@César Ionesco & @Misha Singh
Le soleil se couche, l’heure de quitter le parc est largement dépassée mais Misha avait besoin de calme pour retrouver ses petits pensionnaires. Elle a besoin du contact des animaux. Elle est restée plus longtemps dans la cellule de ce petit koala retrouvé sans sa maman, celui qu’ils ont soigné lors de son deuxième jour. Bêtement, elle s’est entichée de ce petit être. Alors, elle le prend dans les bras tous les soirs pour lui offrir le contact d’une maman, un peu. Et doucement, il reprend du poil de la bête. C’est le moyen qu’elle a pour faire le vide, elle pourrait presque dormir ici, pourquoi s’emmerder à chercher un appartement ? C’est calme, elle se sent si à l’aise avec les animaux, après tout, en Ouganda, ils étaient partout autour d’elle. Pourtant, elle doit partir, elle le sait parfaitement. Misha attend que le petit s’endorme pour le poser dans son panier, elle reste un instant à savourer cette petite victoire avant silencieusement quitter les lieux. Elle repasse vers les vestiaires, elle n’a pas conscience de ne pas être la dernière dans ses lieux presque saintes. Elle reprend ses affaires et se dirige vers la sortie en suivant les consignes.

Elle ne fait pas attention à la dernière voiture présente sur le parking, elle grimpe dans la voiture qu’elle a acheté à son retour. Ce n’est pas un modèle récent, mais elle ne voulait pas mettre toutes ses économies dans un modèle flambant neuf. Il semble tenir la route jusque-là. Elle s’installe derrière le volant, elle tente de démarrer l’auto mais un bruit étrange... et surtout rien ne démarre. Elle retente. Une fois. Deux fois. Ok. Il y a clairement un problème. Il fait presque nuit, c’est l’hiver la nuit tombe plus vite. Misha tente d’ouvrir le capot mais clairement en mécanique, elle n’y connait strictement rien. Elle ne voit rien à vue d’œil d’anormale. Fait chier. Elle sort son portable de la porte arrière de son short. Éteint plus de batterie. Évidemment. Elle a perdu l’habitude d’avoir un smartphone chargé avec elle. Eh bien là, ça lui sert de leçon. Elle regarde autour d’elle. Il reste bien une voiture sur le parking. Peut-être que la personne est encore à l’intérieur. Dans le cas contraire, il y a des téléphones, elle pourra demander à Mallory ou Maggie de venir la chercher.

Elle pénètre à nouveau dans le zoo, elle avance et alors qu’elle entend des pas, elle avance vers ladite personne qu’elle va croire. Sans penser que le destin est assez cruel pour la remettre sur le chemin de... : « - César ? » Fait chier deux fois, pense-t-elle. « - Oh... pardon, je ne voulais pas te déranger, je vais me débrouiller, ne t’inquiète pas » Il lui a bien fait comprendre qu’il ne voulait pas, plus ? la voir. Le cœur déjà trop lourd, elle opère un demi-tour pour aller vers les bureaux administratifs et chercher un téléphone.

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Ce soir, il reste un peu plus tard, prétextant du travail en retard, mais en réalité, il cherche seulement à ne pas rentrer tout de suite. Il ne veut pas affronter les non-dits dans son couple, la dure réalité des tentatives échouées, les nouveaux rendez-vous médicaux à planifier. Jace ne pouvait pas se libérer ce soir, impossible donc de se rendre chez son ami pour descendre encore une fois les bières fraiches de son réfrigérateur tout en maudissant la vie qui les assène de coups répétitifs. Il est dans son bureau, les yeux rivés sur des dossiers qu'il n'arrive même pas à lire, lorsque le bruit d'une voiture qui refuse de démarrer brise le silence. Il ignore d'abord le bruit, puis au bout de quelques minutes, lève le regard à travers sa fenêtre. Le parking est presque dans la nuit noire, il s’en voudrait de laisser l’un ou l’une de ces collègues dans une telle situation difficile. Il sort du bureau, et s’avance vers l’entrée du sanctuaire, son téléphone à la main, jetant un coup d’œil lointain à la personne en difficulté. Et c'est là qu'il la voit. Elle tente d'ouvrir le capot de sa voiture. Misha. Elle ne l'a pas encore vu. Il pourrait faire demi-tour, rentrer chez lui, faire comme s'il ne l'avait jamais vue. Mais il ne bouge pas. Il la regarde lutter avec la mécanique, un combat qu'il sait perdu d'avance. Puis, enfin, elle se retourne, et s’avance elle-aussi vers l’entrée. Il ne bouge pas, et décide après quelques secondes de réduire la distance qui les sépare. Même s’il n’en avait pas envie, il ne pouvait pas la laisser dans une telle situation. Et puis, de toute façon, sa voiture était là, elle saurait tôt ou tard qu’il était dans les locaux.

Elle se confond en excuses quand elle comprend l’identité de son potentiel sauveur. Et cette phrase lui arrache un léger sourire. Elle n’en fait décidément qu’à sa tête. Il reste un instant silencieux. Il sait qu'il devrait la laisser partir, la laisser se débrouiller seule comme elle l'a toujours fait. Mais les mots sortent de sa bouche avant qu'il ne puisse les retenir. « Attends… » Il s’approche d’elle de nouveau. « Si tu as un problème avec ta voiture, je peux jeter un coup d'œil. » Il se surprend lui-même à proposer son aide. Il commence à s’avancer vers le parking à ses côtés, allumant la lampe torche de son téléphone portable. Le silence qui les accompagne est plus lourd que jamais. Il ne sait pas quoi dire, il va juste l’aider à redémarrer et rentrer chez lui juste après. Et ensuite, il reprendra le cours de son existence en l’ignorant et en l’évitant.

Très bon plan.

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Elle a parfaitement compris le message l’autre jour. Il ne veut pas la voir, il ne peut pas. Alors voilà que pendant plusieurs jours, elle a tout fait pour l’éviter, pour lui donner l’impression qu’elle n’était pas là, qu’elle n’existait pas. Juste un souvenir qu’il doit oublier. Si c’est ce qu’il préfère, désire. Peut-être qu’il a raison de ne vouloir rien d’autres, de ne pas se sentir capable d’être son ami. Il n’a pas semblé prête à ouvrir un dialogue, le temps peut-être que le temps fera son œuvre mais dans le fond, Elle n’y croit pas beaucoup Misha. Du temps, ils en ont eu pour que les cicatrices se referment mais un seul regard a tout rouvert. Alors forcément, lorsqu’elle tombe sur lui, la nuit déjà là, le parc fermé depuis belle lurette... elle cherche à l’éviter. Misha ne veut pas être forcer els choses, elle accepte même si dans le fond ça la tue de devoir rester à distance. Parce qu’elle sait qu’elle s’est arrêtée de travailler à plusieurs reprises lorsqu’elle le voyait de loin, discuter avec des visiteurs pour expliquer avec trop de passion l’histoire des pensionnaires. Et elle sait qu’elle a souri à le voir de la sorte, elle sait qu’elle a eu envie de retrouver ses bras, de l’embrasser, elle sait qu’elle n’est pas guérie de César, comme elle sait que lui, est passé à autre chose et qu’elle doit l’accepter. Oui oui oui, elle sait, pas la peine de lui rabâcher.  Lorsqu’elle lui annonce qu’elle va trouver une autre solution pour rentrer ou que l’on puisse la dépanner... elle se retourne, elle cherche peut-être aussi à prendre ses jambes à son cou. Elle inspire, expire longuement pour tenter de réguler ce qui se passe dans son esprit, c’est compliqué.

Et il la retient. Elle s’arrête net. La vétérinaire aurait dû continuer et ne pas attendre comme il le lui demande. Pourtant, elle se retourne un peu pour le voir avancer à sa rencontre. Il propose son aide. Elle finit par le toiser, hésitante. Elle est rancunière aussi Misha et elle n’a pas envie que cela lui retombe dessus. « - Si c’est pour me faire des reproche après et me dire que je ne veux pas me voir... » Elle râle un peu mais elle a besoin, toujours besoin de mettre des mots sur ses ressentis, tout le contraire de César qui sait si bien garder tout ce qui se passe dans sa tête. Mais elle finit par faire un oui de la tête, elle n’a pas meilleure solution, sinon il va falloir qu’elle attende quelqu’un ici... et le parc est relativement éloigné de la ville, elle sait combien de temps cela peut mettre pour venir jusque-là.

Elle le suit, ils s’éclairent à la lampe torche de son téléphone, ils ne parlent pas. C’est pénible, Misha n’a jamais aimé les silences, elle les trouve pensants. Seulement elle ne peut pas résister, lorsqu’ils arrivent à la voiture elle lance : « - ça va être comme ça tous les jours César ? moi qui doit t’éviter ? toi qui ne me parle pas ? » Elle ne sait pas si elle sera capable de rester si elle doit regarder la vie de l’homme qu’elle aime se dérouler sous ses yeux. « - Je vais peut-être chercher un autre taff, un appartement... un autre travail... » Elle lâche un rire nerveux, le sort s’acharne, quelle ironie. « - et peut-être une nouvelle voiture, j’ai l’impression que je ne suis pas la bienvenue à Brisbane » Elle lui ouvre le capot, elle sort une grosse torche de son coffre et lui place en hauteur pour qu’il ait une vue éclairée sur le possible problème. « - Depuis quand tu t’y connais en mécanique d’ailleurs ? » Une vraie question... elle n’a pas envie de penser que parce qu’il est un homme, il s’y connait forcément mieux...

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César prend une profonde inspiration, ses épaules légèrement affaissées sous le poids de tout ce qu'il n'a pas dit depuis des jours. Il s’est évertué à l’éviter depuis plus d’une semaine, gardant ses distances, fuyant chaque occasion de croiser son regard. Et pourtant, le destin les a de nouveau réunis, en pleine nuit, dans un parking désert. Si ce n’était pas si frustrant, il pourrait presque en rire. « Je ne te ferai pas de reproches. » Les mots sortent brusquement, presque mécaniquement, comme s’il cherchait à établir une barrière. « Je te répare ça et on continue chacun de notre côté. » Il sait qu'il lui doit des explications mais la vérité est bien plus complexe et lourde à porter.

Il lève les yeux vers Misha, et pendant un instant, il semble chercher les bons mots, ceux qui pourraient au moins atténuer la douleur qu’il lit dans ses yeux. Mais il sait qu’ils ne viendront probablement jamais de manière parfaite. « Misha… Ce n’est pas ça. » Sa voix est calme, il laisse un soupir las s’échapper de ses lèvres alors qu’il s’arrête de marcher pendant quelques secondes. « C’est juste… je ne sais pas comment faire. » Lâche-t-il soudainement. Il détourne le regard, fixant la voiture devant lui comme si elle pouvait lui offrir une échappatoire et il reprend sa marche lente vers le capot. Il va se concentrer sur quelque chose qu’il peut réparer, contrairement à leur relation, ça sera plus facile. « Toi, ici… ça ramène tout. Tout ce que j’ai essayé d’oublier. » Il s’interrompt, frustré par son incapacité à exprimer clairement ce qu’il ressent. Il s’appuie contre le capot de la voiture, croisant les bras sur sa poitrine. Pourquoi est-ce si compliqué ? « Je ne sais pas comment faire, Misha. Toi, ici… » Il resserre légèrement ses doigts contre son bras pour contenir une nervosité qu’il ne parvient plus à masquer. « Toi ici, de retour… ma femme, la vie que j’ai maintenant… » Les mots se mélangent dans sa tête. Il voudrait pouvoir tout simplifier, mais rien dans cette situation ne l’est.

Misha ouvre le capot, lui offrant quelques secondes de répit. Mais cette pause est bien vite atténuée par la lumière crue de la torche, qui éclaire non seulement l’intérieur de la voiture, mais aussi la réalité brutale de leur situation. C’était plus facile dans le noir. Il s’approche, accroche le capot de chaque côté et observe l’intérieur. « J’ai appris la mécanique parce qu’il le fallait bien. » Il lance ces mots sur un ton rieur, presque pour alléger l’atmosphère. « Si ça peut t’aider ce soir, tant mieux » Il se penche sous le capot, plissant les yeux pour mieux voir le moteur. Il commence par vérifier les câbles de la batterie, les bougies d'allumage, manipule quelques câbles, bref il cherche les signes les plus évidents de dysfonctionnement. « Tiens, viens par là éclairer de ce côté s’il te plaît » Il indique à Misha un câble qu’il n’arrive pas à bien cerner, forçant la jeune femme à se rapprocher de lui pour l’éclairer par-dessus son épaule.

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Le destin doit bien rigoler de là où il est. Il se moque d’eux, mais pourquoi avoir attendu neuf longues années pour remettre les choses là où elles devraient être ? Alors certes, maintenant qu’ils bossent au même endroit, il y avait de grandes chances pour qu’ils se recroisent. Il a été doué jusque-là, César, il l’a évité avec brio. Et maintenant ? Maintenant va-t-il vraiment encore esquisser une conversation ? C’est exactement que ce l’homme qui a le pouvoir de détraquer le rythme cardiaque de Misha semble désirer, vouloir. Sait-il que les choses ne se passent jamais comme on les prédit ? Elle fulmine à cette idée, la fatigue de la journée, la voiture en panne et voilà que César cherche encore à la fuir. La vétérinaire songe à partir, c’est si terrible que ça ? Eh bien oui, totalement même. Perdre la flamme à ce point c’est que cela la mine. Il ne s’en rend pas compte César ? Oh et bien non, monsieur préfère se taire dans un silence qui pèse bien trop à son ex-compagne. C’est ce qui l’agace le plus et qui lui fait prendre la parole d’ailleurs. Impossible de ne rien dire, rien faire, elle ne sait pas faire Misha.

Elle tente de percer l’abcès qui ne fait que grandir à mesure où ils croisent le regard de l’autre. Et cette fois, ils sont tous les deux, sur le parking sous la nuit presque étoilée. Il lui doit des mots, des paroles, des explications. Et ce qu’il lui révèle la laisse sans voix. Comment ça, il ne sait pas comment faire, qu’est-ce que cela veut dire ? Elle ne comprend pas, sur le moment. Tout en avançant vers la voiture, il reprend pour tenter d’être plus clair. Elle prend le temps de ne pas l’interrompre parce qu’elle sent qu’il est sur le point de lâcher quelque chose dont elle a besoin. Doucement elle comprend que les retrouvailles le perturbent autant qu’elle. Misha avait juste l’impression qu’il lui en voulait d’être partie et de revenir si brusquement dans sa vie. Pendant qu’il tente de mettre des mots sur les sentiments qu’il ressent, elle ouvre le capot et installe une lampe torche pour qu’il puisse voir quelque chose... Maintenant qu’elle voit son visage, elle cherche son regard clair. Elle cherche aussi des mots justes. « - Je ne suis pas rentrée pour chambouler ta vie... » Murmure-t-elle en cherchant son regard. « - Je n’avais pas prévu de te croiser, je n’avais pas prévu que cela me... nous troublerait... parce que c’est le cas, n’est-ce pas ? Dis-moi que je suis la seule à ressentir ça et alors on ne se reparlera pas après ce soir... » Elle est folle de le brusquer autant pourtant c’est typique d’elle, Misha, elle fonce quand elle a besoin de savoir quelque chose, ce n’est pas nouveau. César, il vaut la peine qu’elle tente.

L’ambiance tente d’être allégée avec la mécanique, elle sourit à sa réponse et elle le regarde se mettre à l’œuvre. « - Tu sembles vouloir m’aider et basta... tu repartiras de ton côté et on fera semblant de ne pas se connaître... tu crois que c’est un bon moyen pour ne pas penser à ce qu’on est... était ? » Il lui demande cependant de viser avec la lumière un endroit. Elle s’exécute en se rapprochant de lui. Les deux épaules se touchent. Un geste anodin mais qui fait écho en elle. Stupide, qu’est-ce qu’elle est stupide. « - Tu trouves quelques chose ? Je crois que c’est une voiture accidentée, je me suis fait avoir... » Elle était pressée d’avoir de quoi rouler... Et voilà qu’elle s’est sans doute faite arnaquée. Super, vraiment super. Alors que le silence s’installe et commence à angoisser Misha... elle se remet à parler, sans trop savoir pourquoi elle dit cela maintenant. Elle en a besoin, c’est presque une confession. « - Je suis désolée... d’être partie... » Même si elle aurait aimé qu’il la retienne... elle a quand même abandonné le navire.

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César sent qu'il en a déjà trop dit. Les mots sont sortis et il sait qu'il ne peut plus reculer maintenant. C’est comme si un barrage avait cédé en lui, libérant une vérité qu’il avait si longtemps étouffée. Il n’y a plus de retour en arrière possible. Chaque mot qu’il prononce fait tomber un morceau de ses défenses, celles qu’il avait érigées pour se protéger, pour tenir bon dans cette vie qu’il s’est fabriquée après son départ. Mais ces dernières paroles, celles où il admet que son retour l’a chamboulé, font s’écrouler ces derniers remparts.

« Misha je ne peux pas te répondre... » Il se redresse un peu, ses mains toujours occupées à vérifier les composants du moteur, mais ses pensées sont ailleurs. Les mots de Misha résonnent en lui. Il sent son cœur se serrer. Il sait que Misha a besoin de réponses mais il ne peut pas aller contre sa nature première. Il est toujours ce même homme, celui qui préfère garder ses émotions sous contrôle, celui qui pense qu’il est plus simple de tout enfouir plutôt que de tout affronter. « Je ne peux pas te dire ça parce que j’en sais vraiment rien... » Ses paroles sont sincères et pourtant ils sonnent beaucoup plus durs qu’il ne l’aurait voulu. Et puis, au fond, il n’a pas envie de ne plus jamais en reparler. Il a envie de parler, il ne sait juste pas quoi lui dire, ni comment, ni quand. Il n’a pas encore dit à sa femme que son ex-compagne, celle qui avait failli être la mère de son enfant, celle qu’il avait voulu épouser en premier... était de retour. Alors comment pouvait-il trouver les bons mots ? « C’est plus facile de t’éviter pour l’instant... J’ai besoin que tu comprennes » Elle voulait des réponses, il lui demandait du temps.

« Ce tas de ferraille est bon pour la casse oui... Je crois qu’ils t’ont pris pour une touriste en te vendant cette voiture » Il ne peut s’empêcher de sourire à sa remarque, mais tandis qu’elle se rapproche de lui pour l’éclairer, l’émotion qui le traverse le renfrogne aussitôt. Maintenant, face à elle, leurs corps si proches, il sait qu’il s’est bercé d’illusions. Il n’a pas seulement besoin de temps, il a besoin de distance. Il fait un pas en arrière, se détachant légèrement de la voiture, pour leur donner l’espace dont ils pourraient avoir besoin. Dont il a surtout besoin.

« Tu n’as pas à t’excuser d’être partie. » Les mots lui échappent. « Peut-être que c’était ce qu’il fallait à ce moment-là. » Il marque une pause, cherchant son souffle, se demandant comment continuer alors qu’il sent que tout s’écroule autour de lui. « Je peux t’aider ce soir, je peux te ramener chez toi, je peux te voir de loin... Mais donne-moi du temps pour qu’on essaie de se reparler comme avant... » Si seulement c’était possible. « C’est plus facile de t’éviter pour l’instant... » Il n'ose pas la regarder dans les yeux, préférant fixer un point quelque part devant lui. « J’ai besoin que tu comprennes. » Il sait que ces mots peuvent sembler durs, peut-être même lâches, mais c'est la vérité brute. Le revoir, être proche d'elle après tant d'années, a ravivé des sentiments qu'il pensait maîtrisés. Et maintenant, il se retrouve à jongler avec des émotions qu'il n'arrive pas à gérer.

« Allez viens, j’te ramène chez toi » Il coupe court à cette discussion, et revient près d'elle pour refermer le capot de sa voiture.

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Pas de réponse. Faut-il y voir une réponse ? Le cœur de Misha se brise, un peu plus, c’est certain. Comment peut-il refuser une réponse si simple ? Elle n’est pas là pour faire divorcer mais elle aimerait juste savoir ce qu’il ressent. Elle a besoin de savoir et il la prive de cela. C’est difficile, douloureux. Le silence s’installe, il va peut-être répondre à d’autres choses, autrement. Elle ne perd pas espoir, c’est certain. Son cœur bat fort, il n’avait pas battu de la sorte depuis longtemps, trop longtemps. C’est presque pénible de le voir se concentrer sur la mécanique de la voiture et non sur la mécanique de son cœur. Il reprend la parole, juste après. Misha ronge son frein, elle se mord la joue, un hochement de tête. Elle assimile les faits, l’absence de réponse. Il ne lui en offrira pas. Et peut-être qu’il ne le fera jamais. Plus facile de l’évite. Et Misha ravale les larmes qui menacent. Elle se sent littéralement perdue. Elle ne dit rien, qu’est-ce qu’elle peut dire ? Forcer les choses ? Non, cela ne donnerait rien de bon. Comprendre cette décision ? Oh mais elle la comprend justement. N’est-ce pas exactement ce qu’elle a fait, il y a neuf années ? C’est totalement ça qu’elle a fait en partant à l’autre bout du monde. Elle avait besoin de cette distance pour guérir et cicatriser. Et aujourd’hui, la réciproque est de mise. César ne peut pas gérer ce qu’il ressent – ou pas – alors il a besoin de ne pas voir l’ancien amour de sa vie dans son champ de vision. « - Une part de moi comprend, je te promets... cela ne signifie pas pour autant que ce n’est pas douloureux... » De la savoir à proximité et de ne pas pouvoir échanger avec lui.

C’est le sujet de la voiture qui revient un instant quand elle se rapproche de lui pour éclairer une zone demandée. Elle rit un peu, c’est plutôt nerveux, parce qu’elle enchaine les galères depuis son retour et elle s’en serait bien passée. « - Super... je n’y connais rien en voiture, ça a dû être très lisible sur mon visage » Misha et les voitures, loin d’être une histoire d’amour. Savez-vous combien d’accident a-t-elle eu ? Et combien d’argent a-t-elle donné au garagiste ? Nul doute que César s’en souvient, il a été témoin de plusieurs. « - Je vais prendre un vélo, c’est bien le vélo, non ? » Oh et encore, elle serait capable d’avoir un accident. Le problème de Misha, c’est la concentration. Elle ne sait pas se focusse trop longtemps sur la même chose, un trouble parfois complexe à gérer. Il n’y a que les animaux qui parvienne à avoir toute son attention.

Elle ose prononcer des excuses, elle en profite, elle l’a à proximité, elle tente de glisser des propos qui lui sont nécessaires. Seulement elle n’obtiendra rien de concluant. La frustration ne fait qu’augmenter. Elle ferme un instant les paupières, elle inspire un peu plus fort pour calmer les émotions qui la chamboulent. « - Peut-être, alors pourquoi est-ce que j’ai des regrets ? » Mais il ne lui offrira rien de plus. « - Mais qu’importe... » Elle s’agace légèrement. La fatigue de la soirée, la voiture... lui. Elle n’a pas envie qu’il se tienne loin mais a-t-elle le choix. « - Tu ne me laisses pas le choix... César » Elle hausse les épaules. « - Je comprends, mais comme je te l’ai dit, cela ne veut pas dire que c’est facile à accepter. » Mais qu’importe. « - Je veux bien que tu me ramènes » Ils ne vont pas s’acharner. Elle attend qu’il s’éloigne et elle retire la lampe et referme le capot. Ses affaires récupérées, ils montent dans sa voiture. « - S’il faut, je peux me teindre les cheveux, t’auras l’impression d’avoir une nouvelle collègue et peut-être que tu la trouveras sympa ? » Elle fait de l’humour, cela lui permet de ne pas trop montrer combien cette distance qu’il veut lui imposer est difficile à digérer. Elle n’a pas le choix. « - Ris au moins à mes blagues pourries, je t’en prie, sinon le trajet va être long » Une nouvelle longue inspiration, oh bon sang que c’est pénible d’être enfermée dans cette voiture avec lui.

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Fuir semble être la meilleure option à cet instant. Son esprit s’embrouille, ses mots s’emmêlent et il sent qu’il est sur le point de trop parler. Ses excuses, ses paroles, ses confessions : elles sont beaucoup trop dures à entendre. Et elles arrivent trop tard. Neuf années trop tard. Au fond de lui, il comprend pourtant bien les raisons qui l’ont poussées à partir. Ces mêmes raisons l'ont lui-même entraîné dans un tourbillon d'excès, de démesure, une spirale destructrice dont il ne voyait pas la fin. Jusqu'à ce que Jessie entre dans sa vie et le sauve. Il ne peut pas s’empêcher d’y penser, repenser à ces moments où il n’avait plus aucun espoir, plus aucune envie et se laissait simplement emporter par la douleur et la colère. Ces moments où il aurait eu tant besoin d’elle et elle seule. Ils auraient dû traverser cette épreuve à deux, soudés, liés autour de cette difficulté. Mais elle a choisi de partir, et lui, dans son propre désarroi, n'a rien fait pour la retenir.

Alors oui, maintenant, il a besoin de temps. Besoin de distance. Besoin de se raccrocher à la femme qui l'a sorti de ce gouffre, et de prendre du recul par rapport à celle qu'il a tant aimée, mais qui a aussi contribué à son naufrage. Ils essaient de faire semblant, de transformer cette discussion lourde en quelque chose de plus léger, de plus facile à gérer. Ils se cachent derrière des blagues, des moqueries, mais la réalité est implacable, elle les rattrape toujours. Qu’importe ce qu’ils se disent, c’est ce qu’ils ne disent pas qui comptent le plus à cet instant. Et ce que César ne parvient pas à formuler. Après avoir refermé le capot, il se dirige vers sa voiture et prend place derrière le volant. Il jette un regard à Misha qui s’approche également, ses affaires entre les bras. Elle fait de l’humour, encore une fois. Mais pas assez pour lui étirer un sourire. Il se contente d’hocher la tête à sa remarque... Et elle le voit, elle sent la tension entre eux qui ne semble plus vouloir faiblir. Misha insiste, lui demande de rire, un soupir franchit ses lèvres, et cette réaction, si typique d'elle, parvient enfin à faire naître un sourire sur son visage, un sourire machinal, mais sincère.

« Ce ne sont pas tes blagues pourries qui me font rire, mais tes mimiques toujours aussi expressives... » Il laisse échapper un léger rire, plus sincère cette fois, alors qu'il reporte son attention sur la route et démarre la voiture pour rejoindre l'avenue principale. « Et ne te teins pas les cheveux, ça t’irait vraiment mal je pense... » Il essaie lui aussi de rendre la situation un peu plus légère, même si au fond, il sait que cela ne résout rien. « Alors, dis-moi où je dois t’emmener ? » demande-t-il, sa voix plus posée maintenant qu’ils sont en route. « Et puis demain, si tu veux, tu pourras demander à Phil d’appeler le dépanneur du coin. Il le connaît bien, il te dira si la voiture est bonne pour la casse ou s’il peut vraiment faire quelque chose... »

Alors qu'ils roulent en silence, la voiture est soudainement remplie par la sonnerie familière de son téléphone. Le nom de Jessie apparaît sur l'écran du tableau de bord, en lettres lumineuses. César sent son cœur se serrer, il jette un coup d'œil rapide à Misha. Il ne manquait plus que ça. Partagé entre son passé et son présent. Celle qui l’a aidé à se reconstruire et celle qu’il a cherché à fuir. Le téléphone continue de sonner, César hésite, sa main se tendant instinctivement vers l'écran pour rejeter l’appel. Mais il se retient, figé par l'indécision. Il sait que ne pas répondre soulèverait des questions chez Jessie, et il ne veut pas avoir à mentir davantage. D’un autre côté, il n’est pas prêt à gérer cette conversation devant Misha, pas maintenant.

Il prend une profonde inspiration puis, d'une voix qu'il espère calme, il lance un regard furtif à Misha avant de répondre à l’appel via le système Bluetooth. « Salut mon coeur » dit-il, tentant de garder un ton léger, bien que son cœur batte plus vite. De l’autre côté, la voix de Jessie est douce, familière, réconfortante. « Salut, mon amour. Tout va bien ? » « Oui, je suis sur le chemin du retour » répond-il, gardant sa réponse aussi vague que possible. « J’ai juste eu un petit contretemps, mais tout est réglé maintenant. » Il espère que Jessie n’insistera pas, que la conversation pourra rester courte, anodine. Mais il sait que Misha entend tout. « Je voulais qu'on parle d'hier soir, de ma réaction et de ce qu'on compte faire maintenant... Vu que tu as un peu de temps en voiture, on peut peut-être... » «  Je suis pas tout seul Jess'... » Il s'empresse de la couper, un peu trop brusquement. « Je ... je ... ramène un collègue ... qui vient de commencer » Parce qu'elle connaît tous les autres. Mentir semble une bonne option.

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L’idée qu’il cherche à la fuir par tous les moyens n’est-elle pas la preuve qu’il ressent quelque chose ? Il ressent des choses dont il n’est pas prêt à parler. Misha peut attendre mais est-ce qu’elle doit attendre pour résultat ou pour une fuite ? Parce qu’il pourrait parfaitement continuer de faire comme si elle n’était pas rentrée, comme si elle n’existait plus dans sa vie. Un déni qui est presque vexant. N’a-t-elle pas compté à un moment ? Mérite-t-elle d’être mise de côté de la sorte ? Elle ne sait pas. Si Misha tente de ne pas se vexer. Des torts dans cette histoire, ils en ont tous les deux. Ils n’ont pas réussi à se parler, à dire tout ce qu’ils avaient sur le cœur. Et peut-être qu’aujourd’hui, il est trop tard. Leur chance est manquée. Elle n’a pas envie d’y croire Misha, le timing... le destin, on les met sur le chemin l’un de l’autre, ce n’est pas pour rien. Il doit y avoir quelque chose en plus. Elle a envie de s’accrocher, de toute façon, son cœur est déjà brisé. Elle a encore un peu de force à leur donner, un peu de patience à mettre sur le tapis. Mais c’est un coup de poker, peut-être qu’elle ne gagnera rien. Peut-être qu’elle gagnera tout.  

Le temps semble être la seule chose qui compte, alors elle ne dit rien, elle patiente. Il est vrai que dans les faits, cela ne fait pas si longtemps que cela qu’elle est rentrée. Son impatience légendaire fait qu’elle trouve le temps long mais elle peut attendre encore. Il n’a pas tort, une chose est sûre quand elle ne le croise pas, c’est moins difficile.

Il faut rentrer, il ne peut rien faire pour la voiture, toujours aussi chanceuse avec les voitures Misha, rien ne change. Elle monte à ses côtés et elle se rappelle les premières retrouvailles où elle a ragequite. Oui, c’est vrai qu’être enfermée dans une voiture à ses côtés rend la chose moins simple. Elle prend sur elle et comme à son habitude, quand même chose la gêne, elle fait de l’humour. Et comme il ne répond pas, elle insiste un peu et là, elle voit un petit rire. Victoire. « - Je note que tu aimes toujours mes blagues et mes mimiques, c’est tout ce qui compte » Elle se fait une petite tête adorable, celle de la victoire. Il répond quant au fait qu’elle a évoqué l’idée de changer de couleur de cheveux et elle rit naturellement. « - Je sais bien, je ne comptais pas réellement le faire, promis – tu crois que si je me coupe les cheveux ça marche ? » Elle rit et plaisante encore. Non, clairement, cette tignasse blonde qu’elle a, elle y tient trop pour les couper ou les colorer. « - Paradise Street mon capitaine, West End » Elle cesse de le regarder parce que lorsqu’il sourit de la sorte, les battements de son cœur s’emballent et apparemment, ce n’est pas possible. « - T’inquiète pas, je verrais avec Monroe, elle est mécano, tu te souviens ? Ok, elle est aussi à huit mois de grossesse et elle a un bidou incroyable mais elle sera sans doute à mène de me dire » Pas besoin qu’il se préoccupe autant d’elle. Surtout s’il veut prendre encore ses distances.

Le trajets est lancé et alors ils sont coupés par la sonnerie du téléphone. Elle voit le prénom s’afficher et à voir l’hésitation du conducteur, elle comprend parfaitement qui est Jessie. Su-Per. Elle ne dit rien, tourne la tête vers la fenêtre et le laisse comme dans une bulle d’intimité. Pourtant, rapidement elle comprend qu’il n’a pas parlé d’elle à sa femme. Enfin elle ne comprend pas que cela d’ailleurs. Les lèvres se Misha se pincent pour ne pas rire, c’est un peu gênant c’est certain. « - Oh, excuse-moi, je t’attends qu’on discute des possibilités, si on continue les FIV ou si on part sur l’adoption... à tout à l’heure Cés’, Je t’aime » Et ils raccrochent. Son cœur se brise à Misha... mais elle ne peut pas lui montrer non. « - Je suis devenue un contretemps masculin donc ... » Elle s’en amuse un peu. Pourtant...trop rapidement sans doute. « - Vous tentez d’avoir un bébé... » Cet enfant qu’elle a perdu... le drame... tout lui revient de plein fouet, aie. Ça fait mal. « - C’est un chouette projet, j’imagine » Elle ne s’amuse plus, c’est certain, qu’est-ce qu’elle est censée dire ? Et comprendre quand César ne dit pas à sa femme qu’elle est de retour et même dans sa voiture... « - Tout va bien ? » Elle parle de ce qui se passe avec sa femme. Bien qu’elle ne soit pas certaine d’être la bonne personne pour en parler.

@César Ionesco & @Misha Singh


Elle plaisante, il roule. Il écoute distraitement ses plaisanteries et ses tentatives pour alléger l’atmosphère, mais son esprit est ailleurs. Il essaye de se concentrer sur la route, de se focaliser sur ce qu’il peut contrôler, mais c’est impossible. Chaque mot qu’elle prononce, chaque rire qu’elle lâche, le ramène à une réalité qu’il n’est pas prêt à affronter. Encore une fois.  « Souviens-toi que je ris aussi surtout à tes dépens dans la majorité des cas » C’est un sourire presque victorieux qui se lit sur ses lèvres alors qu’il entre dans son jeu, appréciant de ne pas trop réfléchir à cet instant. Peut-être ont-ils bien mérité quelques minutes de discussions joyeuses et légères. « Arrête de vouloir toucher à tes cheveux... Mais tu peux essayer de mettre des lunettes, des lentilles de couleur... ou un carrément te balader avec l’un de ces masques qu’on vend à la boutique souvenir... Tu ferais très bien la maman kangourou... » Un rire sincère s’échappe de ses lèvres alors qu’il imagine Misha déguisée. Elle lui donne l’adresse et il hôche la tête tout en tournant sur l’avenue pour prendre la direction de son airbnb. Une quinzaine de minutes qui pourraient être supportables si elles continuent ainsi. « C’est vrai ça, on doit d’ailleurs toujours lui amener le petit cadeau que... » Il s’interrompt brièvement, une fraction de seconde trop longue. « Que… qu’on a trouvé pour la naissance. » Le sous-entendu est là, suspendu dans l'air. Le cadeau que Jessie a choisi, bien sûr. Et aussitôt, la légèreté qu'ils avaient réussie à construire s'effrite, remplacée par une réalité plus dure, plus cruelle. Penser à cet enfant à venir le ramène à sa vie actuelle, à tout ce qu’il essaie de construire avec Jessie.

La réalité frappe une seconde fois, de manière encore plus brutale, quand le nom de Jessie apparaît sur l’écran du tableau de bord. César sent son cœur se serrer. Il voit Misha détourner le regard, et instinctivement, il ressent l'envie de la protéger de ce choc. Mais il ne peut pas. Et elle mentionne les FIV et l’adoption alors son cœur se serre un peu plus. « Oui, on en reparle… À tout à l’heure » dit-il à Jessie, sa voix plus tendue qu’il ne le voudrait. « Je t’aime aussi » ajoute-t-il mécaniquement, sans vraiment réfléchir aux mots, avant d’appuyer presque avec colère sur le bouton pour mettre fin à l’appel. Les mots résonnent encore dans la voiture, et le silence s’installe. César voudrait brièvement fermer les yeux, mais il ne peut pas, il conduit. Il relâche un souffle qu’il ne peut plus pas retenir. Il sait que Misha a entendu chaque mot. Le malaise entre eux est palpable, mais ce n’est rien comparé à ce qu’il ressent à l’intérieur. Elle brise le silence en plaisantant, une tentative qui sonne creux. Il n’a pas besoin de la regarder pour savoir que ses mots l’ont atteinte, qu’ils ont ravivé des blessures qu’ils partagent tous les deux, même si chacun les vit différemment. Oui, elle est un contretemps masculin. Elle ne peut pas être plus aux yeux de César, et encore moins de sa femme. Pour le moment, elle est et ne sera que cela.

Elle mentionne le bébé, ce « chouette projet » et les mots le blessent. Plus qu’il ne voudrait le montrer. Il sent son cœur se serrer à nouveau, une douleur sourde remontant du passé. Il serre le volant un peu plus fort. Comment expliquer ce qu’il ressent ? Comment lui dire que cette tentative de créer une famille avec Jessie est à la fois un acte de rédemption et une échappatoire à une douleur qu’il n’a jamais vraiment surmontée ? César déglutit, tentant de garder son calme. « Oui… on essaie. » Sa voix est basse, presque rauque. « On a eu des… des complications. Mais on continue d’essayer. » Il ne peut pas en dire plus, pas maintenant, pas avec elle. Il en dit déjà trop. Mais il sait aussi qu’il doit répondre à ce qu’il n’a pas dit plus tôt, à ce qu’elle a laissé entendre en parlant de Jessie. « Je… je n’ai pas parlé de toi à Jessie. Pas encore. » Les mots sortent difficilement, comme s’ils étaient arrachés de sa gorge. Il sait que cette confession n’explique rien, ne résout rien, mais c’est tout ce qu’il peut offrir en cet instant.

« Misha » commence-t-il doucement, son regard toujours fixé sur la route devant eux. « Je suis désolé que l'apprennes comme ça »

@César Ionesco & @Misha Singh

Elle ne peut s’empêcher d’avoir un large sourire. Parce qu’elle repense au nombre de fois où elle a été maladroite qu’il a pu en rire. Misha ça a toujours été un petit clown, c’est plus facile de voir la vie dans ce sens-là, plus décontractée. C’est aussi un bon moyen de cacher tout ce qu’elle peut ressentir. La blonde n’en reste pas moins une âme sensible, trop sensible, elle le sait bien. Et l’humour quand elle est à côté de César c’est aussi un bouclier érigé. « - Je me souviens juste que j’aime quand je te fais rire » Et c’est tout simple comme constatation. C’est véridique, elle a toujours aimé qu’il rit, même à ses dépens, parce que cela détend toujours atmosphère. Son rire a toujours eu ce pouvoir sur Misha, tout remettre d’aplomb, tout est plus léger, son cœur aussi. Elle sait que c’est trop souvent éphémère, surtout en ce moment, alors elle se doit de savourer les petits instants. Ils semblent avoir des limites, comme une date de péremption. César semble toujours décider à l’éloigner de sa vie. Alors il faut prendre ces derniers instants qu’il lui offre. Elle rit aussi d’ailleurs lorsqu’il répond. « - Tu me préfèrerais avec les yeux violets ? Un petit air de Daenerys Targaryen peut-être... j’ai toujours voulu un dragon » Elle sait, il sait, elle plaisante. Cependant, l’idée du masque lui reste en tête, elle serait capable d’aller en acheter un et de l’avoir toujours avec et si César la croise, elle se met à le porter... tout pour le faire sourire, vous savez... « - Je prends note des masques... ça peut être utile » Elle prend faussement un ton très intéressé. Doucement alors, le sourire se perd, parce que César recommence à évoquer la réalité qu’elle se refuse de voir. Est-elle folle ? L’amour peut rendre fou, c’est assez connu, il y a des chansons à ce sujet, il y a des œuvres littéraires à ce sujet...

« - Ouaip, ouaip, ouaip... il faut que je m’occupe de lui trouver un cadeau de naissance » Elle ponctue et le téléphone sonne. C’est sans doute la pire des conversations. Pour elle, évidemment. L’envie de se cacher pour ne plus être vue est très présente. Pourtant, Jessie ne sait même pas qu’elle est là. Si à un moment, elle a un peu envie de rire et elle se rend Misha... notamment face au comportement de César, rapidement les mots de sa femme la ramènent à une réalité douloureuse. Ils tentent d’avoir un enfant. Pourquoi est-ce que cela lui fait mal comme ça ? Elle revoit les scènes de cette nuit-là, le sang sur ses cuisses, César qui a manqué de se noyer... l’ambulance qui l’emmène aux urgences et l’annonce du médecin qui brise tout. C’est violent, comme un choc frontal. Elle tente de faire bonne figure, chouette projet... vraiment Misha ? Est-ce que César peut croire que tu penses cela ? Oh, au fond, elle le pense, il mérite d’être heureux, mais là, c’est simplement n’anéantissement des derniers espoirs. Il piétine son cœur. Et pourquoi elle demande ? Pourquoi elle demande si tout va bien. Il répond succinctement. Elle hoche la tête, elle fixe l’avant, la route. Ils essaient mais il y a des complications. « - Je suis désolée de l’apprendre » Elle le pense mais ce n’est pas pour autant que ce n'est pas pénible. Les larmes montent, le flot d’émotions aussi, elle ravale tout, elle ne peut pas pleurer à chaque fois qu’elle le croise quand même Il n’a pas parlé d’elle à sa femme, à Jessie, elle reste surprise de la chose, c’est certain mais après tout, si elle ne compte pas, plus... pourquoi s’encombrer de cela ? Hochement de tête, les bras se croisent sur sa poitrine, signe qu’elle se referme, peut-être que César le sait, peut-être qu’il ne remarque pas. Il reprend, son prénom dans sa bouche lui fait toujours trop d’effet et elle se sent stupide. Il s’excuse... Elle soupire légèrement. « - Pas encore ? » Elle reprend juste avant. « - Ne t’encombre pas de cette vérité, tu as dit vouloir mettre de la distance, ce soir est un accident, on n’aurait pas dû se croiser – je ferais en sorte que cela n’arrive plus, je te le promets » Peut-elle réellement promettre cela ? « - Pour le reste... je suppose que je l’aurais su tôt ou tard... je préfère maintenant que le jour où on m’apprend qu’il y a une cagnotte pour ton futur bébé... » Et son ton n’est plus aussi drôle, avenant... elle est fermée et ne parvient pas à le masquer. Misha a le cœur brisé de constater à chaque fois qu’il s’éloigne... et qu’elle ne le retrouvera jamais. « - On est presque arrivé » Elle souffle encore. « - Tourne ici... » Elle le guide, désireuse que le moment ne tarde pas trop à se terminer. « - Voilà, c’est ici... » Elle tourne la tête vers lui, esquisse presque un sourire. « - Merci César... » Elle s’attarde un moment... qu’est-ce qu’elle espère ? Une discussion ? Il ne lui offrira pas. Pourtant, elle attend quelque chose, une réplique sans doute... Pour être encore déçue sans doute. « - Ouai... je vais y aller, t’as une discussion qui t’attend »

@César Ionesco & @Misha Singh


Les minutes s'étirent indéfiniement, cette route est clairement la plus longue qu'il n'ait jamais parcouru. Surtout avec elle à ses côtés. César écoute, le cœur lourd, tandis que Misha plaisante, ou du moins essaie. Elle cherche à paraître légère. L'humour est un joli boucler pour les protéger tous les deux, mais rapidement, ce masque ne suffit plus. Il est incapable de jouer le jeu plus longtemps, et elle aussi. Ce n'est plus comme avant. La conversation avec Jessie pèse trop lourd, elle vient de tout changer. Misha se ferme, il le voit, son corps tout entier se rigidifie, ses bras se croisent, et son regard fuit à travers la vitre. Il ne peut rien faire pour alléger cette situation. Il raccroche rapidement, espérant minimiser la douleur, mais il sait que c’est trop tard.

Elle est désolée pour lui. Pour eux. Avec sa voix tremblante, il peut sentir la peine derrière ses mots. Elle essaie d’être forte, mais il sait que ses mots l’ont blessée plus qu’elle ne veut le montrer. Il déglutit difficilement, sentant la culpabilité monter en lui. C'est si compliqué. Il préfère garder le silence. Il la laisse parler, il continue de rouler, il hoche la tête, il tourne les yeux vers elle, mais les mots restent coincés. Il n'a pas encore parlé à Jessie, il n'arrive pas à parler à Misha. Tout est trop compliqué à cet instant. Il est maladroit, il va empirer les choses. Misha déverse un peu de sa frustration et de sa tristesse à chaque parole. Il sent son cœur se serrer davantage, sa gorge se nouant face à ses mots. Elle est en train de se fermer, de lui tourner le dos, et il sait qu’il n’a plus rien à dire. Il serre le volant un peu plus fort. C'est sa seule réaction.

« Misha… » commence-t-il, mais sa voix manque d’assurance. Il ne sait pas quoi dire ni comment lui faire comprendre qu’il ne voulait pas que les choses se passent ainsi. Il ne s'est même pas comment il voulait que ça se passe vraiment. Elle le coupe, son ton toujours aussi fermé, si dur. Elle brise quelque chose en lui, comme il l'a fait en elle. Il sait qu’elle est blessée, mais entendre ces mots avec une telle froideur lui fait plus mal qu’il ne l’aurait cru.

« Je n’ai pas parlé de toi à Jessie parce que je ne sais pas quoi lui dire. Je ne veux pas qu’elle pense que je... Je ne sais pas en fait. » Il roule, il tourne. « Je ne sais pas où te placer dans ma vie désormais, où te placer dans tout ça. » Machinalement, il suit ses indications sans chercher davantage à tenir la discussion. Il ne sait pas, sait plus. Il se gare, coupe le moteur et la regarde. Elle attend puis descend finalement de voiture après l'avoir remercié. Après avoir coupé court à toute forme de discussion. De toute manière, son silence ne laissait guère davantage de discussion possible. Il est figé, incapable de formuler la réponse qu’elle attend, ou même de savoir ce qu’elle attend de lui. Elle s'éloigne lentement de la voiture, et César sent que cette distance pourrait bien être définitive.

Il la regarde et les mots sont encore bloqués dans sa gorge. Tout ce qu’il peut faire, c’est la regarder partir, une fois de plus, sans avoir su quoi dire.