@Jacob O'Reilly & @Joan Oswald
Elle se tourne. Retourne. Se tourne. Et se retourne. C’est terrible cette envie de sommeil sans pouvoir y parvenir. La fatigue est là, réellement présente mais le sommeil ne vient pas. Il fuit sans cesse. Un léger mal de tête est en train de s’installer derrière ses yeux. Fermer ses paupières ne soulage pas réellement. Elle regarde son portable Joan... mais elle n’a pas envie de surfer sur les réseaux sociaux. Un livre, elle tente mais les mots ne l’inspirent pas ce soir. Elle soupire. Râle presque silencieusement. Connait par cœur les taches qui se trouvent au plafond. Un vieux dégât des eaux qu’elle n’a jamais repeint. Pas le temps. Pas l’argent. Un gouffre dont elle se passerait volontiers. Il est deux heures du matin lorsqu’elle se décide à se lever, impossible de fermer l’œil, autant tenter de faire quelque chose de constructif dans sa nuit blanche infernale.

Joan descend les marches le plus silencieusement possible. Alors qu’elle arrive au rez de chaussée, un bruit se fait entendre. Son cœur s’accélère, évidemment elle craint toujours d’éventuels voleurs mais là... là il semblerait que le bruit soit à l’intérieur. Rien de rassurant. A petit pas, elle avance, pousse doucement la porte de la chambre de sa grand-mère pour constater qu’elle dort paisiblement. Rien de ce côté-là. Puis elle entreprend de traverser le couloir pour avancer vers le salon et c’est là qu’elle manque de faire un arrêt cardiaque. Dans la pénombre d’une pleine lune et des éclairage extérieures, elle ne doit pas l’ombre lui foncer dessus. Elle ne voit rien arriver. Ils se percutent dans un espèce de silence assourdissant tellement son cœur bat fort. La première chose qu’elle attrape pour se défendre c’est la lampe au pied de l’escalier, arrachant au passage la prise... ridicule, évidemment. Et quand la lumière se fait... elle découvre que le voleur potentiel n’est autre que le nouveau colocataire qu’elle a accueilli. Jacob. « - Bon sang Jake » Elle peste en chuchotant. Hilarant sans doute. « - J’ai cru mourir, je croyais qu’il y avait un voleur ou que sais-je... » Toujours des chuchotis. Elle peut souffler la libraire, elle constate que la lampe est sans doute morte... un soupir, elle retrouve sa place sur le petit guéridon. « - Qu’est-ce que tu fais debout à une heure pareille ? » Dans ce méli-mélo, elle en oublie sa tenue. Un t-shirt trop grand qui lui sert de robe, Joan ne dépassant pas le mètre soixante, ce n'est pas très compliqué. Elle ne sait même plus à qui il était ce t-shirt de toute façon.

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Insomnie terrible et Joan qui se libère de ses draps. C’est infernal de désirer quelque chose alors qu’il ne vient pas. Comment est-ce que l’on peut être fatiguée et ne pas parvenir à dormir ? Pourquoi elle n’y arrive pas ? Il y a un fond d’angoisse c’est certain. Les factures qu’elle doit régler et qui s’accumulent. Elle ne sait pas si elle va pouvoir garder longtemps la librairie. Le crédit lui coûte un peu trop d’argent, c’est terrible et frustrant car l’échoppe fonctionne plutôt bien. Et il y a Jacob. Il faut avouer que cela la travaille, c’est un nouveau rythme, une nouvelle confiance à offrir, des choses à réapprivoiser. Elle ne sait pas tellement comment elle doit gérer les choses, elle garde un peu trop les émotions pour elle, sa sensibilité est mise à rude épreuve, c’est certain. Pourtant il fait bien les choses Jake, elle trouve cela plaisant d’avoir de l’aide à la maison mais il a remué sans le vouloir un deuil qu’elle pensait terminé. C’est si elle le vivait avec lui, parce que lui, il le commence juste finalement.

Tout cela cumulé fait qu’elle sort de sa chambre. Elle ne sait pas encore bien ce qu’elle va faire, regarder la télévision, écrire un peu dans le canapé, ranger ce qui ne l’a pas été. Tant qu’elle ne fait pas de bruit et qu’elle ne réveille personne. Seulement à peine sur le pas de sa porte qu’elle entend de l’agitation dans la maison. Elle lit sans doute trop de romans policiers, ou alors regarde un peu trop esprits criminels, car elle imagine immédiatement quelqu’un dans la maison. Un tueur ? Un voleur ? Un danger dans tous les cas. C’est comme cela que c’est assimilé dans son esprit. Elle va voir dans la chambre de sa grand-mère mais rien... Elle avance et c’est dans l’obscurité moindre du couloir qu’on la percute littéralement. Dans un moment insensé de panique, elle arrache la lampe de l’entrée pour se défendre. Faut-il préciser que cela ne sera pas d’une grand efficacité ? La lumière l’éblouit un moment mais rapidement elle se rend compte que c’est Jacob qui l’a allumé et qu’il semble aussi perdu qu’elle.

Bon sang ce qu’elle a eu peur. Son cœur bat encore fort, trop fort. Elle peste mais ce n’est pas méchant. Jacob lui se moque rapidement de la lampe comme arme. Elle finit par le reposer en riant un peu aussi. « - Je suis persuadée qu’elle t’aurait assommé si j’en avais eu l’occasion » Elle souffle un peu, son cœur reprend une vitesse normale. Et comme elle est surprise de le voir debout au milieu de la nuit, elle lui demande ce qu’il fait debout. La tasse levée, Joan comprend qu’il souhaite boire un thé. Cela l’amuse un peu. « - Tu cherches du thé avec de la théine ? » C’est un stimulant alors ce n’est sans doute pas une bonne idée. Elle garde une moue mi amusée, mi boudeuse qu’il se moque encore, les bras croisés sur sa poitrine. « - Tu dois être contagieux, je ne parviens pas à dormir non plus... » Elle lui fait signe de la suivre dans la cuisine. « - Je t’avoue que je pensais à une solution un peu plus radicale... » Elle s’accroupie pour fouiner au fond d’un placard bas et elle sort une bouteille de whisky. Elle est entamée, elle sert principalement à ses soirées avec ses copines mais ce soir, elle aurait une autre utilité. « - Un verre ? Sinon, il y a l’option du lait chaud ? » Comme les bébés. Un petit sourire. « - Qu’est-ce qui t’empêche de dormir, dis-moi ? »

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Une grimace, voilà la réponse qu’elle offre à Jacob qui se moque qu’elle et de son arme secrète et infaillible. Une lampe, parfaitement. Elle reste quand même persuadée que cela assomme parfaitement. Évidemment, elle n’est pas prête à tester la chose. Et elle n’a pas non plus envie de tester. Ce n’est son truc la bagarre, elle se ferait laminer, même armée d’une lampe de chevet. Mais c’est sans doute vrai que la situation est amusante et elle comprend que Jacob puisse en rire. Elle aurait presque voulu voir dans ses yeux à ce moment-là.

Il n’arrive pas à dormir mais ce n’est pas avec du thé qu’il parviendra à apaiser son esprit. La théine est plutôt réputée pour faire l’inverse. Les mêmes propriétés que la caféine après tout. Alors la libraire lui fait signe de le suivre dans la cuisine, elle se penche pour dénicher une bouteille bien planquée de whisky. Un truc pas trop mauvais. Elle sort deux verres mais avant d’en servir un à Jacob, elle lui demande tout de même son avis. Il ne peut décemment pas le forcer. Elle ne sait pas comment il gère l’alcool, si en prison il en a eu... bref ce genre de choses et comme toujours elle se prend trop la tête. Elle s’amuse de sa réponse, Jo espérait sans doute ce genre de réponses, c’est certain. « - C’est ce que je voulais entendre, tu me rassures un peu » Elle n’est pourtant pas le genre à inciter les gens à boire ou autre. Joan c’est la petite intello au premier rang à l’école. Elle a toujours été plus ou moins sage. Liam l’a pas mal aidé à ce niveau-là, sur sa confiance mais il faut dire qu’il partait avec beaucoup de lacunes à combler dans ce domaine.

Jo lui tend son verre. Est-ce qu’il faut trinquer ? Évidemment. Elle s’approche pour que les verres s’entrechoquent légèrement. Pas trop de bruit on a dit. La question fatidique est posée, la raison de l’absence de sommeil. Seulement Jacob semble vouloir sortir sa carte joker. Elle boit une gorgée sans le quitter des yeux. « - Hm... je crois que je dois avoir une autre bouteille dans le garage s’il faut ! » Elle n’a pas l’intention de parler sans que la réciproque soit vraie. « - J’aurais cru aussi ? Mon corps est épuisé, mon esprit a décidé de ne pas se mettre en mode pause » Un roulement d’yeux, elle s’exaspère elle-même. « - Canapé ? » Elle propose. Parce que cela sera plus confortable que débout dans la cuisine.

Elle se pose dans le canapé, la bouteille sur la table basse. « - J’ai posé la question en première, c’est à toi de commencer Jake, je suis tout ouïe, pourquoi cette absence de sommeil ? » Elle s’enfile une nouvelle gorgée en grimaçant un peu. Du haut de son mètre soixante, même moins... elle sait parfaitement qu’elle ne va pas tenir l’alcool longtemps. Peut-être qu’il pourra délier un peu sa langue et qu’elle sera capable de se confier à quelqu’un.

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Le whisky pour endormir les méninges. Peut-être que l’effet sera inversé. Peut-être qu’il va permettre de mettre en lumière des choses que l’on veut laisser dans l’obscurité. Elle ne se pose pas toutes ses questions Jo, pour l’heure, elle cherche le marchant de sable mais elle tombe sur Jacob. Peut-être que la déesse de la nuit lui offre un partenaire de conversation, pour que la nuit étoilée et éveillée soit moins longue. Ils prennent la direction du canapé, elle s’y avale presque, il n’est pas tout jeune, sans doute un peu démodé mais c’est fou ce qu’il est confortable. On pourrait s’enfoncer dedans à tout jamais, se laisser dévorer mais l’assise et rêver d’être prisonnier... oui oui oui d’un canapé. Jacob s’installe à ses côtés, elle boit alors une gorgée de whisky, réclamant qu’il se lance le premier dans les explications de son état éveillé. Elle se tourne un peu vers lui, en le regardant dans la légère lumière, elle retrouve des traits familiers, d’autres inconnus. Elle n’a volontairement pas allumé la grande lumière, celle d’appoint à côté du canapé. Entre ombre et lumière, voilà où ils se trouvent tous les deux à cet instant. Elle note les marques sur sa peau, elle note les cernes sous ses yeux, le visage marqué par une vie que l’on ne peut pas désirer. Pourtant, elle retrouve toujours le bleus de ses yeux et elle semble toujours désirer s’y plonger. La Joan adolescente n’a jamais ressenti cela, elle n’était pas préoccupée par le physique de son beau-frère, elle était amoureuse d’un autre et n’a jamais songé à ce qu’il puisse être un homme attirant. Et pourtant Jacob l’est. Il l’ignore sans doute après des années derrière les barreaux. Et ses pensées qu’elle trouve presque obscènes car il s’agit du mari de sa sœur... la gêne, elle les chasse. « - Les règles parfaitement très cher » Elle prend faussement un ton aristocratique, rien ici ne l’est, c’est sans doute ce qui pourrait amuser.

Elle l’écoute parler, elle comprend ce qu’il dit, prononce. Se noie dans les mots qu’il lui offre sous couvert d’un vers de whisky et de la nuit. Des confidences douces et complexes. Des maux à guérir. Est-ce vraiment à elle de s’en charger ? Doit-elle vraiment soigner toutes les âmes blessées ? Et il n’y a toujours personne pour l’aider à se relever...enfin elle exagère. Liam est très présent, ses amies d’enfance aussi mais ce n’est pas tout à fait ce qu’elle recherche dans le fond, elle le sait. Les craintes de finir vieille fille se font de plus en plus grandes. Jacob lui fait remonter à une époque si lointaine. Elle rit un peu. « - Lycée ? Tu ne vas me faire croire que tu n’es jamais venu en douce, escalader jusqu’à la fenêtre de la chambre de Cat ? » Elle rit un peu à imaginer cette scène. « - J’aurais tué pour qu’un garçon fasse ça pour moi à une époque... » Elle avale une gorgée. « - Ok, j’en rêve un peu encore mais à mon âge, je crois que je peux oublier les scènes à la Roméo et Juliette » Elle s’amuse de sa détresse, c’est sa façon de ne pas montrer que la solitude est pesante. Elle penche la tête légèrement sur le côté, elle surit tendrement à Jacob. « - Tu parviendras à te réhabituer, j’en suis persuadée. » La lèvre inférieure qui se mordille sans même qu’elle ne s’en rende compte. Comme elle n’a pas réellement conscience d’être dans une tenue très... décontractée. La suite des mots de Jake lui fait rouler les yeux. Elle rit un peu. « - Parce qu’à l’époque j’étais première de la classe, petit rat de bibliothèque, c’était improbable. Les choses ont bien changé, je picole en douce dans le salon maintenant » Elle parle de cet instant avec lui. « - Au moins, je peux te surprendre un peu, tu ne sais pas tout de moi » Elle tente de faire un regard mystérieux, c’est totalement foiré et elle rit, elle rit sans trop faire de bruit. Une nouvelle gorgée glisse dans sa trachée. Elle y va à petites gorgée tout de même, elle reste peu habituée à boire comme cela. « - Je suis contente d’avoir un partenaire de nuit blanche, je commençais à trouver le temps long, mais j’espère que tu n’es pas déçue de passer ta nuit avec moi » Un sourire posé, elle aime finalement le fait d’être éveillée, à ses côtés. Pour la première depuis longtemps, elle ne se sent pas tout à fait seule.

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Cela l’amuse d’imaginer Jacob tenter d’escalader le mur pour aller voir Cat. Elle n’a pas réellement de mal à imaginer la chose d’ailleurs et cela l’amuse et l’attendrie aussi, il faut bien l’avouer. « - Doué, cela reste à voir, t’as failli me faire avoir une crise cardiaque » Elle lui donne un léger coup de coupe d’ailleurs en réplique, un geste bien moindre. « - Ne crois pas que les femmes n’ont pas besoin d’être conquise de nos jours, certaines choses n’ont pas changé, enfin pas autant que tu ne le penses » Alors, elle comprend parfaitement ce qu’il entend, les réseaux sociaux, les applications de rencontre. Tout cela facilite, c’est vrai mais il n’y a rien de mieux que le réel, le contact, la peau contre la peau, les corps l’un contre l’autre. Il n’y a que cela de vrai. Un sourire pensif, jamais trop tard, dit-il ? « - Oh, je vais avoir trente sept ans Jacob... je crois que trop tard c’est exactement l’expression. » Elle a le cœur lourd, parce qu’elle pense sincèrement qu’aucun homme ne sera jamais capable de se battre pour elle, de l’aimer à en crever, d’être le héro d’une histoire à ses côtés. Elle a tenté, elle a cru... mais elle les a tous perdu. Joan est persuadée qu’elle terminera sa vie avec Ferguson, dans ce vieux canapé. D’ailleurs en parlant du vieux chat roux, le voilà qui se pointe par la chatière en miaulant. Cela amuse Jo, il file discrètement vers la cuisine pour atteindre sa gamelle remplie.

Elle l’écoute avec attention, pendant qu’il parle, elle le détaille, sans trouver anormal qu’il ne porte qu’un bas de pyjama, elle a arrêté d’être trop pudique, voir le corps des autres ne l’a jamais dérangé. Il faut avouer qu’il n’est pas désagréable à avoir sous les yeux Jacob mais elle ne peut pas s’empêcher de culpabiliser à cette pensée. Alors elle s’attarde sur les petits cicatrices, les marques de la vie carcérale, elle se doute que cela n’a pas dû être simple, osera-t-il un jour lui en parler ? La libraire tente de lui offrir une douce réponse, quelque chose qui le conforte. Le temps est toujours nécessaire après l’adversité. Mais quand celle-ci dure vingt ans, de combien de temps a-t-on réellement besoin ?  Elle parle aussi, évoque cette solitude de la nuit qu’il brise avec sa compagnie. Les verres s’entrechoquent doucement. Elle le regarde, les yeux dans les yeux. Lui a un bleus si intense. Elle le regard plein de chaleur. Cela l’amuse qu’il veuille en apprendre davantage sur elle. Une nouvelle gorgée de Whisky, elle s’enivre, elle le sent. Le verre n’est même pas terminé. La jeune femme pose sa tête sur ses genoux à lui, dans un accès de familiarité peut-être, comme si elle était chez le psy. Elle tente ses jambes sur le reste du canapé. « - T’es sûr que cela t’intéresse ? » Parce qu’elle doute en permanence. Un éclaircissement de voix. « - Déjà sache que je ne tiens pas l’alcool et que je sens déjà les effets de ce verre » Qu’elle lève et lui montre. Elle fixe le plafond, c’est sans doute plus simple que de le regarder lui. « - Joan... Joan... Joan... » Elle pouffe un peu. « - J’ai fait des études de littérature, je suis un peu près sûre que cela te surprend, n’est-ce pas ? » Elle s’en amuse. « - J’ai été bibliothécaire... j’ai rencontré un pompier, incroyablement beau et séduisant... mais je n’ai jamais réussi à lui faire pleinement confiance... comme si je doutais pouvoir garder un homme comme lui... » Elle sait que sa jalousie a causé la perte de ce mariage. « - On s’est marié pour divorcer... cela remonte à 2019 maintenant... C’est pour me remonter le moral, je crois que Cat a lancé le projet de café-librairie... et après la suite je crois que tu la connais » Elle parvient à boire une petite gorgée. « - Je cours tellement partout Jake... qu’est-ce qui m’anime ? Une balade à la plage... lire un livre... sortir avec mes amis... écrire... j’ai juste l’impression d’être seule... affreusement seule. » Elle parle beaucoup, c’est l’alcool. « - J’ai écrit un truc... je veux dire un livre... personne ne sait... » Pas encore publié, rien... mais il est écrit, le manuscrit est prêt mais elle n’a pas franchi le cap, pas encore.

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Il semblerait que l’évocation de leur âge les fasse tous deux grimacer. Elle n’arrive pas à se dire que Jacob a dix ans de plus qu’elle, elle ne parvient pas à s’imaginer que le temps a filé à une vitesse folle. Quand elle doit faire la rétrospective des faits, elle a l’impression que tout s’est accéléré pour en arriver là. Juste là dans ce canapé. Peut-être va-t-elle pouvoir ralentir un peu, est-ce cela que ça signifie ? Elle n’en a pas la moindre idée en tout cas. En tout cas elle finit par rire, de bon cœur en lus de ça... elle n’est pas loin de faire trop de bruit. « - Je te promets que ça ne se voit pas » Il a pris de l’âge mais il lui va bien, très bien même. Jacob reste un homme séduisant, il l’a toujours été et elle est persuadée que ce ne sont pas quelques rides qui changeront cela.

Alors dans un excès de confiance, sans doute dû à l’alcool, elle vient poser sa tête sur ses genoux, un geste qui lui semble naturel, plaisant, agréable et c’est ce qui fait sans doute qu’elle se sente bien dans cette position. Après tout, elle n’a pas à rougir de cela. Elle commence à énoncer sa vie, qu’elle triste affreuse et triste, elle commence à se montrer à Jacob que tout n’a pas été réussi, beaucoup d’échec et de frustration. Il reste d’ailleurs silencieux à la fin de sa phrase. Il ne relève pas, pas même le fait qu’elle ait écrit un ouvrage, rien. Le silence est presque assourdissant, elle est à deux doigts de prendre la fuite car cela devient oppressant pour elle d’attente d’un retour de Jake. C’est si terrible que cela ? Voilà ce qu’elle a envie de lui demander. Il pose son verre, elle le regarde, dans cette lumière étrange. Il reprend la parole pour lui dire qu’il est là... Elle ne sait pas si c’est ce qu’elle voulait entendre, sincèrement... Quelque chose semble la déranger. Il tente un peu d’humour, elle esquisse un petit sourire mais rapidement il se fane. « - Peut-être... » Répète-t-elle simplement. Elle se perd dans la contemplation de son torse, pas de façon admirative, mais elle revoit les marques qui couvrent sa peau, elle s’interroge alors, oubliant alors que l’on parlait d’elle. Peut-être que c’est plus simple de ne pas parler d’elle, de ne pas évoquer tout ce qu’elle n’aura jamais. Ses doigts glissent sur l’une des marques, puis elle cherche son regard. « - Qu’est-ce qui t’es arrivé ? » Elle veut sincèrement savoir... sincèrement le découvrir.

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Tout devient d’un coup plus dramatique. Le regard qu’elle pose sur lui. Le sérieux de sa question. L’empathie qu’elle y met. L’absence de jugement. L’attachement finalement qu’elle a pour lui, les souvenirs qu’il fait renaître. Il n’est pas obligé de répondre, elle ne s’en offusquera pas, mais elle ose poser les mots, la question. Il faut qu’elle sache, d’une certaine façon, elle a besoin de savoir ce qu’a enduré l’homme qu’elle héberge, sous son toit. Et doigts ne quittent pas le torse du quarantenaire, elle accepte le silence, le temps de réponse, elle ne dit rien. Joan se sent apaisée contre lui, c’est une idée étrange mais pas si déplaisante. Elle est là dans un coin de sa tête mais en est-elle déjà consciente ? Sans doute pas vraiment. C’est calé quelque part dans son subconscient. Viendra le moment où cela deviendra peut-être évident. Ce n’est pas pour ce soir. Il reste relativement évasif. Elle continue à faire glisser le bout de ses doigts sur les marques, elle imagine le pire, son imagination un peu trop développée... Son cœur se brise un peu plus, elle le sent, l’empathie qu’elle ne maîtrise pour Jacob. Elle ne le coupe pas, l’envie qu’il parvienne à évacuer par les mots ce qu’il a vécu.

« - Je suis heureuse que tu sois solide » Ce sont des mots glissés, presque sur le ton de la confidence. Sous-entendu, elle est heureuse qu’il ne lui soit rien arrivé de grave, heureuse qu’il soit en vie. « - Et contente que tu sois là » La même tonalité dans sa voix. Contente de partager ses insomnies, de ne plus se sentir seule la nuit. Un réconfort relatif, maladroit, étrange. Elle sourit légèrement, son regard se perd dans le plafond. « - Je ne dors déjà pas, est-ce que je suis à une histoire près ? » Et sa tête tourne pour le regarder. « - Je ne peux pas te forcer à me parler, je crois que je peux juste te dire que si tu as besoin, j’écouterais, toujours. » Pas de jugement, rien. Ce n’est pas son genre, même lorsqu’il a été emprisonné, elle n’a pas jugé les faits. Il y a eu une colère sourde, muette, parce qu’elle trouvait la situation injuste pour sa sœur. Elle est toujours là, elle n’a jamais pu être évacuée après tout. Ce n’est pas juste que Joan soit là, avec Jacob dans ce canapé, quand Cat est partie...sans vie. « - Tu dois te dire que je ne comprendrais jamais... mais j’espère qu’en tout cas, tu me fais assez confiance pour te dire que je ne te jugerais jamais sur tes vingt dernières années. Elles appartiennent au passé » Un souffle, sa poitrine se soulève sous l’inspiration, se dégonfle sous l’expiration. Le verre est terminé, elle joue un peu avec, savoure les instants de silence. « - Je ne sais pas si je vais pouvoir garder la librairie... » Lance-t-elle soudainement, parce qu’elle a l’impression qu’elle peut lui dire. Vraiment ? Peut-être...

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Une douce conversation. L’insomnie trouve son utilité. D’une pénibilité naît quelque chose de nouveau. A quoi s’attendre ? Joan n’est pas certaine. Elle sait que c’est plaisant d’écouter et d’être écoutée. Elle n’a pas l’intention de forcer Jacob sur les faits, les marques qui parcourent son torse. Elle ne peut pas le forcer à se livrer, ce n’est pas possible. Si un jour il souhaite le faire, elle sera l’oreille attentive dont il a besoin. Et c’est ce qu’elle lui explique. Cet échange de regard entre eux, cette position presque trop familière. Comme une évidence que les deux ne voient pas. Trop tôt beaucoup trop tôt. La découverte continue. Il faut prendre le temps de s’apprivoiser. Deux cœurs, deux corps devenus sauvages avec les années. Elle laisse le silence s’installer, sans se rendre compte que sa main libre est toujours plus ou moins sur le torse de Jacob. Cela ne semble nullement le perturber, il en est de même pour Joan, pas consciente du geste. Et c’est bien elle qui brise ce silence. Ce secret, ce poids qu’elle porte. L’idée qu’elle ne parviendra pas à le contenir plus longtemps. Les factures, les crédits, les frais pour sa grand-mère... elle ne peut pas tout gérer, l’argent ne pousse pas sur les arbres et les dettes commencent à s’accumuler. Et c’est une bombe qu’elle semble lâcher auprès de Jacob.

Le regard fuyant, fixant le vide... Il la ramène à lui pour tenter de comprendre. Les yeux brillants, elle cherche encore à fuir mais sa main est sur sa joue. Lu dire tout. Oui, peut-être, elle ne sait pas bien par où commencer. Quelques secondes sont nécessaires pour trouver les mots. Elle soupire, c’est lasse, fatiguée, le corps se décontracte contre Jacob. « - Je... le crédit important... le coût de la vie... les frais pour Gisèle... je finis tous les mois à découvert et j’ai l’impression que c’est de pire en pire. La librairie fonctionne bien... mais le crédit est lourd, il était pour deux à la base maintenant, je dois payer quelqu’un pour m’aider... » Bref... c’est sans fin, c’est compliqué. Elle a l’impression d’être submergée. « - Je ne sais plus quoi faire, je ne peux pas la perdre... j’ai tout donné... » Tout donné, évidemment, elle est encore prête à livrer bataille mais elle s’épuise. « - L’état de Gisele ne s’arrange pas... je n’ai pas les moyens de la mettre en maison spécialisée... et... et... » Elle panique rien que d’y penser. « - Je ne peux décemment pas vendre la maison... je... je me noie... littéralement » Sa main quitte le torse de Jacob pour se frotter les paupières. « - Je suis ridicule à me lamenter, je suis désolée... c’est ridicule » Et comme toujours, elle ravale, elle sait parfaitement faire à force. « - C’est un bien triste spectacle nocturne finalement... » Elle rit un peu jaune... il n’y a plus rien de drôle dans cette situation. Quelle image offre-t-elle ? D’une femme dépassée par la vie ? Ce n’est tellement pas ce qu’elle aimerait renvoyer.

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Tout va à vau-l’eau dans la vie de la libraire. L’équilibre trouvé est très fragile, elle peine à garder la tête hors de l’eau. Il n’y a pas un mois où elle n’est pas à découvert et cela devient difficile à porter. Les relances de la banque, les courriers qui s’amoncellent... elle semble bien seule à gérer le coup. Son nom figure sur tous les papiers pour la librairie, pour la santé de sa grand-mère alors c’est toujours à elle que l’on envoie les relances, qu’on lui demande de signer les documents. Une lourdeur administrative, une charge mentale qu’aujourd’hui, elle ne supporte plus. C’est ce qu’elle tente d’expliquer à Jacob. Sans doute n’est-il pas conscient de tout ce qui se passe dans la tête de Joan. Elle ne sait pas comment gérer cela, c’est un cercle sans fin. Tous les mois le même processus. Jacob ne semble pas décider à la laisser sombrer dans les méandres de ses tracas. Il semble rassurer la femme allongée tout contre lui. Des gestes tendres, elle n’a plus l’habitude. Est-ce que c’est mal d’apprécier ? De prendre un certain plaisir à être touchée par un homme de la sorte ? Elle tente de ne pas le montrer mais la réalité est bien là. Cela lui fait quelque chose de sentir Jacob là, présent.

Aux mots qu’il lui offre, elle cherche à détourner le regard, presque gênée à l’idée qu’il puisse énumérée une série de qualités qu’il voit en elle. En si peu de temps, il semble l’avoir cerné mieux que certaine personne de son entourage. Une larme s’éclipse, elle roule sur sa joue, perdue dans un flot d’émotions. Peu habituée à ce qu’elle se laisse aller. Jo craint toujours de pleurer, elle craint de commencer sans jamais réussir à s’arrêter. Elle le regarde, il lui ouvre ses bras et le temps de se délaisser de son verre vide, elle fond dedans. Autrefois, elle n’aurait jamais fait cela, c’est certain... autrefois ? C’est clairement l’alcool qui désinhibe ses actions. Pourtant elle a besoin de ce geste. Son visage s’enfouie dans son cou, son odeur frappe ses narines, quelque chose de présent, de familier, qui fait accélérer les battements de son cœur. « - Merci... » Souffle Jo au creux de son oreille. Elle se cale contre lui, presque sur ses genoux à ce niveau-là. L’envie de fermer les yeux, de se laisser aller dans la sécurité qu’offre les bras de Jacob. « - J’ai l’impression que l’on t’a envoyé juste pour m’aider » Un petit rire, c’est une croyance un peu stupide. « - Tu es devenu ange gardien en prison ? » Elle ne le lâche pas, elle n’est pas encore prête à cesser cette étreinte.

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Le geste est si familier, si facile à cet instant. C’est peut-être tout ce dont elle avait besoin. Son coeur lourd, battant trop fort et son corps, son esprit, enivrés par l’alcool. Elle ne l’aurait sans doute pas fait sans l’alcool vidé, c’est certain. Cela désinhibe fortement ses actions. Mais voilà, il semble que ce soit plus nécessaire que prévu. Elle se sent bien dans les bras de Jacob. Jamais elle n’avait tenu cette place avant et il y a cette impression d’y avoir sa place. Comme quelque chose qu’elle ne maîtrise pas. Peut-être que c’est l’alcool qui fait cet effet-là, alors elle n’a pas envie de se formaliser sur ce qu’elle peut ou non ressentir. Un doux merci soufflé à son oreille, les paupières closes un moment, elle inspire son odeur qui la trouble encore. Quelque chose qu’elle met de côté aussi, dans un coin de sa tête, ce n’est pas le moment de discuter à ce que ce geste procure. La voilà envahit par la culpabilité de ce désir étrange pour l’homme que sa sœur aimait autrefois... Elle ne veut pas y penser, toujours pas. Il ne doit pas y penser.

Cela est étrange de voir en cet homme qui sort pourtant de prison, l’ange gardien dont elle avait besoin. C’est une drôle de façon de voir les choses, c’est certain, cela les fait quelque peu rire tous les deux. Elle ne bouge pas pour le moment, trop heureuse de profiter d’un contact comme celui-ci. « - Le whisky c’est moi, toi tu étais plus thé, si je ne m’abuse » Le ton est plus léger. Elle inspire doucement, elle tente de faire démarrer une cohérence cardiaque pour apaiser les angoisses qui la saisissent. Elle éloigne quelque peu son visage de son cou, les visages sont peut-être un peu trop près de cette façon, l’alcool aide encore à ce qu’elle ne soit pas gênée de cette situation. « - J’ai envie d’y croire » Elle déglutit. « - Tu me donnes envie d’y croire » Parce qu’elle avait un peu baissé les bras, elle se laisse porter par la vie, coulant petit à petit. « - Les insomnies ont du bon parfois... » Souffle-t-elle, toujours sur un ton bas, presque de confidence. Elle ferme les yeux lorsque son pouce passe sur sa joue pour essuyer une larme. Est-elle la seule à y voir un geste intime ? A ressentir un certain trouble ? Encore une fois, c’est plus facile de mettre cela sur le compte de l’alcool. Son front se pose sur le sien, elle ferme les yeux. Encore une fois elle profite de l’instant. « - Mais je reste convaincue que tu m’as été envoyé pour une bonne raison » un murmure...

@Jacob O'Reilly & @Joan Oswald

La proximité la perturbe, il faut bien l’avouer. Elle ne sait pas tellement comment l’interpréter, comme comprendre à quel point c’est plaisant d’être dans les bras d’un homme... de cet homme ? Est-ce la personne ou la situation qu’elle aime ? C’est compliqué à dire, elle ne sait plus vraiment.  La distance c’est lui qui la remet en place. C’est sans doute plus raisonnable. C’est sans doute l’alcool qui parle qui plus est. Toujours plus facile à imaginer de la sorte, c’est certain. Un haussement d’épaules. Qu-est-elle censée répondre d’autre ? « - Seulement si tu vas toi aussi te coucher » Attention, chacun dans son lit, c’est une évidence, elle ne propose absolument pas autre chose. Encore un long soupir, tous les deux semblent lasses de la vie, de la nuit, de l’insomnie. Un petit sourire complice face à ce clin d’œil qu’il offre. Joan n’est pas certaine de savoir ce que cela signifie. Un petit hochement de tête, elle accepte le deal de remettre à demain la résolution des problèmes. Il faut avouer que l’alcool alourdie doucement les paupières de la libraire. Elle tente de se relever, c’est pénible laborieux, sa vision est un peu trop floue pour ne pas tanguer. Le whisky est bel et bien dans ses veines, elle manque de trébucher, elle en rit naturellement en tentant de ne pas faire trop de bruit. Et alors il évoque le manuscrit. Elle avait déjà oublié. Oublié qu’elle a osé parler de ce projet à une personne. Jacob est maintenant la seule personne au courant. Elle revient un peu à elle, quitte son état d’euphorie pour le regarder d’un coup un peu plus sérieuse. « - Bon sang j’avais oublié t’en avoir parlé, et sans doute que je misais sur le fait que tu oublies aussi d’ici demain... » Elle tourne un peu sur elle-même mais c’est laborieux, obligée de se retenir au mur. « - Tu n’es pas obligé... je... je doute que tu apprécies, rien à voir avec que tu sembles lire... et... et peut-être que tu n’aimeras pas... » Elle panique littéralement. Comment peut-être se sortir d’une telle affaire ? « - C’est... enfin ce n’est sans doute pas de la grande littérature... » C’est ce qu’elle pense, bien entendu. « - Je... c’est quelque peu... enfin... » Une grimace, elle prend son visage entre ses mains. « - Bon sang Jacob, c’est un roman quasi érotique... je ne peux pas te faire lire ça... »

@Jacob O'Reilly & @Joan Oswald


Il a beaucoup trop bonne mémoire pour le petit cerveau de moineau qu’est Joan. Plus l’alcool ajoutée, elle avait clairement oublié avoir parlé de son manuscrit et maintenant qu’il réclame à le lire, elle devient sans doute rouge comme une pivoine. Elle ne peut décemment pas lui faire lire, elle n’est pas prête lui sans doute que lui non plus. Quelle image cela renverrait d’elle ? Elle n’assume pas les mots écrits, l’histoire rédigée. Elle bafouille, elle ne tient plus en place, si bien qu’avec trop d’alcool dans le sang elle titube à moitié. Si elle tente de donner le change, c’est quand même bien loupé. Lui ne semble pourtant pas s’offusquer du thème du dit roman mais elle ne se sent pas capable. Elle rit nerveusement. Un non de la tête en mouvement. Les yeux relevés pour le regarder. « - Non ? Jacob, tu vois, je n’ai pas assez bu pour te remettre ce manuscrit entre les mains… j’ai dû mal à me dire que tu vas lire cela… Ce n’est pas une question de confiance où… non vraiment… Jacob… ça me gêne… Je… » Nous voilà bien, elle bafouille et rougit. « - On en reparle plus tard, je te promets qu’un jour tu pourras le lire » N’est-ce pas une promesse dans le vent ? Sur le moment elle ne le pense pas, elle est sincère. « - Je.. je vais aller me coucher avant de changer d’avis… cela vaut mieux… » Elle s’avance quand même vers lui pour lui coller un bisou sur la joue avant de monter les marches, elle manque d’en louper une, on entend un… « - Whoupp » quand elle se rattrape avant de filer dans sa chambre.