@Luther Kealoha & @Juliet Chapman
Tu te tiens là, le cœur lourd et l'esprit tourmenté. Ton regard parcourt les murs blancs, les sièges vides, les visages anonymes à l’image de ton état d’esprit. D’autres femmes partageant le même fardeau de cette décision. Tu t'avances vers la réception. L'infirmière t'accueille avec un regard froid, presque dénué d'émotion en te tendant un questionnaire auquel tu réponds avant de signer un tas de formulaires qui semblent sceller ton destin. Dans la salle d’attente, tu te fond dans l’anonymat à ton tour. Tu baisses les yeux et évites soigneusement les regards qui pourraient lire tes doutes et tes peurs. Le temps s'étire, Luther ne devrait pas tarder. Tu ne voulais pas qu’il arrive avant toi alors tu lui as donné une autre heure. Dans ta tête c’est un mélange de "et si" et de "peut-être". Et si tu regrettais pour le reste de tes jours ? Peut-être que tu ne devrais pas renoncer à ce miracle de la vie? Le doute t'étreint, te serre la gorge, te noue les entrailles. Tu tentes de t'accrocher à ta fragile conviction qui vacille déjà dans les tréfonds de ton être. Tu te sens coupable, oh combien. Mais, tu n'es pas prête à accueillir un autre enfant dans ta vie. Et puis, tu as déjà un enfant que tu as laissé derrière toi, confié à ton ex-mari. Alors un deuxième ? Qui plus est, le fruit d'une nuit sans lendemain, censé être sans conséquence, tu ne connais même pas l'identité du père. Tu te souviens à peine du visage de cet homme, de son prénom murmuré dans un souffle étouffé par l'alcool. Et pourtant, voilà que les conséquences se manifestent maintenant, dans le creux de ton ventre. Se rappelle-t-il au moins de toi ? Aurait-il voulu être là ? Aurait-il assumé ses responsabilités ?  Aurait-il été un bon père ? Et pour la suite, que resterait-il de toi ? Une mère absente, incapable d'offrir le meilleur à ses enfants. . Tu fermes les yeux pour laisser tes pensées virevolter. C’est qu’il en met du temps finalement Luther. Ton regard se perd dans le flou des pensées qui t'assaillent alors qu’un long soupir s’échappe de tes lèvres sans que tu ne t’en aperçoives. Tu veux croire que c'est la bonne décision, que c'est ce qu'il faut faire pour toi, pour lui. Instinctivement, tu passes la main sur ton ventre. Ton ventre, qui l’abrite lui, petit être indéfinissable. Enveloppé dans un pull bien trop ample que tu t’apprête à troquer contre une blouse plus légère dans quelques instants. Le temps semble suspendu, heureusement une silhouette familière vient à ta rescousse brisant le silence oppressant de cet endroit. Luther, ton ami fidèle, ton confident, qui t’a proposé son épaule solide pour te soutenir dans cette expérience difficile. Ton cœur se serre en le voyant s'approcher de toi. Tu te lèves précipitamment de ta chaise, délaissant toute réserve pour te jeter dans ses bras. Tu te blottis contre lui, cherchant refuge dans sa présence rassurante. Tu lui adresses un sourire reconnaissant, il ne pouvait te faire meilleur cadeau. « Juliet Chapman ? C’est à vous… »

@Luther Kealoha & @Juliet Chapman


Il regrette amèrement d’avoir pris son pick-up pour venir. C’est qu’il voulait pouvoir ramener Juliet facilement à la sortie du rendez-vous, mais coincé comme il est dans les bouchons, il aimerait fort bien pouvoir sauter sur son vélo et dévaler la piste cyclable jusqu’à la clinique. Histoire d'arriver à l'heure et de ne pas la laisser poireauter seule dans ses incertitudes. Honnêtement, il ne sait pas très bien dans quoi il s’embarque. Ses seules expériences qui touchent de près ou de loin le sujet à celle que vit Juliet se bornent à la pilule du lendemain. Autant dire, pas grande chose à voir. Et comme le cinéma et les séries sont avares de mise en scène autour de l’avortement, il n’a pas grande idée de quoi s’attendre. Non, Juliet aurait été un personnage de série B, elle serait probablement déjà tombée dans les escaliers ou d’un cheval apparu miraculeusement au milieu d’un épisode. Mais c’est la vraie vie ici, y' a personne pour vous pousser et il se gare donc dans le parking souterrain d’une clinique d'obstétrique avant quelques minutes de retard sur l’heure dite. Quand les portes de l'ascenseur s'ouvrent, il a peine le temps de se rendre au bureau d'accueil et de se faire désigner la salle d’attente qu’il se retrouve avec une ex dans les bras. Décidément, c’est la mode en ce moment. Mais il a bien plus l’habitude des étreintes de Juliet que de celle de Nelly et c’est avec la force de l’habitude qu’il referme ses bras autour du corps de sa vieille amie. Il lui flatte l’épaule en murmurant “ Allons, allons, j’suis là ça va bien se passer … ”, comme si sa présence pouvait miraculeusement influencer le résultat d’un acte médical. Il ajoute sur un ton d’excuse “ Désolé, j’ai quelques minutes de retard, j’ai pris la voiture pour pouvoir te ramener et j’ai sous-estimé la circulation. ”. Ils ont à peine le temps de s’asseoir côte à côte sur une banquette qu’on vient chercher Juliet, et il se lève de concert avec elle. C’est plus un mouvement de politesse qu’autre chose car, encore une fois, il ne sait pas très bien ce qu’il est censé faire. “ Tu veux que je t’accompagne dans la salle ? ” s’entend-t-il lui murmurer, le dos légèrement tourné vers l’infirmière pour leur donner un peu de discrétion. Il n’a jamais accompagné quiconque à un rendez-vous chez le gynécologue, loin d’avoir eu cette familiarité avec aucune de ses copines. Il regrette un peu de ne pas avoir demandé à Juliet ce qu’elle attendait de lui en amont, et il précise dans un murmure “ Je peux si ça te rassure, ça m’dérange pas. ”.

@Luther Kealoha & @Juliet Chapman

Les bras de Luther se referment autour de toi avec une douceur réconfortante, comme un cocon protecteur dans lequel tu peux enfin te réfugier. Ses mots murmurés au creux de ton oreille avec tendresse te font du bien. Il ne pouvait te faire de meilleur cadeau. Il bafouille quelques excuses sur son retard, qu’importe, ça n’a pas d’importance tu ne voulais pas de toute façon qu’il arrive en avance. À peine le temps d’échanger quelques futilités, que le médecin se dresse déjà devant toi. Ton regard croise celui du hawaïen. Pas de faux tabou entre vous. Ce n’est pas comme si vous n’aviez jamais partagé de moments intimes. Tu ne ressens aucune gêne, aucune réserve devant lui, bien au contraire. Là, de suite sa présence te semble d'ailleurs plus que nécessaire, elle est vitale. Tes mains moites cherchent les siennes. Tu souffles comme pour te donner du courage face au médecin. Ton cœur bat la chamade et un frisson glacé parcourant ton dos alors que tu franchis le seuil de la salle, l'âme alourdie par le poids de l'incertitude. Dans la salle d'examen, tu te retrouves figée, silencieuse, tandis que le médecin débite son discours routinier, dénué de toute émotion. Une boule d'angoisse se forme dans ton estomac tandis que du coin de l’œil tu jettes des regards à ton ami pour essayer de te convaincre que tu fais le bon choix. Malgré tes doutes, tu restes assise là, résignée, tentant de te convaincre que c'est ce qu'il faut faire. Tu tentes de chasser tes mauvaises pensées en les repoussant au fond de ton esprit, mais elles reviennent inlassablement. Tu te forces à respirer profondément, tentant en vain de calmer les battements frénétiques de ton cœur. Son invitation à passer à côté résonne dans ta tête comme un écho lointain. Tu plisses les yeux, une sensation d'acouphène envahit tes oreilles. Hého, mademoiselle Chapman ? reprend-il. Tu te léves les pieds lourds et t'avances vers la table d'examen. Ton esprit crie de fuir et tu tentes de t’accrocher à la seule chose qui te fait encore du bien ici, Luther. La boule dans ta gorge menace de t’étouffer et à peine la main du médecin se pose sur toi, que d’un coup tu hurles : « Stop ! » Tu te lèves brusquement. « Je ne veux plus, je ne veux pas. » tu es surement en train de commettre une erreur, mais ne pas la commettre te paraît à l’instant plus grave. « Je suis désolée, mais je ne suis pas prête. » ajoutes-tu, tandis que le médecin te propose de vous laisser quelques instants seuls pour réfléchir et discuter. Alors que tu te retrouvais enfin seule avec Lu, un flot d'émotions contradictoires déferle en toi. Pendant un instant, tu as la sensation d’avoir flirter dangereusement avec le point de non-retour. Et si inconsciemment, t’avais envie de le garder ? « S’il te plait, allons-nous en ! » supplies-tu dans un souffle désespéré.