Elle n’arrive plus à l’arrêter, sa tête. À arrêter le flot continu de ses pensées.
Ce n’est pas son genre, pourtant. Camila n’est pas du genre à se prendre la tête. Pas du genre à ressasser. Ni à se poser trop de questions. Du moins, pas pour le perso. Pour le travail, oui – elle a même un peu trop de mal à décrocher, la brune. Mais pas pour sa vie personnelle, encore moins amoureuse. Est-ce bien cela, dont il est question ? A-t-elle une vie amoureuse ? Aux yeux de la plupart des gens, oui. Parce qu’elle a une bague à son doigt en public – rien d’autre qu’une bague factice d’un mariage pourtant plus si blanc. Mais dans la réalité, elle ne sait pas trop. Et peut-être que le fait qu’elle s’interroge en dit dans le fond déjà beaucoup. Elle ne sait pas si on l’aime, Camila – mais il y a quelqu’un qu’elle aime, peut-être. Alors elle n’arrive plus à l’arrêter, sa tête. Ni à arrêter le flot continu de ses pensées.

Peut-être qu’elle réalise. Lentement, mais sûrement.
Cela lui a fait quelque chose, qu’Arshan ait retrouvé Nyra.
Et puis, finalement, cela n’a pas changé grand-chose. Arshan a dit la vérité à Nyra. Ils ne sont plus vraiment ensemble à présent – seulement unis pour retrouver leurs enfants. Elle ne peut pas dire que c’est une bonne nouvelle, qu’ils ne soient plus vraiment ensemble. Elle n’est pas du genre à se réjouir du malheur des autres, Camila. Et puis, elle n’a pas assez ouvert les yeux pour comprendre combien cela pouvait la soulager. Mais cela lui a fait quelque chose. Parce que cela a fait quelque chose à Arshan, c’est indéniable. On ne passe pas à autre chose après cela en un claquement de doigts.

Ce soir, elle l’a traîné à cette soirée. C’était mieux qu’il soit là. Pour l’image, les apparences. Alors il est venu. Mais elle l’a trouvé trop calme, silencieux. Il n’a jamais été un grand bavard, Arshan, mais ce soir, elle a trouvé son silence assourdissant. Inquiétant. Peut-être que cela n’inquiète qu’elle, qui le connaît. Ou c’est parce qu’elle tient à lui. Cela l’a touchée, indéniablement. Mais elle n’a rien dit, Camila. Jusqu’à suggérer de rentrer – histoire de mettre un terme à la mascarade au moins pour ce soir. De libérer un peu Arshan. Peut-être qu’il préfèrerait être seul. Même sans elle.
Elle ne dit rien, Camila, tandis qu’ils se mettent en route en direction de la voiture. Il faut marcher un peu, elle est à seulement quelques minutes de marche. Ils pourraient faire la route dans le silence, tout comme le trajet pour rentrer à la maison. Mais ce n’est pas le genre de Camila – alors elle, à force de ne plus réussir à arrêter sa tête, le flot continu de ses pensées, elle est obligée d’évacuer. « T’as l’air ailleurs, ce soir. » fait-elle remarquer, sans détour. Puis elle se rend bien compte que c’est un peu bête, ce qu’elle dit. Légèrement obvious. « Enfin, c’est normal, mais… » Plus que d’habitude. Elle ne finit cependant pas sa phrase, curieuse d’entendre ce qu’il va répondre, Arshan. Peut-être pas grand-chose. Peut-être qu’elle va devoir creuser, le bousculer. Car c’est comme cela, entre eux. Il calme sa fougue, elle bouscule son quotidien. Elle ne sait pas si elle lui apporte du bon, mais lui le fait, en tout cas. « Tu regrettes ? Pour Nyra ? » C’est sorti tout seul. Du Camila tout craché. Foutu besoin de bousculer. De mettre les pieds dans le plat. Elle n’aime pas les tensions, Camila. Mais peut-être surtout, qu’elle n’en peut plus de sa tête, de ses pensées, qui jamais ne s’arrêtent.