Adela ferma à clé l'infirmerie avant de tourner les talons pour enfin retrouver la chaleur de son loft. Enfin, pas avant quelques heures. Parce qu'elle avait dans l'idée de passer chez les Barrows afin de donner un coup de main à Rhett et Serena pour préparer le dîner et aider dans ce que les parents nomment le tunnel du soir avec Jayden. Voilà des mois qu'elle partait en direction de chez eux plutôt que de son domicile en quittant le travail. Des mois que la blonde prenait sa voiture -ou sa moto- avec la boule au ventre de ce qu'elle allait découvrir en poussant la porte d'entrée de chez les Barrows. Est-ce que Serena allait avoir une nouvelle poussée de sa maladie ? La trouverait-elle encore plus diminué ? Sa meilleure amie allait-elle encore lui demander une faveur qu'Adela n'allait pas comprendre ? Parfois, la blonde n'arrivait pas à cerner les doléances de son amie. Parfois, Ade se demandait si la maladie n'avait pas clairement aussi attaqué les neurones de Serena plutôt que ses nerfs. Serena voulait que Rhett et Adela s'aventurent dans une relation amoureuse. Serena souhaitait avoir recours à l'assistance au suicide. Tout cela, Adela avait dû mal à le digérer. Parce que outre sa meilleure amie, c'est un membre à part entière de sa famille de coeur qu'elle allait perdre. Et elle savait, Adela. Elle savait qu'elle n'allait pas le supporter. Et surtout, elle savait aussi que cette maladie allait emporter Serena dans la douleur et dans un inconfort qu'elle ne pourra tolérer. Des journées entières à ne penser plus qu'à elle. Des heures et des nuits à se ronger les sangs. Elle n'était pas la plus à plaindre. Rhett et Jayden allaient perdre une épouse et une mère. Et malgré tout ces mois où ils allaient pouvoir s'y préparer, des décennies entières ne suffiraient pas.

Elle était perdue dans ses pensées lorsqu'elle franchit les grilles de la prison de Brisbane. Son lieu de travail depuis plusieurs mois maintenant. Adela appréciait son nouvel emploi. Le milieu carcéral était aux antipodes du milieu hospitalier. Elle était bien plus épanouie depuis qu'elle avait été mutée. Après plus de dix ans à exercer le métier d'infirmière, elle devait bien avouer que sa passion s'était quelque peu essoufflée. Mais après son arrivée à la prison, la flamme s'était ravivée. Elle adorait à nouveau son métier. Outre les soins prodigués, elle appréciait le contact avec les détenus. Pas tous, bien sûr. Comme pour tout le monde, elle avait plus d'affinités avec certaines qu'avec d'autres. Adela cernait rapidement les personnes. Elle arrivait rapidement voir si la personne en face d'elle avait un bon fond ou pas. Une chance, la plupart du temps. La suédoise était tellement plongée dans ses projets et idées qu'elle ne remarqua pas tout de suite Joel à la sortie de la prison. Posté devant les murs épais qui entouraient les blocs, il se tenait non loin d'elle. Lorsqu'il s'avança vers elle, Adela le reconnut aussitôt. Elle se souvenait du détenu Atwood. Un des nombreux prisonniers qui se pointaient dans son infirmerie sans réelle explication. Bien sûr qu'il y avait une raison à cela. Elle n'était pas tellement physique, mais plutôt psychologique. Adela s'était rapidement rendu compte que les passages de Joel dans son petit bureau étaient source de soulagement pour le brun. Comme un havre de paix dans cette vie merdique. Une pause dans cet enfer qu'il vivait au quotidien. Si d'habitude Adela n'acceptait pas d'encombrer son infirmerie inutilement, elle avait fait une exception pour Joel. Il n'en abusait pas. Il ne l'encombrait pas. Il était simplement là. S'il n'était habituellement pas très loquace, ils leur arrivaient tout de même de parfois parler de tout et de rien. Souvent de rien, certes. Mais ça lui faisait du bien. _ Tu as oublié quelque chose ? Ou est-ce que ces murs insalubres te manquaient déjà ? Demanda-t-elle, suspicieuse. Elle espérait que Joel ne s'était pas remis dans de beaux draps. Elle espérait qu'il n'était là que pour une visite de courtoisie avec un ex co-détenu ou une histoire de paperasse à signer. Parce que s'il devait revenir entre ces murs, elle n'était pas certaine que sa santé psychologique y survive.