Un doux ronronnement vient te sortir du sommeil, alors que les premiers rayons du soleil caressent ton visage. T’as toujours aimé ça, être bercée par le rythme de la nature, aussi, les volets ne sont jamais fermés. Tu te lèves tôt, tu te couches quand t’en as envie, mais souvent tôt aussi, et c’est un fonctionnement qui t’a toujours réussi. Et s’il y a bien une chose à laquelle tu ne renonceras pas, c’est ça. Le chat, lui, aime dormir avec toi, et souvent - en fonction de ton moral, étonnamment - il vient se placer contre toi, sa tête posée sur ton cœur. Présence rassurante, apaisante, à laquelle tu t’es tant habituée au fil des années, et qui t’as beaucoup aidé à supporter l’absence de Juno, qui a laissé un grand vide dans ta vie quotidienne. Tu passes une main dans ses long poils, un soupir naissant sur tes lèvres.

T’as rarement envie de te lever ces derniers temps. Mais aujourd’hui, particulièrement. Tu ne veux même pas penser à cet après-midi. Douche, puis petit déjeuner et lecture dans le jardin, routine matinale déjà bien établie qui remplit tant bien que mal tes matinées. Par instant tu te perds dans tes pensées, dans tes souvenirs. Juno qui court devant toi, sur un chemin de rando d’une montagne d’Amérique du Sud, son rire insouciant dans tes oreilles. Les soirées passées à faire des jeux de société dans le van les soirs de pluie. Tous ces moments passés ensemble quand elle était enfant, avant que les ennuis ne commencent. Ton téléphone reste désespérément muet, alors que tu rêves d’un message de ta fille. Tu lui as écrit, il y a deux jours, pour lui demander si elle était bien installée, mais elle n’a pas encore répondu. Communication rompue, par ta faute. Elle t’en veut. T’as pas été à la hauteur. Pourtant, parfois, tu te demandes où t’as merdé. T’as fait tout ce que t’as pu pour lui donner la meilleure vie possible. La plus belle. Mais même ça, ça n’a pas été assez.

Et ça te ronge.

Dans la cuisine, affiché sur le frigo, un flyer de nargue depuis plusieurs jours. Un truc que Leon t’as filé. Sur le coup, tu l’as regardé avec des yeux ronds, ne comprenant pas pourquoi un tel truc pourrait lui faire penser à toi. Un groupe de soutien. T’as pas besoin de ça toi. Tu t’es toujours parfaitement débrouillée toute seule, t’as jamais eu besoin de personne. T’aurais rien à raconter, de toute façon. Pourtant, pour une raison qui t’échappe, tu ne l’as pas jeté tout de suite, et à force de le voir, t’as fini par te dire que ça te coûterait rien d’essayer. Sans conviction aucune, mais au pire, rien ne t'obligera à y retourner. Ça aura au moins le mérite d’occuper ton après-midi.

C’est en trainant des pieds que tu te rends au lieu indiqué, un peu avant l’heure donnée, histoire de pouvoir évaluer un peu l’endroit, avoir la possibilité de fuir si nécessaire. Sur place, une femme est déjà là, et relève les yeux en t’entendant arriver. “Bonjour. Est-ce que je peux t’aider ?” Tu t’avances, affichant l’air le plus sûr de toi que tu peux. “Oui, c’est bien ici, la réunion ?” Le flyer dans ta main est suffisamment visible pour indiquer de quoi tu parles. Elle te confirme que t’es au bon endroit, et te pose quelques questions générales auxquelles tu réponds de manière très succincte.

D’autres femmes commencent à arriver, sans que tu ne leur prêtes vraiment d’attention. Tu restes dans un coin, presque dans l’ombre, jusqu’au moment où tout le monde s’installe. T’aurais bien aimé rester là, incognito, juste observer sans que personne ne te remarque. Mais bien entendu, c’est impossible, et la personne qui t’as accueillie ne perd pas de temps avant de te présenter aux autres. Chacune te donne son nom - t’en retiens aucun, et certaines même t’applaudissent, sans que tu ne comprennes pourquoi. Tu te contente d’un signe de la main comme salutation, avant de t’installer là où on t’indique, à côté d’une certaine Daphne. Tu lui adresses un signe de tête, le visage toujours fermé. La rousse, elle, semble bien plus à l’aise, et n’a pas l’air découragée par ton manque d’enthousiasme. Par politesse, tu tournes le regard vers elle, en lui accordant un sourire sans chaleur. “Ne me remerciez pas trop vite, je peux pas vous promettre que je vais revenir. J’ai aucune idée de ce que je fous là.” Tu t’es promis de leur laisser une chance, mais pour l’instant, t’es encore très très incertaine. Mais puisque ta voisine à engagé la conversation, autant en profiter pour essayer de comprendre un peu ce qui se passe ici. “Et du coup, c’est quoi le principe ? Vous faites quoi, exactement ?” D’un geste, tu désignes le reste de la pièce. “Vous parlez juste, ou quoi ?”