@Marlon O'Connor & @Vivian Winchester

Les cris et hurlements des pompiers font presque vibrer les murs de la caserne. Une des leurs va se marier. Une occasion pour eux de s'amuser en festoyant jusqu'au bout de la nuit, même si la date de cérémonie n'a pas encore été fixée. Vivian rit à gorge déployée face à la joie de ses camarades. Ils sont heureux pour elle, autant que sa famille a pu l'être. Après tout, ses collègues sont comme tels ; sa seconde famille, son équipe. Alors voir le bonheur pétiller dans leurs yeux n'a pas de prix. Vivian se sent chanceuse à cet instant, d'avoir le droit à autant de bienveillance et d'amour de leur part. Même leur capitaine s'enthousiasme, lui qui ne croit plus tellement au mariage depuis qu'il est divorcé. Sûrement parce qu'il la connait Vivian, et qu'il sait à quel point c'est important pour elle. L'amour. Elle vit pour ça, Vivian. Pour s'épanouir dans une relation amoureuse, qu'importe si elle soit routinière ou pleine de rebondissements. Vivian n'attendait que ça. Qu'un homme lui passe la bague au doigt. Alors quand elle annonce ses fiançailles à ses équipiers et qu'ils se mettent à hurler leurs félicitations, Vivian se sent fière. Fière et heureuse. Un sourire radieux dessine ses lèvres tandis qu'une de ses collègues se jette dans ses bras. Vivian n'apprécie pas tellement quand l'attention est tournée sur elle, d'ordinaire assez discrète sur sa vie privée. Mais aujourd'hui les choses sont différentes. Aujourd'hui elle veut qu'on la félicite, qu'on lui rappelle à quel point elle est chanceuse. Un homme l'aime et veut l'épouser. Ça arrive enfin. Tout ce qu'elle a attendu ces dernières décennies est enfin à portée de main ; pourtant, au fin fond d'elle, Vivian s'en réjouit que partiellement.

Leur salle de restauration, et donc de pause, n'aura jamais été aussi mouvementée ces dernières semaines. Tous sont réunis, encerclant Vivian pour l'observer. Sauf deux manques à l'appel, et c'est plutôt mieux ainsi. Noah ne travaille pas aujourd'hui, ce qui a permis à Vivian d'exploser les joies de ses fiançailles à ses camarades. Avec lui dans les parages, les choses auraient été différentes. Elle aurait moins osé s'enthousiasmer de la sorte. Pas après ce qu'il lui est arrivé à lui ; et surtout pas si l'annonce de son bonheur risque de blesser un de ses meilleurs amis. Alors elle profite Vivian, et se dit qu'elle en parlera à Noah de vive voix, en face à face. Loin des regards des autres, ce sera plus facile. Quant au second abonnés absents, il s'agit de Marlon. Son meilleur ami. Celui à qui elle redoute d'annoncer ses fiançailles. Non pas qu'elle craigne de le blesser, puisqu'il ne fait aucun doute que Marlon sera des plus heureux. Mais c'est son attitude à elle qu'elle redoute. Comment arrivera-t-elle à lui faire cette annonce en le regardant droit dans les yeux, et en se retenant de pleurer ? Parce qu'elle est émotive Vivian. Trop. Et que Marlon est peut-être celui qu'elle aurait voulu épouser. Mais cette idée, cette envie est de la pure folie. Surtout après plus d'une décennie de relation avec Justin... Alors elle ne lui en a pas parlé Vivian ; là où d'ordinaire elle l'aurait appelé dans la minute. Car elle lui dit tout à Marlon. Normalement. Il est le deuxième au courant de tout – après Delilah – celui à qui elle veut tout raconter. Et si c'est ce qu'elle a fait avec sa sœur, elle a fait la morte auprès de son meilleur ami. Vivian n'a pas répondu à ses appels ni à ses messages durant tout le week-end. L'esquiver a été une manière pour elle de ne pas avoir à lui dire. De ne pas lui confier ses fiançailles, et donc d'avouer que d'ici un an, Justin et elle seront mari et femme. Car en lui parlant de ça, Vivian ignore l'émotion qu'elle pourrait lui transmettre. La peur ? La déception ? Qu'en pensera Marlon ? Ne risque-t-il pas de comprendre que Vivian ressent quelque chose pour lui ?

Alors elle s'est tue.
Pour l'instant.  
Mais la vérité nous rattrape toujours, n'est-ce pas ?

– Vivian Winchester fiancée, c'est incroyable ! hurle Ross plus heureuse que jamais.

Personne ne voit venir le lieutenant en arrière-plan. Personne, pas même Vivian qui engloutit un beignet qu'on lui tend. La bouche pleine, la brune rigole tandis que ses camarades continuent de la féliciter et de l'entourer. Ils n'ont de yeux que pour elle ; et elle ne voit qu'eux.

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Arrêter sa prise d’opiacés est sans nul doute la meilleure décision que Marlon ait prise ces derniers mois. La meilleure décision, oui, mais aussi la plus difficile. Le manque qu’il a ressenti lui a fait prendre conscience des choses et de leur gravité. Il s’est fait la réflexion, en se regardant dans le miroir, qu’il ne ressemblait à rien d’autre qu’à un toxico en plein sevrage et qu’il se détestait d’avoir été aussi faible. Il s’est surpris plus d’une fois à avoir des réactions excessives, à être irritable, à suer ou à trembler sans raison du simple fait qu’il ne prenait plus ses pilules magiques. Alors, pour dissimuler tous ces effets, Marlon n’a rien trouvé de mieux que de s’enfermer dans le sport quand il ne partait pas au grand air, loin de toutes les tentations.

Une fois encore ce matin n’a pas échappé à la règle. Réveillé avant que l’alarme de son téléphone ne l’extirpe de ses songes, il a augmenté son footing matinal de trois kilomètres et a rejoint la caserne n°12 une heure avant sa prise de poste. S’il y a croisé l’autre équipe – celle qui travaille sur les horaires inverses des siens – le lieutenant n’a qu’à peine pris le temps de les saluer avant de rejoindre la salle de musculation. Pendant une quarantaine de minutes Marlon a enchaîné les tractions, les exercices de gainage et d’haltères. Peu avant que son équipe arrive, il a rejoint les vestiaires pour prendre une douche afin d’être pleinement opérationnel pour la garde qui les attend.

Son uniforme sur le dos, Marlon jette un coup d’œil à l’horloge des vestiaires et constate que leur garde commence dans cinq minutes. À cette heure-ci, l’ensemble de ses coéquipiers doit être arrivé ; tous doivent d’ailleurs être en train de partager le petit-déjeuner dans la salle de restauration. Avec un maigre sourire au coin des lèvres, le lieutenant se met en direction de ladite salle, prêt à retrouver ses amis après ce week-end de trois jours auxquels ils ont eu droit.

Comme bien souvent, Marlon entre dans une salle où le brouhaha est ambiant et où toute nouvelle présence peut passer incognito si personne ne regarde plus loin qu’autour de la table. C’est précisément ce qu’il se passe alors qu’il rejoint le plan de travail pour se servir un café. Mais au même moment que le liquide noirâtre se déverse dans sa tasse, une annonce le fait se figer : « Vivian Winchester fiancée, c'est incroyable ! ».

Vivian Winchester, fiancée ? Non. C’est impossible. Si le premier sentiment que ressent Marlon est une pique dans la poitrine liée à la jalousie qu’il ressent envers Justin, le deuxième sentiment qui le saisit est celui de la déception. Vivian est son amie ; sa meilleure amie. Eux deux se disent tout, se confient tout. Alors comment se fait-il que toute la caserne soit au courant de ses fiançailles, mais pas lui ? S’il bouillonne à l’intérieur, Marlon fait preuve d’un calme olympien en reposant la cafetière et en se tournant vers la table qui n’a pas encore remarquée sa présence.

- Vivian Winchester, fiancée ? se manifeste-t-il en appuyant les paumes de ses mains sur l’ilot de cuisine depuis lequel on dispose d’une vue parfaite sur la grande table où tous les pompiers sont réunis.

D’ici, Marlon est vu et entendu de tous mais, surtout, de la principale intéressée qu’il cherche désormais du regard. Son calme apparent est toujours intact mais il va sans dire que la rage fait fureur en son for intérieur.

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Qu'il est difficile de se retenir de rire de joie face à la réjouissance de ses amis. Impossible, même. Elle a beau avoir la bouche encore pleine de beignet au chocolat, Vivian n'arrive pas à s'empêcher de rire. Elle se fiche bien de l'image qu'elle peut renvoyer d'elle à cet instant. De toute façon, ses coéquipiers se moquent de voir la nourriture dans la bouche du pompier, et n'ont en tête que l'information qu'elle vient de leur transmettre. Elle va se fiancer avec Justin. C'est de la folie ! Ils se réjouissent tous sans voir arriver Marlon. Même Vivian est concentrée sur ce qu'on lui dit et ne le voit pas arriver. Alors que d'habitude, il est le premier qu'elle cherche du regard. Le premier vers lequel elle se dirige. Par nécessité de combler le manque lié aux repos hebdomadaires, quand ils ne se réunissent pas en dehors du travail. Mais ce matin, Vivian agirait plutôt à l'inverse si elle le pouvait. Elle frôlerait les murs, se cacherait dans une pièce où il ne se trouve pas, et resterait cloîtrée dans le camion prête à décoller ; pour l'éviter. Elle redoute de le voir. Comment annoncer à celui qu'on aime qu'on va en épouser un autre ? Elle ne se sent pas prête Vivian et craint de laisser paraître une émotion que Marlon pourrait mal interprété. Et s'il comprenait ? S'il découvrait que Vivian est amoureuse de lui ? Ce serait le début de la fin. Ça piétinerait des années d'amitié et leur attachement si particulier. Elle s'en veut, Vivian, se déteste d'être tombée amoureuse de Marlon. Ça la peine pour Justin, qui lui a justement demandé sa main samedi. La sensation de trahison demeure en elle, et elle déteste ça. Elle déteste être celle qui risque de tout gâcher, d'être celle qui fera du mal. Alors elle essaye de se réjouir. Ça fait une décennie qu'elle est en couple avec Justin. Elle pense donc que ses sentiments pour Marlon finiront par disparaître. Ils ne font aucun sens. C'est Justin l'homme de sa vie. Elle ne doit pas l'oublier. C'est lui qui lui a demandé sa main et fait se réaliser son rêve, pas Marlon.

L'exclamation de Ross fait rire un peu plus Vivian qui lui tape dans la même. Elle attend d'avoir avalé sa bouchée avant de pouvoir lui répondre, lorsqu'au même instant, une voix en provenance de l'ilot central se fait entendre. Nul besoin de regarder dans cette direction. Vivian sait parfaitement de qu'il s'agit. Elle le reconnaîtrait parmi des milliers de personnes. Marlon. Marlon qui répète bêtement ce que vient de crier Ross, obtenant ainsi l'attention de la tablée. Les pompiers l'observent. Certains hurlent que oui, que c'est trop cool, tandis que d'autres se font plus discrets. Ross la première. Elle lance un regard surpris à Vivian, connaissant le lien qui les unie Marlon et elle. Ross s'étonne qu'il n'ait pas été mis au courant en premier. D'ailleurs, le sourcil qu'elle arque en regardant Vivian laisse sous-entendre le fond de sa pensée. Ross ne comprend pas. Vivian déglutit difficilement son beignet et pose le reste sur la table. En se relevant, elle lèche précipitamment ses doigts pour y chasser toutes traces de chocolat. Pour l'instant, elle ne lui a pas jeté un seul regard. Elle redoute. Trop, peut-être. Car elle craint que son regard ne soit le reflet de son âme et de son cœur. Elle craint que Marlon devine ce qui se trame, dès lors que leurs yeux s'accrocheront.

– Ne mangez pas tout, ordonne-t-elle à ses comparses alors qu'elle abandonne son propre beignet en quittant la tablée. Du jamais vu chez Vivian Winchester. Abandonner de la nourriture, et puis quoi encore ?

La brune parcourt la pièce pour rejoindre Marlon vers l'ilot de cuisine, puis glisse lentement sa main sur une des siennes toujours plaquée à l'ilot. Le regard qu'elle lui lance est doux, et suppliant. Il ne doit pas lui faire une scène ici. Certainement pas devant leurs collègues. De sa main gauche où aucune bague ne vient illuminer son annulaire – celle-ci étant rangée dans son vestiaire – Vivian se saisit de celle de Marlon. Elle lui souffle de la suivre, et l'entraine à l'écart des regards. Elle se sent bête d'avoir fait ça. Idiote de l'avoir mis de côté, lui, son meilleur ami. Un des hommes les plus importants. Elle le tire de force, bien qu'elle sente une légère résistance au début, et l'entraine dans les escaliers donnant sur l'étage inférieur, et donc l'accueil de la station. Claquant la porte derrière eux, Vivian s'adosse immédiatement contre celle-ci, sans rien dire. Le silence est pesant. Elle ne sait pas comment s'y prendre, et n'ose même pas le regarder dans les yeux. Son attitude parait d'autant plus suspecte, elle le sait. Elle doit se reprendre avant que des interrogations fassent un bout de chemin dans l'esprit de Marlon.

– Je suis désolée, je ne t'ai pas appelé pour te l'annoncer avant, commence-t-elle par s'excuser, parce qu'elle sent qu'elle doit le faire. Elle sait qu'elle a fait une erreur. Mais oui. Je vais me marier. Et tu n'aurais jamais dû l'apprendre comme ça. Pas toi... murmure-t-elle alors qu'elle craque et que son regard croise enfin celui de Marlon. Il s'accroche à lui et ne peut désormais plus s'en détacher.

Est-ce de la souffrance qu'elle ressent maintenant ? Pourtant, elle vient de lui annoncer la meilleure nouvelle de sa vie. Mais elle a la sensation que son cœur se brise. C'est Justin le bon. C'est Justin, se répète-t-elle alors que des larmes perlent aux coins de ses yeux. Vivian et sa sensibilité...

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Les pompiers de la caserne n°12 de Brisbane sont heureux ce matin. L’effervescence, la cohue, les exclamations ne duperaient personne et certainement pas quelqu’un qui les connaît aussi bien que le lieutenant qui vient de les rejoindre. Les fiançailles de Vivian sont une bonne nouvelle ; cette ambiance festive et détendue est toute légitime. Toutefois, il impossible pour Marlon de se faire emporter par la vague générale.

Sa mâchoire crispée est le signe de l’agacement qui le saisit. Marlon n’aime pas cette sensation d’être celui qui est laissé pour compte ; il a trop cohabité avec ce sentiment au cours de sa vie, au milieu des O’Connor, pour accepter qu’il ne vienne désormais s’immiscer dans sa vie professionnelle. Auprès des amis qu’il s’est fait, de cette famille qui s’est construire et dont le respect mutuel les unit bien plus que les liens du sang. Le fait que cette rétention d’informations provienne de Vivian est d’autant plus agaçant. N’est-il pas supposé être son meilleur ami ? Son confident ? Il lui semble pourtant que c’est toujours lui qu’elle vient chercher en premier lorsqu’elle est inquiète, tracassée, apeurée ou heureuse. Pourquoi n’en est-il pas allé ainsi aujourd’hui ? Pourquoi lui a-t-elle caché ce qui doit être l’une de ses plus grandes joies depuis qu’ils se connaissent ? Il n’a de « meilleur ami » que le nom, Marlon, et il le comprend même si Vivian vient d’abandonner de la nourriture pour le rejoindre.

S’il ne s’exprime pas davantage et qu’il laisse sa collègue instaurer un contact physique entre eux, il va sans dire que les pensées du pompier fusent. Plus que de remettre en question sa qualité d’ami, il prend doucement mais gravement conscience de ce que cela implique. D’ici quelques mois, Vivian sera encore plus inaccessible qu’elle ne l'est aujourd’hui. Elle ne sera plus seulement en couple avec Justin ; elle sera mariée avec lui. Marlon verra chaque jour une alliance qu’elle portera probablement autour de son cou et il ne sera pas celui qui lui l’a offerte. La jalousie n’est pas loin et c’est probablement pour cela qu’il se montre réticent à la suivre en dehors de la cuisine. Elle serait presque en train de le tirer pour le faire la suivre.

Le couloir gagné, Marlon observe Vivian s'appuyer contre la porte alors que lui-même croise ses bras sur sa poitrine. Le dessin de ses muscles est d'autant plus marqué que l'agacement qu'il ressent toujours lui fait serrer fortement ses bras et ressortir ses biceps. Son regard s'ancre dans celui de la jeune femme, dans l'attente d'explications qui, selon lui, tardent à venir. Et quand elles arrivent enfin, il faut dire qu'elles ne le convainquent pas. Il croit sincèrement que son amie est désolée ; ce qu'il ne comprend pas, en revanche, c'est pourquoi elle ne lui a pas dit avant de faire une annonce générale alors même qu'il n'était pas présent.

- C'est tout ? la prend-il à parti sans décroiser ses bras de sa poitrine, ce qui trahit nécessairement la fermeture d'esprit qui est actuellement la sienne. Tu es désolée et je n'aurais pas dû l'apprendre comme ça ? T'as pas à être désolé, l'informe-t-il sans cesser de la regarder dans les yeux. Je voudrais juste que tu m'expliques pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant. Ou pourquoi tu n'as pas attendu que j'arrive, à la limite.

Les relations humaines l'ont toujours dépassées. Il croyait pourtant qu'avec ses plus proches amis, les choses étaient différentes. Il faut croire qu'il s'est trompé, Marlon. Et si cela lui tord le cœur de voir les larmes de Vivian commencer à monter à ses yeux, il s'efforce de ne pas avoir le moindre geste envers elle. Il vient d'être pris pour un idiot, relégué au second plan, et il aimerait autant savoir pourquoi avant de serrer la trentenaire dans ses bras et de lui assurer que tout va bien aller. Ce qu'il finira par faire, parce que ça lui ressemble. Mais aussi parce qu'il est bien incapable d'imaginer sa vie sans Vivian Winchester. Parce qu'il ne sait pas non plus lui faire la tête plus d'une demi-journée et jamais avec beaucoup de sérieux.

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L'agacement de Marlon se lit à travers chacun de ses gestes, de ses regards. Ses bras croisés contre son torse font ressortir ses muscles et attestent de son énervement. Il sert ses bras contre lui, signe que Marlon se contient. Vivian a l'impression que cette vision s'accentue à mesure qu'elle lui présente ses excuses. Impossible pour elle de ne pas en profiter, ne serait-ce qu'un millième de seconde. Elle fait son possible pour l'empêcher, mais son regard glisse sur les biceps imposants du blond, causant la dilatation de ses veines brachiales. La vue la fait instantanément déglutir tandis qu'elle se force à relever son regard brumé de larmes sur le visage de Marlon. Son meilleur ami n'a même pas besoin de parler, Vivian perçoit sa colère à travers son unique posture. Elle peut comprendre ce qui le met dans cet état. Si la situation avait été inversée, elle aurait été folle de rage d'être celle mise sur le bas côté. Vivian n'aurait pas supporté. Pourtant c'est bien ce qu'elle lui a fait à Marlon, redoutant bizarrement de lui annoncer. Le regret la gagne tandis qu'elle sent une larme roulée sur sa joue. Vivian l'essuie à l'aide de son pouce tandis que Marlon la prend à parti.

C'est tout ? Ou. Vivian est désolée. Vraiment.
Mais comment aurait-elle pu agir autrement ?
Comment aurait-elle pu s'enthousiasmer en annonçant à Marlon ses fiançailles ?

Les larmes sont retenues et rapidement chassées lorsque le lieutenant lui fait savoir qu'elle n'a pas à être désolée. Vivian le perçoit comme un premier pas vers le pardon. S'il y a bien une personne avec laquelle elle ne supporte pas de se disputer – en dehors de Lula – c'est Marlon. Elle l'aime trop pour risquer de le perdre. Pourtant, aujourd'hui quelque chose semble s'être brisé entre eux. Comme si la confiance aveugle qui régnait autrefois a soudainement laissé place au doute, à la méfiance. Derrière la colère de Marlon se trouve de la déception. Elle la perçoit, Vivian, alors qu'elle analyse la profondeur du regard du lieutenant. En temps normal, Vivian aurait contempler ses iris en silence avant de lâcher une plaisanterie sortie de nul part, pour brouiller les pistes. Une blague qui cacherait la tension grimpant le long de son échine. L'envie folle de goûter à l'interdit. À cette paire de lèvres qui semble n'appeler qu'elle. C'est régulièrement ce qu'elle ressent et ce à quoi elle pense lorsqu'ils sont tous deux confinés dans un espace restreint ; ou quand leurs corps sont à proximité l'un de l'autre. Mais aujourd'hui tout est différent. La colère de Marlon commence à devenir étouffante, dérangeante. Vivian suffoque tandis que son meilleur ami ne bronche pas d'un centimètre. Il se tient toujours devant elle, lui bloquant le passage. Adossée à la porte, Vivian sait qu'elle ne peut pas fuir. Elle est fichue. Elle le croit, le pense, tandis que Marlon prend à nouveau la parole. Il veut des explications. La demande du pompier est légitime. Tout le monde en aurait souhaité à sa place, puisqu'une meilleure amie n'est pas censée vous reléguer au second plan.

Son cœur s'accélère tandis que la panique la gagne. Ses lèvres s'entrouvrent sans qu'aucun son n'en sorte. Comment lui expliquer l'impossible, l'interdit ? L'aveu ne peut pas être fait aujourd'hui, ni à aucun autre jour d'ailleurs. Elle ne pourra jamais admettre que si elle a repoussé l'annonce de ses fiançailles, c'est essentiellement parce qu'elle redoutait de le lui dire à lui. Qu'elle redoutait d'avouer à celui dont elle s'est éprise, qu'elle va en épouser un autre. Pas n'importe quel autre ; l'homme qui partage sa vie depuis une décennie. Vivian déglutit tandis que ses ongles s'enfoncent dans la chair de ses mains. Une façon de chasser les fourmillements qui parcourent ses doigts et de canaliser ses craintes. Elle ne sait pas mentir, mais c'est malheureusement ce qu'elle va devoir faire aujourd'hui. Elle déteste ça. Surtout auprès de Marlon. Lui, il sait tout d'elle. Tout, dans les moindres détails. Parce qu'elle ne lui a jamais rien caché, Vivian. Rien. Avant aujourd'hui.

– Je voulais te le dire personnellement, murmure-t-elle d'une voix tremblante, gagnée par l'angoisse.

Sa première explication soufflée, Vivian n'a pas l'impression de mieux respirer pour autant. La proximité avec Marlon n'a pas changé. Tout comme le regard qu'il pose sur elle. La déception est toujours omniprésente à travers ses iris, ce qui cause toujours autant de troubles chez la Winchester. Vivian qui est toujours si pétillante, si enjouée, semble avoir enfilé un masque sur son visage. La joie a disparu pour laisser place au remord, à la crainte. Non pas qu'elle a peur de Marlon. C'est elle-même qu'elle redoute, elle, et ses fichus sentiments qu'elle éprouve pour son meilleur ami. Un secret qu'elle doit continuer à garder pour elle.

– Ils ont vu que j'étais toute enjouée et ont gratté pour deviner le pourquoi du comment. Je n'ai pas pu m'empêcher de leur dire, j'étais trop heureuse, déblatère-t-elle à une allure folle, ignorant d'où lui vient soudainement cette confiance en soi.

La brune se force à sourire et même à faire un pas en avant, puis deux, mettant fin à l'espace entre Marlon et elle. Ses mains se posent sur les avant-bras musclés de son meilleur ami, pour le forcer à décroiser les bras. Impossible pour Vivian de deviner d'où sort cette force et cette attitude sûre d'elle. Mais elle est prête à tout faire pour effacer la colère de Marlon et éviter que leur relation s'anéantisse en ce début de garde. Seuls quelques centimètres séparent encore leurs corps. Leurs regard sont accrochés l'un dans l'autre. Le cœur de Vivian bat la chamade, tandis qu'elle rêve de sentir les bras musclés de Marlon enlacer sa taille.  

– Tu as raison. J'aurais dû t'attendre et c'est pour ça que je suis désolée Bibouche. Vraiment. Tu es le premier à qui j'aurais aimé l'annoncer, ment-elle comme si elle avait fait ça toute sa vie. Ses ultimes mots lui fendent le cœur en deux. Mentir à Marlon est un supplice, une horreur. Mais a-t-elle vraiment le choix ? Ne m'en veux pas, je t'en prie... souffle-t-elle enfin tandis qu'elle arrive à faire décroiser les bras de Marlon pour glisser ses mains dans les siennes.

@Vivian Winchester & @Marlon O'Connor  

Ils sont pompiers, pas politiciens. Rien de ce qui ne sort de leur bouche aujourd’hui n’est convainquant. C’est d’ailleurs avec scepticisme que Marlon observe sa meilleure amie lui confier qu’elle voulait lui annoncer ses fiançailles personnellement. Soit. Mais dans ce cas, pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Le quarantenaire doute que son principal rival ait posé un genou au sol le matin même, avant que sa dulcinée ne vienne rejoindre la caserne. Cette annonce remonte forcément plus loin ; probablement au week-end qui vient de s’écouler. Il est conforté dans cette idée, Marlon, puisqu’il est lui-même passé par là. Quand est venu le moment de demander sa main à Bethany, le pompier a vu les choses en grand. Il n’a pas lésiné sur les attentions, a organisé une escapade romantique et a attendu le moment parfait pour demander à sa belle de devenir sa femme. C’est ce que méritent les femmes aussi brillantes et talentueuses que le sont Bethany ou Vivian. Rien de moins.

Insidieusement, l’image du week-end qu’ont dû passer Justin et Vivian se fraye un chemin dans son esprit, alors que la même question reste en suspens : si elle voulait tant le lui dire personnellement, pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Elle avait a minima sa journée de la veille pour le lui dire. Elle aurait également pu faire en sorte de venir un peu plus tôt au travail aujourd’hui pour le trouver avant les autres ou même organiser une session de footing avec lui dès l’aube. Les solutions se trouvent toujours, quand on veut vraiment quelque chose. C’est bien pour cela que Marlon ne croit pas aux explications de son amie. Il reste donc mutique, dans l'attente d'une raison valable.

Si cela ne lui plaît pas de se retrouver dans cette situation et de véhiculer le mal être de Vivian, il n’est pour autant pas d’humeur à passer l’éponge aussi facilement, aussi rapidement. Il a le droit, lui aussi, d’être déçu. De ne pas apprécier la façon dont il est relégué au second plan ; dont leur amitié est ainsi rabaissée à bien moins que ce qu’elle est réellement. C’est à tout le moins le cheminement de pensées du pompier, qui préfère se conforter dans l’idée que le nœud du problème réside ici. C’est plus facile que d’accepter le fait que la réalité est différente ; qu’il est en réalité mort de jalousie et qu’il n’aurait pas mieux accueilli la nouvelle des fiançailles s’il l’avait appris différemment.

Les bras toujours joints sur son torse, il écoute la suite des explications de Vivian qui ne sont toujours pas convaincantes. Expliquer que ses révélations font suite aux questionnements de leurs collègues est sans grand intérêt. S’il est évident que les salariés de la caserne n°12 sont des fouineurs nés, la même logique que celle à laquelle a songé Marlon plus tôt trouve toujours à s’appliquer. Vivian savait pertinemment que tout le monde chercherait à comprendre le pourquoi du comment de cet engouement qui est le sien ; elle savait également que ses homologues trouveraient rapidement la raison et que la nouvelle serait ainsi rapidement répandues. Alors, pourquoi n’est-elle pas venue trouver Marlon en premier ? Pourquoi ne s’est-elle pas arrangée pour orchestrer cette rencontre avant celle avec leurs autres collègues ?

L’expression toujours fermée, Marlon observe son amie s’avancer vers lui. Un premier pas, puis un deuxième. C’est finalement sur ses avants-bras que ses mains se posent pour l’obliger à se détacher de cette posture fermée qu’il empreinte depuis de longues minutes. Il ne lui suffirait que d’un presque rien, à Marlon, pour verrouiller ses bras de sa force et rendre toute tentative de Vivian vaine. Mais il n’a pas envie d’entrer dans un jeu de guerre. Il n’a pas envie de se montrer plus bête qu’il ne peut l’être. L’important, dans cette histoire, c’est seulement que la brune comprenne que ses agissements ont pu le blesser, qu’il tient réellement à leur amitié et que rien n’est aussi vrai que lorsqu’il dit qu’ils sont meilleurs amis. Alors, il laisse Vivian lui décroiser les bras, alors que son regard ne quitte jamais celui de son interlocutrice.

- Si vraiment j’étais le premier à qui tu aurais aimé l’annoncer, tu aurais fait en sorte que je sois le premier. Je suis ici depuis plus d’une heure déjà et dans tous les cas je suis le genre de mec facile à trouver.

C’est vrai. À l’exception des deux ou trois endroits en ville qui emportent son assentiment, Marlon est de ceux qui préfèrent la quiétude de leur antre. Sa maison est son principal refuge ; là où il passe l’ensemble de son temps libre lorsqu’il ne part pas s’adonner à des activités en pleine nature. Par ailleurs, Marlon met un point d’honneur à répondre assez rapidement aux sollicitations de deux personnes en particulier : Noah et Vivian. Pour eux, il se rend toujours disponible, peu importe l’heure du jour ou de la nuit. Il ne fait ainsi aucun doute qu’il est le genre de mec facile à trouver, plus encore pour celle qui lui fait face.

- Je t'en veux pas, Babouche, finit-il par souffler.

Un soupir passe ses lèvres alors même que les surnoms débiles qu'ils se donnent ne le font aujourd'hui pas sourire. Il a cette désagréable sensation que quelque chose lui échappe, que Vivian ne lui dit pas toute la vérité. Mais ce serait là s'engager vers un chemin beaucoup trop dangereux que de la questionner à ce sujet. Que dirait-il si elle venait à lui confier qu'elle a l'impression qu'il a des sentiments pour elle ? Il se retrouverait dans une situation délicate, Marlon, entre son incapacité à mentir à celle qu'il aime, et l'impossibilité d'être honnête sur ce qu'il ressent.

- Mais du coup, si tu m'en as pas parlé, c'est peut-être parce que je suis pas invité au mariage ? s'enquiert-il en serrant doucement les mains de la brune dans les siennes.

@Marlon O'Connor & @Vivian Winchester

Blesser Marlon est la pire chose que peut faire Vivian Winchester. Il est l'homme auquel elle tient le plus ici, celui pour qui elle donnerait sa vie s'il le fallait. Alors savoir que ce n'est pas le feu qui lui brûle ses ailes, mais bien elle qui piétine son cœur, ça la dérange Vivian. Parce qu'elle voit bien au regard que lui lance son meilleur ami, que quelque chose cloche. Il ne croit pas à son discours. Elle le sent, le devine. Pourtant avant aujourd'hui, Marlon a toujours bu ses paroles sans les remettre en question, sans craindre le poison qu'elles pourraient potentiellement contenir. Il lui faisait une confiance aveugle. Mais aujourd'hui, Vivian a l'impression que quelque chose s'est brisé et elle ne peut malheureusement rien n'y changé. Car si elle essayait de recoller les morceaux, cela la forcerait à devoir tout lui raconter. Et par tout lui expliquer, cela sous-entend aborder avec lui les sentiments amoureux qu'elle ressent. Ceux-là même qui sont interdits et qu'elle a honte d'éprouver pour lui. Ça briserait tout, puis ça donnerait raison à Bethany qui plus est. Alors que Vivian lui a toujours juré qu'elle n'avait pas à s'en faire ; que Marlon ne l'intéressait pas. Oh si seulement elle savait Bethany. Si seulement elle savait que Vivian est tombée éperdument folle amoureuse de son meilleur ami...

Des larmes perlent toujours au coin de ses yeux lorsque Marlon démonte son argument. S'il était le premier à qui elle aurait aimé l'annoncer, elle s'y serait prise autrement. Il n'a pas tort dans ce qu'il dit ; puisque c'est bien un mensonge que prononce Vivian. Avouer ses fiançailles à Marlon était redouté, Vivian craignant d'être démasquée sans le vouloir. Pourtant elle doit sous-entendre l'inverse. Pire. Elle doit tout faire pour que Marlon la croit et pense qu'elle lui dit la vérité. Il était le premier à qui elle devait l'annoncer. C'est juste mal tombé. Elle n'a pas pu se retenir en arrivant à la caserne, et à balancer la mèche. Ça semble crédible non ? Même elle y croit. Elle remurmure ses explications à Marlon, mais le lieutenant semble ne pas vouloir entendre. C'est quoi le problème dans le fond ?! Son attitude commence à poser question. Il devrait être heureux pour elle, non ? Et pas la faire se sentir si coupable, si mal !

Fort heureusement, la situation s'apaise. Il ne lui en veut pas. Le surnom dont il use la fait même sourire. Ses doigts s'agrippent à ceux du lieutenant alors qu'elle maintient son regard plongé dans le sien. Oh Marlon... Elle aimerait tellement lui souffler qu'il est beau. Mais surtout que ses yeux sont si expressif. Quelle est cette souffrance qu'elle perçoit Vivian ? Il jure ne pas lui en vouloir, pourtant Vivian a l'impression d'y lire tout l'inverse. Seigneur ce que c'est douloureux de lui faire du mal ainsi. Vivian n'aurait jamais pensé que ça le toucherait autant. Elle n'aurait jamais cru que Marlon souhaiterait apprendre cela en premier. Lui il n'est pas autant amoureux de l'amour qu'elle ne l'est ! Il n'en est pas à au stade de Delilah, ni d'elle. Si c'était Delilah face à elle, Vivian comprendrait sa réaction démesurée, mais là...? Elle n'est pas en état de réfléchir convenablement. Pour l'instant, elle veut juste que la douleur s'arrête. Elle veut retrouver son Marlon souriant et heureux. Elle veut sentir ce lien indestructible qui les unie, et pas cette douleur qui irradie entre leurs deux corps.

– Qu..Quoi ?! Mais si ! Je t'aime trop pour me passer de toi à mon mariage, Bibouche ! Évidemment que t'es invité ! J'aimerais même que tu me conduises à l'autel, murmure doucement Vivian alors que son regard reste accroché dans celui de Marlon.

La proposition est faite alors qu'elle n'était absolument pas prévue, ni réfléchit. Elle est sortie ainsi, parce que Vivian pense que ça le réconfortera. Et que Marlon se sentira important. Parce qu'il l'est. Peut-être plus que la marié lui-même, c'est le comble.

– Enfin... Si tu es d'accord ? doute-t-elle d'elle-même alors qu'elle vient finalement poser sa joue contre le torse musclé de son lieutenant. La brune ferme les yeux durant quelques secondes avant de compléter : ce serait vraiment important pour moi, Marlon...