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jukebox Les hostilités sont officiellement lancées.
Il fallait bien que cela arrive, un jour. Il fallait bien qu’ils avancent. Qu’ils lancent la procédure de divorce, pour de bon. Ils n’auraient pas pu continuer indéfiniment de cette façon. Rester séparés en attendant dieu seul sait quoi – ils l’avaient fait des mois durant, déjà. Mais c’est à croire que c’était à qui se lancerait le premier. A qui perdrait patience, à qui cèderait. Peut-être parce qu’il y avait tant d’enjeux, derrière. Des enjeux que Marga craignait – à raison, elle le constate maintenant. Elle a bien fait de craindre le pire, car le pire, Reece l’a fait. Il ne s’est pas contenté de demander le divorce, non. Il ne s’est pas contenté de vouloir avoir la plus grosse part de gâteau dans tout cela, non. N’a même pas cherché un quelconque arrangement. Non, il a fait pire : il a eu le culot de demander directement la garde exclusive de Valentine. Sous prétexte que Marga n’est jamais là. Que Marga ne le sera jamais assez. Que Marga est obnubilée par son travail, son carrière – et c’est peut-être vrai. Mais elle a toujours placé sa fille, leur fille, au centre de ses priorités. Peut-être plus que Reece – est-ce pour lui une façon de se venger, de le lui reprocher ? Elle le déteste, Marga. Elle le D É T E S T E. Comme elle n’a jamais haï quelqu’un.

Et dire qu’au début, ils s’aimaient.
D’un amour tendre, passionné.
Au début. Puis il y a eu la vie.

Elle regrette tant de choses, Marga. Tant de choses qu’elle aurait aimé faire différemment. Anticiper mieux. Réfléchir plus posément. Comme si elle aurait pu voir venir certaines choses. Elle ne peut pas regretter Reece tout à fait, car il lui a donné Valentina. Elle ne peut pas regretter sa fille, pas une seule seconde, Marga. Mais, qui sait – peut-être qu’elle aurait dû laisser tomber le mariage, quand elle a recroisé Syed, quand il y a eu ce baiser échangé, il y a des années. A cela, elle n’a cessé de repenser, comme hantée. Quitte à se torturer, pendant des années et des années. Quelle idée de débuter un mariage sous de tels auspices – en sachant ses torts, sa culpabilité. Même s’il n’y a rien eu de plus qu’un baiser. Pour Marga, c’était déjà trop.
Peut-être que Reece a aussi ses travers, ses erreurs, ses défauts. Dans le fond, elle en a toujours eu le doute – sans vraiment être sûre. Peut-être que la confiance entre eux s’est brisée il y a un moment, alors. Peut-être qu’elle est même ce qui a mis un terme à l’amour. Peut-être. Tant de suppositions. Mais Marga ne veut plus refaire le passé, analyser leur relation. Ne veut même plus s’émouvoir des souvenirs partagés. Les hostilités sont lancées – et elle, qui voudrait se croire si forte, cela l’a ébranlée, bouleversée. Tout simplement décimée.

Elle n’a pas réfléchi. Si tourmentée, perturbée, elle a quitté sa nouvelle maison – plus si nouvelle, à présent. Elle a traversé la rue, et maintenant, elle se retrouve face à la porte de la maison de Syed. De tous ses proches, tous ceux de son côté, il est le seul auquel elle ait pensé, le seul qu’elle ait voulu retrouver. Ils ne sont plus proches, pourtant. Ils ne sont plus rien – sinon des exs. Mais lui, mieux que quiconque, peut comprendre. Elle le sait, Marga. Elle n’a pas réfléchi. C’est son cœur qui l’a poussée directement vers lui. Alors, impulsive, elle frappe à la porte. Elle sait qu’il est là ; peut-être est-il occupé, cependant. Elle aurait pu s’annoncer avant, lui écrire un message, demander à le voir – mais si bouleversée qu’elle était, Marga, non, elle n’a pas réfléchi. Peut-être qu’il est occupé, même en train de jouer – mais si tel est le cas, il n’ouvrira pas, et tant pis, elle partira. Et peut-être qu’elle s’ouvrira une bouteille de vin qu’elle boira en entier. Et tant pis, pour ce que l’on pourrait en penser. Pourtant, la porte finit par s’ouvrir. « Hey. » qu’elle commence, d’abord, toujours un peu sonnée – tant et si bien que sur le moment, elle n’arrive à rien dire de plus. Elle sait qu’il ne veut plus la voir, qu’il faut donc aller droit au but. « Il demande la garde exclusive de Valentina. » débite-t-elle aussitôt. D’une voix si étrange. Avec un regard ailleurs. Elle est encore un peu sur le choc, réalise sans réaliser vraiment. « Je sais qu’tu veux pas m’voir, j’ai juste… j’ai paniqué, j’ai l’impression que je vais partir en vrille. » Sa voix se brise un peu sur ces mots. Comprendra-t-il ce qu’elle n’arrive pas à dire ? Elle n’a même pas eu besoin de mentionner Reece, il était évident qu’elle parlait de lui – elle ne divorce pas de dix personnes en même temps. Et dans le fond, elle n’a pas besoin d’expliquer à Syed pourquoi elle est venue le voir, lui : c’est qu’il a vécu la même chose. Son ex a eu la garde de leur enfant, celle qu’il cherche à retrouver à présent.

[ @Syed Graves ]

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-- ft / @Marga del Río
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Il avait passé sa journée au boulot, pas chez lui pour une fois, parce qu’il travaillait aussi dans une boite de développement de jeux. Il aimait ça, mettre un peu de lui dans un jeu vidéo et puis, ça faisait bien sur le papier, d’avoir ce que certains appelaient un vrai job. Puisque, juste jouer aux jeux vidéos, ce n’était pas un métier. C’était en partie ce qui lui avait coûté la garde son fils, alors maintenant que ça allait mieux dans sa vie, qu’il avait réussi à surmonter ses problèmes et qu’il avait de nouveau un quotidien stable, il avait bien envie d’aller agiter son contrat de travail devant un tribunal, qu’on ne puisse pas venir l’emmerder et lui reprocher de ne pas avoir de travail et d’être ainsi incapable de s’occuper de son enfant. Il fallait qu’il remette la machine judiciaire en marche Syed, parce que ça faisait bien trop longtemps qu’il était séparé de son fils et c’était injuste. Il avait eu des problèmes, c’était un fait et ce n’était pas tombé au bon moment, mais ce n’était pas comme s’il avait choisi de faire un burnout pile à ce moment-là, dans une volonté d’emmerder sa femme, enceinte jusqu’au cou. Il n’avait rien prévu du tout et des années plus tard, il subissait encore les conséquences de tout ça.

Journée terminée, il était rentré chez lui, s’était à peine posé, juste le temps de déposer ses affaires, avant de filer pour passer un peu de temps à la salle de sport, comme quoi, il ne passait pas son temps à jouer aux jeux vidéos, comme le disaient les mauvaises langues. Une bonne heure passée à se dépenser avant de finalement rentrer chez lui, satisfait de sa journée. Maintenant, il allait pouvoir aller jouer. Pas de live de prévu ce soir, il allait jouer juste pour le plaisir de jouer, parce que ça ne pouvait pas faire de mal. Après tout, les jeux c’était une passion avant d’être son gagne pain. Il s’était arrêté à la cuisine pour se servir un grand verre d’eau, ouvrir le frigo en se demandant ce qu’il allait bien pouvoir manger, mais n’avait pas fini son analyse des ingrédients présents dedans qu’on frappait à sa porte. C’était pas le moment, il n’attendait personne et n’avait en prime, pas eu le temps de prendre sa douche, ce qui le rendait à peine présentable, d’après ses propres critères. Il se demandait bien qui pouvait avoir décidé de lui rendre une visite improvisée. Il regarda son téléphone, aucun message. Il espérait que ce soit Fred, au moins, seule visite improvisée qu’il pouvait supporter quand il rentrait tout juste du sport. Il ouvrit la porte pour se retrouver face à Marga. Son ex, clairement, ça faisait partie des visites surprises dont il se passerait bien. « Hey. » Il répondit, l’hésitation dans la voix, parce qu’il avait du mal à comprendre ce qu’elle faisait devant sa porte. Et le reste, ça allait d’un coup trop vite pour lui. La voilà qui était en train de se confier sur ses problèmes sur le pas de sa porte. Qu’est-ce qu’il devait faire ? Lui filer le numéro de son psy ? Ou celui de son avocat, vu la situation ? Aucun des deux, il avait trop besoin de la neutralité de son psy et il préférait que son avocat se concentre sur son cas à lui, plutôt que sur celui de Marga. Chacun sa merde. « Waw. » Il lâcha simplement, un peu surpris quand même de ce qui était en train de se passer sur son porche. Pas la soirée qu’il avait prévue, de toute évidence. « Bienvenue au club. Quoi que t’as encore tes chances de pas y entrer et je te le conseille pas, franchement, pas top comme club. » Elle avait dit que son mari, ex-mari - il ne saurait dire où ça en était - voulait la garde exclusive de leur fille, pas qu’il l’avait obtenue. « Par contre, dans ce genre de situation, y a rien de mieux qu’une bonne margarita. » Picoler, mauvais conseil pour garder la garde de sa fille. Mais ce qu’il se passait à l’intérieur de sa maison n’en sortirait pas. Alors il se décala pour la laisser entrer. Pas forcément envie de passer la soirée avec son ex, mais s’il y avait bien un sujet sur lequel il pouvait la comprendre, c’était cette histoire de garde exclusive, puisqu’il en était lui-même victime.

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Elle le déteste.
Elle le déteste pour tout compliquer. Pour avoir tout gâché.
Elle le déteste pour avoir ruiné tous leurs souvenirs, tout ce qui restait.
Elle le déteste pour que ce soit sur cette note que tout s’arrête.

Et puis, elle n’arrive pas à y croire, Marga.
Elle croyait Reece différent. Elle ne le pensait pas capable de lui faire ce coup-là. De demander la garde exclusive – lui demander de s’occuper seul de leur fille. Elle n’arrive pas à comprendre comment on peut demander cela, quand tout va bien, quand rien ne le justifie. Ce n’est pas comme si elle était un danger pour sa fille, Marga. Alors cela ira – n’est-ce pas ? Mais elle a tout à coup une peur terrible de l’opinion publique, de l’impact de celle-ci sur la suite. Parce qu’on s’est déjà fait, son avis sur elle. Elle le voit bien tous les jours. Elle le voit depuis qu’elle a gagné en notoriété, c’est-à-dire depuis qu’elle a obtenu son émission, qu’elle a changé d’horaire de diffusion. Qu’elle a gagné en visibilité, tout naturellement. On s’est fait son avis sur elle, comme on le fait trop souvent. On l’a diabolisée, jugée, comme on le fait trop souvent pour les femmes, finalement. Marga n’est pas une exception, sous prétexte qu’elle est présentatrice d’un late show. Cela ne lui donne pas plus de droits que les autres.

Mais il ne gagnera pas, Reece, n’est-ce pas ?
Il ne peut pas. Elle n’est pas un danger. Elle sait qu’il va juste pointer son manque de disponibilité. ET puis, garde exclusive, elle exagère, peut-être. Elle aura le droit de l’avoir les week-ends. Mais il ne veut pas partager, voilà tout. Il peut être le parent 1 des formulaires d’autorisation de l’école. Celui que l’on contacte quand Valentina est malade. Celui qui la lève le matin, la couche le soir, celui qui lui prépare à manger, lui raconte une histoire, l’emmène au parc ou à la fête foraine, s’occupe d’elle quand elle est malade, le bon parent, le bon flic, celui qui est là, tout le temps. Celui qui la culpabilisera ensuite, Marga, en lui disant qu’elle n’était pas là. Peut-être qu’elle dramatise, la brune, mais toutes ces pensées s’accumulent dans sa tête et font monter la pression, la panique en même temps. Alors elle n’a pas réfléchi. Elle est allée sonner chez Syed.
Même si elle est peut-être la dernière personne qu’il veut voir ; il est la première à qui elle a su qu’elle pourrait en parler.

Alors elle est là, Marga.
Sonne et appréhende, mais finalement, c’est bien peu par rapport à l’angoisse qui l’encombre depuis qu’elle a appris. Pauvre Syed qui la voit débarquer, puis tout lâcher, d’un coup – sans lui laisser le temps à peine de respirer. Mais il fallait qu’elle évacue, Marga. Qu’elle balance tout. Peut-être en craignant qu’il ne l’écoute pas jusqu’au bout – mais c’est surtout la panique qui explique que les mots se soient enchaînés si vite. Il semble surpris, encore en train d’assimiler tout ce qu’elle lui a dit. Mais il finit par reprendre la parole, sur le ton de l’ironie. « Ouais, j’ai pas trop envie d’avoir ma carte d’adhésion. » arrive-t-elle vaguement à ironiser, sans même un sourire. Pas son genre. Parce qu’elle est plus de celui à sourire tout le temps, Marga, même quand tout va mal, même quand tout s’effondre. Elle y arrive peut-être même trop bien, au point de donner l’impression à ceux qui l’entourent qu’elle ne ressent pas grand-chose. Comme Syed. Elle a sans doute trop souvent noyé le poisson, gardant pour elle tout ce qui la travaillait, quitte à créer un fossé. En tout cas, quand elle entend la réponse de Syed, elle l’étonne. Elle ne croyait pas vraiment qu’il l’inviterait à entrer. Elle n’y avait à vrai dire pas tout à fait réfléchi. « Oh, je tuerais pour une margarita, là, tout de suite. » répond-elle, en lâchant un soupir. Et comme Syed se décale pour la laisser entrer, elle s’exécute sans tarder. « Merci. » souffle-t-elle en passant. Aussitôt entrée, elle ne peut s’empêcher d’observer l’intérieur. Après tout, quand ils étaient ensemble, ou quand ils se voyaient, simplement, à l’abri des regards la plupart du temps, Syed ne vivait pas là. Pas plus que Marga ne vivait dans la maison juste en face. Alors, elle découvre avec une curiosité discrète. « Sympa, la déco. » commente-t-elle, esquissant cette fois un embryon de sourire. Mais elle ne bouge pas de l’entrée, se sentant comme une intruse, presque timide, qui n’a pas le droit d’être là.

[ @Syed Graves ]

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-- ft / @Marga del Río
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Il savait ce que ça faisait, Syed, de perdre la garde de son enfant. Malheureusement pour lui, il était passé par cette case là. Des années plus tôt, quand sa femme avait demandé le divorce, elle avait aussi demandé la garde exclusive de leur fils. Elle avait obtenu gain de cause sans trop de difficulté. Parce qu’il avait été jugé pas en état de s’occuper d’un enfant. Ce n’était probablement pas faux à l’époque. Il avait été dans une mauvaise passe. Il avait quitté un job dans lequel il n’était pas heureux. Un job qui l’avait mis au fond du trou et à partir de là, il avait eu du mal à se relever, le brun. Il trouvait quand même la décision injuste et presque plus basée sur le fait qu’il s’était lancé dans le streaming avec la volonté d’en faire sa carrière, que sur son état mental de l’époque. Maintenant, il allait mieux, il s’était repris en main. Il s’était fait soigner et continuait de consulter régulièrement, parce que ça lui faisait du bien. Maintenant, il avait un métier dans lequel il était bien, Syed et même si ce n’était pas un métier conventionnel aux yeux d’un grand nombre de la population, l’important, c’était qu’il se sente épanoui dans ce qu’il faisait et qu’il gagne bien sa vie. Il avait une vie stable maintenant et pourtant, il n’avait toujours pas la garde de son fils.

Il pouvait comprendre les craintes de Marga. Alors même si elle était la dernière personne avec qui il avait envie de passer la soirée, il lui avait ouvert sa porte. Il ne pouvait pas vraiment l’aider, parce que lui, il avait perdu son procès pour la garde de son fils et il avait du mal à relancer la machine pour le retrouver. Mieux valait ne pas écouter ses conseils du coup, parce qu’ils étaient clairement mauvais. « Tu m’étonnes. » Il répliqua, dans un soupir. Vraiment pas un club sympa, que celui des personnes ayant perdu la garde de leur enfant. Parfois, c’était justifié. Normal de retirer la garde d’un enfant à un parent violent et/ou abusif. Mais ce n’était pas son cas à lui et ce n’était pas le cas de Marga, eux, ils étaient de bons parents, des parents aimants, alors ils ne méritaient pas ça. Il n’avait pas de bons conseils à donner, Syed, mais il faisait une bonne margarita et c’était peut-être plus efficace que n’importe quel conseil. « Pas besoin de tuer qui que ce soit, du coup. » Il répliqua, en haussant les épaules. Pas besoin de tuer pour l’avoir, la margarita, puisqu’il allait la lui préparer. Il se dirigea vers la cuisine, pour mettre ses plans à exécution. « Merci, je suis plutôt content du résultat. » Il était content de ce qu’il avait réussi à faire avec cette maison. Il s’y sentait bien, était content de l’avoir achetée. Drôle de hasard que Marga ait acheté celle d’à côté peu après lui, mais bon. Il restait content de son investissement. Il espérait vraiment qu’un jour, son fils puisse venir vivre avec lui. « Il a quoi comme argument, pour la garde exclusive ? » Parce qu’il fallait quand même des bons arguments - ou un bon avocat - pour obtenir ce genre de chose. En plus, la garde était plus facilement donnée à la mère, parce que beaucoup partaient du principe qu’un enfant avait besoin d’une mère plus que d’un père. Tout dépendait des juges, sans doute, avec un peu de chance, elle tomberait sur quelqu’un d’un peu moins archaïque que lui. Il le lui souhaitait, évidemment. Il n’avait vraiment rien eu de son côté lui, à l’époque. Il espérait qu’aujourd’hui, s’il devait vraiment relancer un procès, les choses seraient plus en sa faveur.

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