La matinée avait été assez vraiment très intéressante, j'étais en formation depuis deux jours et c'était ma dernière journée. Nous avions abordé des thèmes vraiment très différent sur chaque journée. Et il restait une partie pour cette après- midi. Pour le moment, c'était la pause déjeuner et j'avais téléphoné à ma mère afin qu'elle me raconte sa matinée avec Ethan. Mon petit garçon qui maintenant a 18 mois, c'est fou ce qu'il grandit vite, et il avait été assez dure de reprendre le travail, il y a maintenant plus d'un an, mais on s'était fait notre petit rythme. Ethan était dans la même crèche que moi, juste pas dans la même section, je travaillais avec les enfants de 3 mois à 12 mois. Et l'année prochaine, j'avais une petite envie de changement, j'allais passer chez les 24 mois à 36 mois. Tous les deux ou trois ans, il y avait la possibilité de changer de section. Et c'était vraiment très enrichissant, voir les enfants évoluer, apprendre de nouvelle chose, découvrir de nouveau univers. En parlant de nouvelle chose, cette après-midi, nous avons une intervention avec des médecins qui font de l'humanitaire.

La fin de la pause arrive, et je retourne m'installer à ma place, nous sommes un petit nombre, au moins 25 personnes dans la salle, les formations sont toujours très intéressantes mais quand nous sommes beaucoup, la parole qu'on nous accorde est moins importante. Mais cette après-midi, on allait plus écouter, qu'intervenir, enfin c'était mon avis. Nos formateurs venaient d'arriver, avec deux autres personnes qu'on ne connaissait pas. Mon regard se pencha vers les deux hommes et je ne sais pas pourquoi, le visage de la première personne me donnait une impression de le connaître, mais je n'arrivais pas à savoir d'où je l'avais rencontré. L'intervention des médecins avaient duré deux bonnes heures, et la fin de la formation arriva, tout le monde en ressortie vraiment très content. J'étais en train de ramasser mes affaires, tout en consultant mon téléphone, un message de ma mère qui m'invite à manger ce soir, si je l'écoutais, je mangerais très souvent chez elle. Elle adorait nous faire à manger et surtout voir son petit-fils. En consultant les photos d'Ethan qu'elle venait de m'envoyer, je venais de bousculer quelqu'un.

- Excuser moi, je regardais des photos et je n'ai pas fait attention. Vous n'avez rien ?

Je venais de relever la tête et d'apercevoir la personne que je venais de percuter, c'était l'un des médecins qui avaient été présent tout au long de l'après-midi. D'ailleurs j'avais toujours cette impression de toujours le connaître mais je n'arrivais pas à m'en rappeler, et pourtant j'étais sure de le connaître ! Je détestais vraiment cette sensation, c'était quelque chose d'horrible, savoir qu'on connaît une personne, et qu'on est sure de l'avoir déjà vue. Et j'avais eu beau chercher dans tous les lieux que je pouvais fréquenter, ça ne m'étais pas revenue. Mais en y pensant, je pourrais peut-être poser la question, peut-être pas à ce moment précis, mais si nous discutons quelques minutes.

Quand l’un de mes anciens confrères de travail m’a demandé si j’étais intéressé à partager mon expérience de médecins sans frontières, je n’ai même pas hésité une seconde à y participer. La réalité c’est qu’il manque encore beaucoup trop de gens sur le terrain pour nous aider à sauver des vies. Aujourd’hui, c’était un groupe de formation avec des métiers divers et ça m’avait encore plus motivé. Certes, le tiers monde avait besoin de médecin, mais les infirmières aidaient énormément la cause également. Il n’y avait vraiment pas de sous-métier quand on parlait de voyage humanitaire. Tout le monde pouvait contribuer à leur façon. C’est en partageant mon expérience à l’avant que j’ai figé quelques secondes en voyant des traits familiers. Habitué de travailler sous pression, j’ai rapidement vite repris mes esprits, mais mon cerveau tourbillonnait en se demandant qui était bien cette jeune femme. Et c’est quand je l’ai vu sourire après un commentaire de mon collègue que j’ai fait le lien. Il n’y avait aucun doute dans ma tête, c’était bien elle cette fille que j’avais laissé en plan après une nuit assez mouvementée juste avant que je reparte en voyage. Est-ce qu’elle se souvenait de moi ? Est-ce que je devrais aller m’excuser d’être parti sans rien dire ? Ce n’est tellement pas mon genre d’être dans ce genre de situation. J’ai l’impression qu’elle me regarde à quelques reprises même quand ce n’est pas moi qui prends la parole. Si ça se trouve, elle doit m’en vouloir un peu.

La conférence se termine finalement, je relève les yeux vers la place où elle était assise, mais elle n’est plus là. Bon, j’imagine que ça veut dire que ce n’était qu’un petit hasard et que je n’étais pas dû pour y reparler aujourd’hui. Je commence à ramasser mes choses alors que mon ami me dit qu’il ne peut pas discuter plus longtemps. C’est dommage, j’aurais bien aimé aller prendre un verre avec lui. C’est en me dirigeant vers la sortie que je me fais percuter de plein fouet, j’aurais peut-être dû faire plus attention où je mettais les pieds. Il faut croire que j’étais trop distrait par mes pensées. La jeune femme s’excuse rapidement. « Ce n’est vraiment pas grave vous savez… » Si la personne avait bien écouté et me croyait sincère dans mon témoignage de tout à l’heure, elle comprendrait bien que j’avais une âme altruiste et qu’il m’en fallait bien plus pour être fâché. Puis, elle relève la tête et je réalise que c’est ELLE. Si j’ai eu encore un doute tout à l’heure sur son identité, là je suis plus convaincu que jamais. D’ailleurs, c’est quand même une sacrée coïncidence qu’elle me fonce dessus comme cette fois dans ce bar. Est-ce qu’elle me teste pour voir si je me souviens d’elle ? Le cerveau des femmes est si compliqué parfois que ça ne me surprendrait même pas. « Je vais finir par croire que c’est une habitude de me foncer directement dedans… » Autant être honnête avec elle et cette petite touche d’humour rendra peut-être la situation un peu moins malaisante. Si elle a de la rancœur encore face à cette soirée tant pis, au moins je me serai excusé pour mon comportement peu gentleman.

La maladresse et moi, c'était quelque chose que je tentais de ne pas trop montrer, j'y arrivais de plus en plus car je faisais assez attention mais là, pas du tout ! J'étais tellement distraite par mon téléphone et surtout par les photos de mon petit garçon que je n'ai pas réalisé qu'il y avait quelqu'un juste devant moi ! Comment se faire remarquer en quelques secondes ? Bousculer quelqu'un et c'est fait. Heureusement qu'il n'y avait plus grand monde dans la pièce et qu'on s'en sortait bien tous les deux. Aucune personne a terre, ou de bosse qui aurait pu arriver. La dernière bousculade que j'avais provoqué, je m'étais retrouvée sur les fesses ... Autant dire que j'avais eu un bon petit bleu. Mais la personne en face de moi, absolument rien du tout, heureusement car elle n'avait pas été des plus aimables quand même. Elle avait poussé un énorme soupir et elle m'avait dit que je devais regarder devant moi ! Enfin, ce n'était pas un souvenir vraiment charmant. Mais pour l'homme que je venais de bousculer maintenant, il n'avait pas l'air de m'en vouloir et de m'en tenir rigueur alors, c'était déjà une bonne chose.

- Quand même, j'aurais du faire attention, le principal c'est que vous n'ayez rien du tout et qu'aucun drame ne soit arrivée. Personne qui est tombée ou rien qui n'a volé, genre des papiers important.

C'était déjà arrivée aussi, mais je ne préférais tout de même pas raconter ma vie de trop, après tout, je n'allais pas raconter toutes mes petites maladresses a une personne que je ne connaissais pas. Même si son visage, j'avais la sensation de le connaître, mais je n'arrivais pas à me remettre de l'endroit ou j'avais pu le rencontrer. Je n'avais pas une grande mémoire des visages ! Ce qui était tout de même assez problématique des fois dans mon métier, j'étais obligée de demander plusieurs fois aux parents, de me donner leur pièce d'identité. Le temps de bien mémoriser les visages. Des réponses que j'entendais des parents, c'était rassurant pour eux, au moins les enfants n'étaient pas confiés à n'importe qui. Jamais je ne pourrais faire cela, je préférais passer pour quelqu'un d’embêtante, plutôt que de donner un enfant, si je n'étais pas sure de moi.

- Une habitude de vous foncer dedans ? Je dois avouer ne pas bien comprendre, a moins que dans cette journée, je vous ai bousculé une autre fois, sans que je ne m'en sois rendu compte, si c'est le cas, je suis vraiment navrée.

Je fis une petite tête d'une personne qui était vraiment désolée de tout cela ! J'allais vraiment devoir faire attention quand même, et surtout être moins distraite. Mais lorsqu'il y avait des photos de mon fils, le monde pourrait s'écrouler que je ne suis pas sure que je m'en rendrais compte. Mais je réfléchis tout de même quelques minutes, en me demandant, quand j'avais pu le bousculer une nouvelle fois dans la journée. Peut-être à notre pause ? Quand j'ai été manger ? J'avoue que je n'en savais absolument rien du tout. Si je commençais déjà à perdre la mémoire, c'était terrible.

- Votre intervention était vraiment bien ! Je pense que vous avez éveillé des consciences et que certaines personnes vont être intéressé pour faire de l'humanitaire où alors faire des dons.

Notre monde était loin d'être tout rose ! Si j'avais la chance d'avoir certaines choses, ce n'était pas le cas de tous les pays, dans certains pays, ils étaient assez complexe de se soigner, d'avoir des médicaments, de subir des interventions, les moyens n'étaient pas les mêmes partout, ce qui était bien malheureux tout de même ! S'il y avait bien une chose qui serait bien, c'est que dans ce monde, on soit égaux dans certains domaines. Mais cela, je ne savais pas si c'était vraiment possible ! Enfin si tout le monde se bouge, se mobilise après tout, on pourrait peut-être changer le monde.

La jeune femme s’excuse sans doute beaucoup trop et je reconnais rapidement des similitudes avec notre première rencontre. Il n’est pas étonnant que j’aille voulu l’aider ce soir-là, ça se voit que c’est une personne qui est gentille et bienveillante à la base. J’avais seulement été son ange gardien cette soirée-là. C’est un signe qu’il y a encore de bonnes personnes qui se soucient des autres tout comme moi dans ce monde. « Je n’ai pas porté attention moi non plus, il faudrait revoir les reprises vidéos pour savoir qui est le vrai responsable. On serait peut-être surpris. » Il est évident qu’il n’y a pas de caméra dans cette classe, mais l’idée m’amuse quand même un peu. On pense toujours qu’on a la véritable vérité alors qu’il y a parfois des impondérables qu’on oublie. C’est peut-être à cause d’une autre personne qu’on s’est bousculé au passage, qui sait ? Le plus important c’est comme elle dit que personne ne soit blessé. Les papiers n’ont plus aussi d’importance que dans les années 1900, je suis certain qu’elle aurait pu faire réimprimer le tout au besoin. Est-ce que mon orgueil est un peu touché quand je vois qu’elle ne se souvient plus du tout de ne pas m’avoir croisé ? Absolument. Je sais très bien qu’elle ne le fait pas volontairement en ce moment, j’ai vraiment l’impression qu’elle a oublié. Ce n’est pas étonnant avec tout l’alcool qu’elle avait prise ce soir-là. « Non je te.. hum… je vous rassure que ce n’est pas aujourd’hui. » Pendant un instant, j’oublie presque que nous ne sommes que deux inconnus à ses yeux en la tutoyant, mais je reprends ma phrase en apportant un peu plus de politesse. Toutefois, je dois avouer que ça me fait drôle qu’on se vouvoie alors qu’on a été plus qu’intime tous les deux. « C’était dans une autre soirée qu’on s’était croisé tous les deux, mais ça fait vraiment longtemps. Je ne pourrais même pas dire le nom du bar. Donc c’est plus que normal que ça ne vous remémore rien, c’était en fin de soirée en plus. » À ce stade, est-ce que je veux vraiment lui dire que je l’avais raccompagné chez elle ? J’en doute. Elle ne se souvient même pas de moi et si ça se trouve ça la gênera encore plus de ne pas se rappeler de moi après avoir connu la vérité.

Elle me parle alors de mon intervention de la journée et ça me fait sourire. Elle semblait vraiment captivée contrairement à d’autres personnes dans la salle donc ça ne me surprend pas qu’elle ait vraiment aimé mon partage d’expérience. « Tant mieux, je dois avouer que j’ai eu des doutes sur mon charisme quand j’ai vu un étudiant dormir dans la première rangée, mais ça me rassure. C’est exactement ce que j’espérais en venant ici. Dans les causes humanitaires, il n’y a jamais de petit nombre. Une seule personne qui s’implique peut changer la vie de milliers de personnes. » Toutefois, c’était quelque chose de bien plus facile à dire qu’à faire. Il y avait beaucoup de sacrifices à faire dans les voyages humanitaires. J’étais loin d’avoir les conditions les plus favorables pour dormir bien souvent et nous étions éloigné du monde entier rapidement.