurs, ainsi qu’un gâteau pour le dessert – ils avaient bien dit que ce n’était pas la peine, mais Arlo n’avait pas envie de les écouter. Cela lui faisait plaisir. Quand elle finit par arriver à bon port, elle constate que la voiture de ses parents n’est pas garée dans l’allée – devine qu’ils ne sont donc pas encore là. Pas grave. Sans lâcher ni le bouquet ni le carton du gâteau, elle sort tant bien que mal son trousseau de clés, sur lequel se trouve en permanence celle de la maison des Mansfield. Puis elle l’insère dans la serrure de la porte d’entrée et finit par entrer. Dans un soupir, elle referme la porte avant de se hâter de rejoindre la cuisine, déposant la boîte du gâteau ainsi que le bouquet sur le comptoir. Puis elle pose son sac sur une chaise, bientôt suivi de sa veste. Elle se met alors en tête de trouver un vase dans lequel mettre les fleurs, Arlo, et rejoint le salon. Finit par en trouver un, revient à la cuisine – puis entend un bruit. Un bruit de pas. Elle se retourne brusquement, sursaute. Kinsley. « Bon sang ! » lâche-t-elle de surprise et de peur, main sur le cœur. Ce n’est pas d’agacement de la voir, qu’elle le dit ainsi, Arlo. Non, c’est d’abord qu’elle ne l’avait ni vue, ni entendue. Qu’elle a eu réellement peur. Maintenant, son cerveau enregistre l’information, son cœur se calme – ou se serre à présent pour un tout autre raison. « Ah, c’est toi. » se contente-t-elle finalement de commenter, avant de vite détourner la tête, décidant visiblement de feindre l’indifférence. Ne pas lui accorder d’attention. Elle ne veut toujours pas lui parler – les mois n’ont rien changé.
Même si, toutefois, Kinsley ne cesse en vérité de lui manquer.