En traversant la planète pour quitter la seule famille que tu avais connu tu ne savais pas le miracle qui t’attendait. Si assise sur le carrelage de la salle de bain à Brooklyn tu rêvais à autre chose, de te sortir de cette situation plus que inconfortable tu n’aurais jamais osé croire en cette histoire. Toi aussi de ta petite bulle, tu as eu le droit à ton conte de fée digne de Cendrillon. Tu n’avais pas de carrosse en forme de citrouille ni de pantoufle de vair mais tu as trouvé le prince. Mieux qu’un prince en réalité. Loin du bal c’est une valse que tu as dansé avec lui depuis que tu le connais. Il n’a pas envoyé des larbins libidineux faire essayer un soulier oublié à toutes les femmes célibataires de New York pour te retrouver. Il est venu lui même sonner directement à la bonne porte, pas besoin de l’aide des adorables petites souris pour porter la clé. Il ne t’a pas emmenée dans un grand château mais c’est encore plus merveilleux. Son royaume à lui est baigné de lumière sublime, chaude et d’eaux dignes des peintures que l’on admire dans les musées de France. Une petite fille qui quitte sa maman pour toujours dans l’esprit collectif devrait être l’événement le plus traumatisant du monde, pour l’enfant et sa maman. Quitter son environnement a été brutal et inattendu et pourtant si nécessaire. Oui tu as pleuré mais pas pour ta maman. Elle ne s’est jamais battue pour toi, préférant son mari qui essayais de te faire sentir comme si tu n’étais rien. L’histoire a voulu que tu retrouves deux nouvelles mamans. Il y a bien entendu maman Parker qui t’a adoptée officiellement et qui t’a offert un vrai foyer.

Il y a d’abord maman Vaughan. C’est elle que tu as rencontré en premier. Tu étais terrifiée, intimidée. Tu venais de traverser le monde au bras homme que tu aimais et il n’y avait plus que lui qui comptais pour toi. Tu as toujours pensé que rencontrer les parents de l’être aimé était une étape importante. Si tu avais de la chance, un jour grâce à une alliance tu ferais aussi parti de leur famille. Bien que les alliances aient pris le temps qu’il fallait pour arriver, maman Vaughan n’a pas hésité une seule seconde à prendre soin de toi. Elle aurait pu se méfier de toi, te voir comme un parasite qui profitait de la bonté de son fils adoré. Les idées reçues sont horribles et ont la vie dure, on dit que les belles mères sont méchantes avec leur belle fille. Tu avais 15 ans, elle n’a vu qu’une enfant qui avait besoin d’aide. Elle t’a beaucoup aidée quand tu es arrivée pour les papiers, pour l’adoption aussi. Peu à peu, elle a aussi pris un peu le rôle de “vraie” maman pour toi. C’est sans doute la personne à qui tu te confies le plus, elle ne te juge jamais même quand tu as des doutes, même quand tu es en colère contre Wade. Elle essaie à chaque fois de t’apporter son soutien et les meilleurs conseils possibles, car elle est une femme extraordinaire et qu’elle aime Wade de tout son coeur et que finalement elle t’aime aussi toi. Elle vous aime vous, tous les trois avec Violet pour qui elle est bien entendu une grand mère trés dévouée. Et même si Wade et toi traversez la plus grosse crise de votre histoire, elle est là pour toi. Elle répond présente. Tu as passé une soirée compliquée avant hier soir suite à une intoxication alimentaire. Tu ne te rappelles pas vraiment ce que tu as mangé. Rien de très grave mais inutile de préciser que la nuit a été douloureuse et courte. Violet et son sommeil de plomb d’adolescente a par chance pas fait attention. Elle s’est contentée de quelques remarques assassines au réveil en voyant ton teint vampirique. Ce soir, elle est là, avec toi et Violet. Elle vous a apporté un bon petit plat, sans risque pour la santé pour te forcer à avaler quelque chose. Tu étais toujours un peu palote mais tu étais heureuse qu’elle soit là.

Tu es impuissante dans ce couloir tu fais les cent pas. Tu connais bien cet hopital, tu y travailles tous les jours. Tu es médecin, tu sais qu’il peut y avoir des moments difficiles mais quand ça touche aux personnes que l’on aime ça devient tout de suite beaucoup plus difficile. Pour la cinquième fois de la soirée, tu ne sais pas combien de temps tu as attendu entre chaque appel, tu appelles Wade qui ne répond pas. Il est tard, peut être qu’il travaille, qu’il est chez lui ou qu’il a rencontré une femme. Cette pensée inutile à cet instant ne fit que passer. Il fallait absolument que tu le préviennes. Sa maman, la femme qu’il aime le plus au monde est ici. S’il vous plait … dis-tu à un médecin pressé qui ne prend même pas le temps de te répondre. Tu étais paniquée, tu avais la nausée sans doute due aux restes de ton intoxication alimentaire. Tu souffles doucement, tu attends des nouvelles, tu attends ton mari qui sera sans doute encore plus paniqué que toi alors qu’il est la personne la plus posée que tu connaisses, sauf sur un ring de boxe et là c’est un combat qui vous attend cette nuit.

Wade se gara précipitamment devant l’hôpital, son cœur battant à un rythme effréné. Il n'avait reçu les appels de Meredith que tardivement, parce qu'il avait oublié son téléphone portable dans la voiture. Ce ne fut qu'en sortant de cet entraînement qu’il avait décidé de prolonger, ignorant la gravité de la situation et plus par besoin de s’épuiser que par véritable envie, qu'il vit les appels manqués de son épouse. Cela ne lui ressemblait pas de l'appeler autant en aussi peu de temps, quelque chose clochait. Et puis, il reçut le SMS, qui le laissa interdit, comme si soudainement, tout un immeuble lui tombait sur la tête. L’inquiétude en lui grandissait, se muant peu à peu en une angoisse insidieuse. Il sentait une boule grandir dans son ventre et dans sa gorge, à mesure que son corps se contractait, comme un mécanisme de défense. Sa mère était tout pour lui. Il ne pouvait nier le lien profond qui l'unissait à elle. Il savait qu'il lui devait tout. Alors après avoir répondu à Meredith, il quitta la salle de sport, sans même prendre le temps de se changer ou de prendre une douche. Et sa conduite ne fut guère très exemplaire... Excès de vitesse, feu rouge grillé pour aller plus vite. Il avait l'impression que son cœur allait sortir de sa poitrine. L'adrénaline, il connaissait. À chaque fois qu'il montait sur un ring, elle coulait dans ses veines, provoquant une décharge bénéfique dans tout son être. Seulement là... Ça n'était pas un match de boxe... À vrai dire, il ne savait même pas ce que c'était... Par chance, il y eut une place qui se libéra sur le parking. Il s'y gara, s'empara de son téléphone, coupa le contact puis il sortit du véhicule avant de le verrouiller. Il se mit à courir, malgré sa difficulté à respirer.

Il déboula dans le hall de l'hôpital. Il sentait sa gorge et sa trachée le brûler, et sans s'en apercevoir, il avait un souffle rauque. Ses mains tremblaient, parce qu'il savait qu'il était sur place et que maintenant, il allait obtenir des réponses à ses questions. Il ne les désirait pas, mais il fallait qu'il sache. Une infirmière urgentiste l'accueillit d'un regard et s'approcha, intriguée. Il fallait dire qu'il n'était pas commun de voir débouler comme aux urgences, un ancien champion de boxe. Avec sa carrure et ses deux mètres, Wade en imposait. Il portait un débardeur qui cachait à peine sa musculature et un short avec des baskets. Les gens ne tardèrent pas à le reconnaître. Sur le moment, l'infirmière pensa que c'était lui qui avait besoin d'aide, mais elle comprit que cette apparente nervosité ne constituait pas une urgence médicale. Après un bref échange, où Wade, essoufflé, peina à articuler, elle comprit qu'il était là pour quelqu'un. Elle regarda la liste des admissions et l'invita à la suivre. Elle lui donna un verre d'eau et lui indiqua simplement que sa mère était entre de bonnes mains. Il essaya de garder son calme, mais les souvenirs affluèrent malgré lui. Combien de fois, enfant, avait-il attendu ici-même des nouvelles de son père, espérant chaque fois que ce ne serait pas la dernière ? Le simple fait de revivre cette situation le rendait fou d’inquiétude. Mais c’était différent cette fois-ci. Sa mère, cette femme forte et toujours pleine de vie, n’avait jamais été celle qui était hospitalisée. Pas elle. Pas maintenant.

Il chercha Meredith des yeux dans la salle d'attente principale, sans la trouver. L'infirmière le conduisit dans un couloir qui menait à une autre pièce d'attente, plus petit, plus calme. Quand Wade vit le visage de sa femme, bien qu'ils soient séparés, il n'y alla pas par quatre chemins. Il se rua sur elle pour la serrer fort dans ses bras. La pâleur de son teint l'avait frappé immédiatement. Elle semblait dévastée, ce qui n'augurait rien de bon pour la suite... Il la relâcha, essayant de garder son calme, mais ses mains tremblaient, signe qu'il était moyennement serein. À cet instant, il n’était plus le boxeur impitoyable ou l'homme d'affaires implacable. Il n’était qu’un fils inquiet et un mari coupable de ne pas avoir été là plus tôt. Il plongea dans ses yeux cherchant désespérément une réponse, une assurance que tout irait bien. Mais comment aurait-elle pu lui offrir cette certitude alors que lui-même se sentait si démuni ? Elle était médecin, certes, mais sa mère avait passé depuis bien longtemps, l'âge des urgences gynécologiques. Il savait donc qu'elle ne pourrait probablement pas lui apporter énormément de précisions sur ce qu'il se passait. L'urgence de la situation faisait remonter en lui toute sorte de sentiments, une colère sourde contre l’injustice du sort, une panique qui tentait de faire surface malgré ses efforts pour la contenir. Essayant de garder contenance, il lui demanda, la voix enrouée par l'émotion et la nervosité :

- Où est-elle ? Qu’est-ce qu’ils ont dit ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Il n'était pas brutal, mais on devinait que ces questions lui assaillaient l'esprit depuis le moment où il avait lu le SMS. Et il était difficile de savoir ce qu'il allait faire en cet instant, tant la tension en lui était grande.

La notion de temps est une entité mystérieuse, envoûtante qui déchaine les plus érudis. Qu’il s’agisse des plus grands réalisateurs de cinéma ou des scientifiques, tous essaient de nous expliquer comment le temps fonctionne. C’est un concept, le temps on ne sait pas comment il est, on ne peut ni le voir, ni le toucher. On sait juste qu’il passe, parfois à toute vitesse et il y a des soirs comme aujourd’hui où il est beaucoup plus flou. Des personnes intelligentes ont inventé les aiguilles qui tournent pour nous aider à le visualiser et s’adapter à lui. Dans ce couloir terne jonché de bleu pâle, de blanc et de gris tu ne sais pas quelle heure il est. Tu ne sais pas depuis combien de temps tu es là. Le temps ne manifeste par le son lointain mais perceptible de la pendule au bout du couloir. Ce son inaudible pourtant se déchaîne sous les pas pressés des professionnels de santé qui passent et repassent devant toi. Il y a beaucoup de mouvements dans ce couloir, large, pour pouvoir laisser passer le matériel et les brancards. Tu regardes de temps en temps toi même cette horloge blanche et ces grandes éguilles noires mais ton esprit est brouillé. L’information de l’heure qu’il est ne reste pas en place. Tu ne sais pas si tu es debout dans ce couloir depuis 20 minutes ou depuis 3h. Tu es émotive, inquiète, exténuée. Tu te loves légèrement contre un mur immaculé ou presque quand tu es trop fatiguée. Il est très tard et tu n’a pas été en forme ces derniers jours suite à cette saleté d’intoxication alimentaire. Tu devrais être au chaud dans ton lit et avec ton mari absent. Ce cycle sans fin de voir la même scène se répéter des dizaines de fois s’achève lorsqu’enfin Wade te rejoint.

Tu savais qu’il serait encore plus inquiet que toi et plus énervé. Tu n’eus pas réellement le temps de remarquer quoi que ce soit de son état qu’il t’avait déjà serrée dans ses bras. Un geste auquel tu penses souvent mais à cet instant tu n’avais pas le droit de t’arrêter là dessus. Wade a toujours été ton roc, ton rocher, ton pilier. C’est grâce à lui que tu tiens depuis toujours, c’est grâce à lui que tu es là. Ce soir tu le sens fébrile, anxieux et c’est à toi d’être son roc. Malgré ton teint pâle et tes yeux humides après avoir pleuré face à cette situation bouleversante, tu ferais tout pour le protéger et l’aider. C’est ton mari, tu dois être avec lui quoi qu’il arrive. Tu ne pouvais que voir son inquiétude et la comprendre mais tu ferais en sorte de masquer la tienne même s’il te connaît vraiment par coeur et que tu ne sais pas lui mentir. C’est ça quand on tombe amoureuse à quinze ans et qu’on dévoile tous ses secrets à un beau blond australien. On dînait toutes les trois à la maison … Trois c’est à dire toi, votre fille et sa maman. On discutait, on mangeait et elle m’a dit qu’elle ne se sentait pas très bien. Le temps que j’aille lui servir un verre d’eau elle s’est écroulée au sol … Tu essaies de ne pas parler trop vite pour qu’il assimile les informations. C’est un homme posé et intelligent mais avec le stresse de l’événement, il faut faire attention. On a appelé les secours, je suis montée avec elle dans l’ambulance … tu n’avais donc pas eu le temps de te changer et tu portais donc une tenue vraiment décontractée avec un legging et débardeur joli que tu mets pour dormir. Tu avais aux pieds aussi d’adorables chaussons pour tenir tes pieds au chaud. Sa mère était venue te réconforter car tu étais malade, elle était inconsciente et ils l’ont emmenée … dis tu en faisant un signe de tête pour montrer les portes blindées par lesquelles les urgentistes étaient passés. Je ne sais pas ce qu’elle a, j’ai tenté de demander à des infirmières et des médecins personne n’a su me répondre … dis tu agacée, tu sentais les larmes monter en lui expliquant tout ça. Tu te retenais, tu ne voulais pas lui infliger des émotions qui ne feraient que l’inquiéter davantage. Wade étant maintenant présent, le temps serait moins difficile à cerner. C’est avec une certaine timidité tendre que tu posas ta main sur son bras. Tu voulais qu’il sache que tu étais là pour lui et pour elle. Tu es une Vaughan, c’est ta famille, celle que tu as choisi dans un autre espace temps, à Brooklyn.

Toutes ces informations... cela faisait beaucoup à assimiler même pour un grand gaillard comme lui qui n'avait jamais eu peur de livrer le moindre combat sur le ring. Seulement, voilà, ici, c'était sa mère qui devait se battre. Ils ne connaissaient pas encore son ennemi, mais Wade y réfléchissait intensément. S'ils avaient décidé de l'embarquer à l'hôpital, c'était que la situation s'avérait suffisamment grave. Généralement, quand il s'agissait d'un simple malaise vagal, les secours attendaient que la situation s'améliore. Il élimina intérieurement cette hypothèse, peu plausible. Le fait qu'elles soient en train de manger laissait peut-être présager un choc allergique lié à la nourriture. Mais là encore, les secours savaient comment procéder pour y remédier en urgence et cela ne provoquait pas d'inconscience, pas à sa connaissance en tout cas. Il n'était pas médecin, il s'y connaissait simplement parce qu'après quelques KO, il disposait d'un suivi médical renforcé et qu'il était curieux, il aimait bien poser des questions. Ensuite, venait également la crise cardiaque, or dans ce cas, il eut été probable que Meredith fasse allusion à un massage cardiaque, ce qui n'avait pas été le cas. Ce qui l'amenait donc à penser au pire... à un problème cérébral. Wade se souvint que c'était arrivé à un ancien boxeur, au début d'un match... il avait légèrement sautillé sur sa position avant de tomber raide au sol, mort. Une rupture d'anévrisme complètement imprévisible avait eu raison de lui. Bien qu'il n'eut été que dans le public et non son adversaire, Wade en était ressorti profondément choqué. Ce fut d'ailleurs un déclic puisque suite à cela, il demanda un suivi neurologique rapproché, ayant pris cruellement conscience que son sport préféré pouvait avoir des dommages irréversibles dans sa tête, à cause des chocs violents.

Si sa mère aussi, venait d'avoir un anévrisme, ça expliquait tout. La perte soudaine de connaissance, le fait que les secours ne parviennent pas à la réveiller... et puis... ce temps, cette attente... tout ce flou autour de la véritable situation. Nerveusement, il passa sa main épaisse sur sa barbe soigneusement taillée, à plusieurs reprises. Pourtant, le signe le plus manifeste de son stress restait cet air renfrogné, qui avait provoqué deux rides visibles au-dessus de son front. Il ne fallait pas croire qu'il était insouciant. Wade avait pris la mauvaise habitude de garder ses émotions en lui et de ne pas importuner les autres avec. Cela valait aussi pour sa femme, et bien que cela ait été l'un de leurs nombreux sujets de disputes, ce ne fut pas pour l'exclure de ses ressentis, plutôt pour la protéger des traces qui polluaient sa tête, de temps en temps. Il aurait tout fait pour la préserver, et malheureusement, aujourd'hui, il n'était pas présent au moment où le drame survint. Qu'à cela ne tienne, maintenant, il était là. Il sentit sa main sur son bras. Ses yeux s'étaient fixés sur le vide, à mesure qu'elle lui parlait. Il avait besoin d'encaisser, de prendre en compte tous les paramètres de la situation pour les assimiler. Il les reposa sur elle, avec cette fois la volonté de l'examiner. Il connaissait pas mal d'hommes qui auraient jalousé la relation entre leur mère et leur épouse. Lui, ce ne fut jamais le cas, bien au contraire. Les Vaughan n'avaient hélas pas eu d'autre d'enfant et s'occuper de Meredith fut une façon pour eux d'avoir la fille tant espérée. De toute façon, Wade avait toujours encouragé l'amour de sa vie à se faire de nouveaux amis, à profiter de son existence. Pas une seule fois, il n'avait cherché à l'isoler, à la stopper dans ses rêves, au contraire. Il considérait cela comme normal, tout simplement.

Elle avait l'air fatiguée. Il posa son autre main sur la sienne, pour la caresser, en signe de réconfort et de gratitude. Au contact de ses doigts, il sentit son rythme cardiaque s'accélérer, comme toujours. Au fond, il l'aimait comme lors de leur première rencontre, avec la même intensité. Mais leur mariage battait de l'aile et il pensait, à tort, qu'elle voulait refaire sa vie. Forcément, il se sentait un peu jaloux, mais il savait aussi qu'il ne pouvait pas l'empêcher d'être heureuse. Il se l'interdisait. Si c'était dans les bras d'un autre, oui, ça le frustrerait, mais il n'irait pas jouer l'homme toxique, ça ne faisait pas partie de son ADN. Elle aussi était inquiète, en tout cas, il le voyait. Après un instant de réflexion, Wade en arriva à la conclusion suivante : ils ne sauraient rien tant que les médecins n'auraient pas terminé ce qu'ils étaient en train de faire. Alors, en attendant, plutôt que de se ronger les sangs, ils pouvaient plutôt s'installer sur l'une des chaises. Wade s'éclaircit doucement la gorge et reprit la parole, sur un ton rassurant et empli de gratitude.

- Tu as bien réagi, si tu n'avais pas appelé les secours, la situation aurait probablement été beaucoup plus grave. Elle a été prise en charge à temps, maintenant, il nous faut attendre les informations des médecins... Où est Violet ? Elle est restée avec mon père ? Il doit être mort d'inquiétude lui aussi...

Il passa son bras autour de son épaule pour la rapprocher de lui et déposa un baiser dans ses cheveux. Ils étaient séparés, oui, mais ça ne l'empêchait pas de lui témoigner de la tendresse.

- Viens, assieds-toi, tu as une mine épuisée. Manger quelque chose te ferait du bien, je pense. Il y a un distributeur. Je te prends une barre de céréales ? Tu veux boire quelque chose ? Café, chocolat, thé ? Je vais aussi prendre de l'eau, je pense que nous allons rester là un moment. Il faut que tu t'hydrates, sans ça, tu risques d'avoir mal à la tête.

Maintenant, il était là, auprès d'elle et l'attente insoutenable, ils allaient la vivre à deux. Après tout, un mariage se composait tout aussi bien de bons comme de mauvais moments. Dans la joie comme dans la peine. Dans le rire comme dans l'angoisse.

Tu as toujours été fascinée et admirative de la force tranquille de ton mari. Il t’a rejoint dans ce couloir assez agité mais très rapidement il est redevenu lui-même. Sur le ring c’est une bête féroce, agile qui par chacun de ses mouvements provoquent en toi des papillons dans le ventre. Ton homme est fort, incroyablement beau quand il fait ce qu’il aime avec rage et détermination. C’est pourtant dans une situation comme cette nuit à l’hopital de Brisbane que tu te souviens ce qui t’a fait tomber amoureuse de lui. Toi de nature plus nerveuse, bien que tu n’aimes pas non plus dévoiler tes émotions, tu le fais sans t’en rendre compte. Tu es de celle qui fait les cent pas, celle qui peut taper dans la porte ou dans le mur à te faire mal à la main. Tu n’avais pas encore eu besoin de ce type de mouvements dangereux pour toi seule dans ce couloir mais tu aurais pu. Le fait que Wade soit arrivé, tout de suite, le niveau de stress pouvait commencer à baisser. Tu étais toujours tendue bien évidemment, ta belle maman, ta maman presque depuis toutes ses années mais tu étais légèrement plus calme. Wade prenait le temps d’enregistrer les maigres informations que tu pouvais lui donner. Ne pas pouvoir lui répondre t’agaçait réellement. Tu es médecin toi aussi mais tu n’es pas ce type de médecin. Tu aurais aimé lui dire ce qu’il se passait plus en détail, lui dire que tout irait bien mais tu en étais absolument incapabale. Le regard doux de Wade sur toi et sa main sur la tienne c’était le plus grand des réconforts. Vous êtes mariés depuis longtemps maintenant et vous n’en êtes pas à la première épreuve difficile à traverser ensemble. Quand il t’a connue, tu étais sans doute dans la situation la plus compliquée de ta vie, et déjà si jeune, il était là pour toi, pour te protéger. Il t’avait promis qu’il ne laisserait plus jamais personne te faire du mal et il disait la vérité. Il est vrai qu’aujourd’hui votre mariage rencontre des difficultés, tu as tendance à t’éparpiller car tu ne sais pas quel chemin prendre. Sa paume sur ta main, c’est tout ce dont tu avais besoin. Il est ta safe place, toujours aujourd’hui.

Violet est restée à la maison, elle doit être inquiète aussi … Elle est veille avec ton pére qui était en état de choc, ils lui ont donné un tranquillisant.

Les gestes tendres de Wade sur toi étaient comme des bonbons au caramel. C’est si réconfortant. C’est même mieux, ça ne colle pas aux dents, ça n’est pas sucré, tu peux en consommer sans modération. Au contraire, ton coeur est plus apaisé et tu as moins froid. Tu avais en effet les mains froides, tu t’en rends compte en les serrant l’une contre l’autre. Dans la tempête avant que ton époux arrive, tu étais très nerveuse, ton esprit s’était quelque peu figé et tu ne pensais qu’à ta belle mère et à toute votre famille. Tu voulais être positive mais par moment les pires scénarios se bousculaient dans ta tête. Cela ne faisait qu’augmenter le tourni déjà présent et rendre ton visage encore plus pâle. Tu n’avais pas envie de parler de ton tout petit souci de santé à Wade alors que sa mère affrontait quelque chose de bien plus grave. Tu savais qu’il était déjà suffisamment inquiet derrière cette attitude stoïque face à l’adversité. Tu ne voulais pas être au centre de son attention ce soir et tu voulais le protéger. Toi aussi tu le protèges depuis toutes ses années. Tu ne sais pas le faire avec tes petits bras mais avec ton coeur, ton amour pour lui, tu n’hésites pas à prendre sa défense. Je n’ai pas très faim … dis-tu en secouant légèrement la tête, tes bras croisés contre ta poitrine pour réchauffer tes mains. Tu avais déjà mal à la tête. Il est si adorable, tu ne peux pas lui mentir. Il te connait par coeur. Chaque grain de ta peau, chaque signe ou ride sur ton visage qui dévoilent à lui tes émotions sans difficulté. Tu relevas les yeux vers lui … je veux bien un chocolat chaud … dis-tu avec un mini rictus et en haussant les épaules. Tu savais qu’il insisterait, il le fait toujours. Tu ne voulais pas le quitter, même pour quelques minutes alors avant d’aller t’assoir dans la salle d’attentes tu marchas avec lui jusqu’au distributeur. Tu étais où ce soir ? Si tu l’avais appelé tard le soir, il y a quelques mois et qu’il te ne répondait pas au téléphone, à tes nombreux appels tu aurais sans doute pensé qu’il était avec une autre femme. L’éloignement entre vous a surgi aussi à cause de certaines de tes jalousies, une distance qui s’était installée. Cette nuit; tu étais trop épuisée pour ressentir de la jalousie. Tu étais juste curieuse et tu voulais faire la conversation. J’étais inquiète, il est tard … tu étais inquiète pour sa mère et pour lui aussi. C’est un grand garçon qui a l’habitude d’être sans toi le soir maintenant, mais tu as toujours peur pour lui même s’il est très prudent dans la vie. Merci, lui dis-tu, tes grands yeux fatigués dans les siens, avant de souffler sur le petit gobelet fumant qu’il avait déposé entre tes mains glacées.

- Elle a bien fait de rester avec lui. J'irais le voir dès que nous en saurons plus. J'espère que ça va aller pour Violet, aussi.

Chez les Vaughan, du côté paternel en tout cas, la famille était soudée. Wade avait grandi sous la bienveillance de ses parents, des gens aimants, attentionnés et bienveillants. Il n'aurait pas pu rêver mieux. Libre de faire ce qu'il voulait, il possédait des valeurs de partage, de solidarité et d'amour. Ils n'avaient jamais levé la main sur lui, préférant parler et expliquer. Il leur en était reconnaissant, car de cette façon, il avait pu apprendre tout ce qu'il savait sans subir d'humiliation, de coups ou de brimades. Pour un enfant, ça restait capital afin de bien s'épanouir. Wade répéta le même schéma avec sa fille, Violet. S'il faisait exception du ring, il était contre la violence, car il trouvait que ça ne servait à rien. Quand il voyait des parents mettre une fessée à leur gamin, pour un caprice dans un supermarché, certains qui disaient qu'ainsi, il aurait une bonne raison de pleurer, il trouvait ça d'une brutalité sans pareille. On apprenait au môme que parce qu'il ne gérait pas ses émotions, consciemment ou inconsciemment, il méritait d'être frappé. Pire, que les larmes et la tristesse méritaient la violence en réponse. Un bien triste monde, pour celui qui considérait qu'on pouvait allier douceur et fermeté. Violet était grande, désormais et elle était probablement la jeune femme la plus adorable de tout Brisbane. Certes, il s'agissait de sa fille, son point de vue demeurait biaisé. Il était fier d'elle, tout comme son propre père restait fier de lui. Avec le temps, ses parents prenaient de l'âge et les soucis de santé commençaient à poindre. Il n'osait pas imaginer la détresse que traversait son père. Si Meredith avait subitement perdu connaissance sous ses yeux pour ne pas se réveiller, Wade aurait été comme un lion en cage. Bon... par contre, pour le calmer, ça n'aurait pas été une partie de plaisir. Il n'avait pas le même gabarit que son paternel. C'était un beau bébé.

- D'accord, pas de problème. Un chocolat chaud alors, il faut que tu prennes quelque chose, pour contrer le choc que tu viens de vivre...

Le médecin, dans le couple, ça n'était pas lui. Et pourtant, en tant que sportif, il savait que le stress et les chocs, qu'ils soient physiques et psychiques, pouvaient déclencher des hypoglycémies. Il n'avait pas envie que Meredith tombe dans les pommes, même s'ils se trouvaient dans un hôpital. Il n'aimait pas la savoir malade ou affaiblie. Lorsqu'ils s'étaient mariés, ils avaient promis de veiller l'un sur l'autre dans les bons et les mauvais moments, jusqu'à ce que la mort ne les sépare. Aujourd'hui, c'était plutôt la vie qui les séparait, les disputes, les incompréhensions, le manque de communication, notamment. Et pourtant, même si le divorce se concluait, il ne changerait pas, toujours à se préoccuper d'elle, de leur fille. Au distributeur, il commanda d'abord le chocolat chaud, en mettant un peu de sucre. Puis il se fit couler un double expresso et commanda aussi deux barres énergétiques. Vu qu'ils ne savaient pas encore pour combien de temps ils en auraient, il valait mieux prévoir un peu large. Et puis, si Meredith en voulait finalement, ça partirait vite. De retour auprès d'elle, il lui tendit le chocolat chaud et s'assit à côté d'elle. Il ne voyait pas ses questions comme des interrogations, l'envie de savoir ce qu'il faisait de sa vie. Il sentait qu'elle s'était inquiétée.

- J'étais à la salle de boxe... je m'entrainais. J'avais besoin de... me défouler... de me fatiguer. Je ne dors pas très bien en ce moment, je me suis dit que ça pourrait m'aider, mais visiblement c'est raté.

Son sommeil se voyait agité depuis qu'ils s'étaient séparés, en fait. A chaque fois qu'il rejoignait son lit vide, Wade sentait la solitude l'envahir. Il repassait des choses en boucle dans son esprit, pendant des heures jusqu'à succomber aux appels de Morphée. Et même quand il dormait, il sentait que ça n'était pas réparateur. Ses nuits restaient agitées, avec des réveils fréquents, la sensation désagréable qu'il venait de faire un mauvais rêve, sans parvenir à le reconstituer.

- Je suis désolé de t'avoir inquiétée. Je n'avais pas mon téléphone sous la main et je n'ai vu tes tentatives que quand j'ai arrêté.

Il lui disait la vérité. Même s'il avait été à un date ou une sortie avec des amis, Wade lui aurait répondu. Violet et elle avaient toujours été ses priorités. Elle le remercia pour le chocolat et il répondit avec douceur :

- C'est normal. J'ai mis un peu de sucre dedans, tu m'as l'air fatiguée... ça va aller, d'accord... il n'y a plus qu'à attendre que les médecins viennent nous donner plus d'informations...

Il passa sa main autour de ses épaules pour la serrer contre lui. Il murmura, dans un souffle :

- Tu m'as dit que les non-dits te blessaient, la dernière fois que nous nous sommes disputés... alors, je te dois la vérité... tu me manques. Mais je ne te dis pas ça pour que tu culpabilises... tu as le droit de refaire ta vie avec un autre si c'est ce que tu désires...

Il était maladroit, dans sa façon de lui avouer ce qu'il ressentait. Wade n'avait pourtant rien de l'homme toxique, au contraire. Il faisait simplement face à une situation de séparation qui sur le papier avait été la bonne décision. Et pourtant, son cœur avait bien du mal à l'accepter. Tant qu'il existait encore une zone de flou, il se permettait d'espérer.

Je comprends … lui dis-tu après avoir bu une gorgée de ce chocolat chaud, très chaud sur lequel tu souffles délicatement. Il t’a fait du bien cet entrainement ? lui demandas tu tes yeux posés sur les siens. Il est vrai que tu t’étais inquiétée pour lui de ne pas réussir à le joindre à une heure aussi tardive. C’est un garçon bien plus fort et bien plus costaud que tu le seras jamais. Il n’avait peut être pas besoin que tu t’inquiètes pour lui mais tu es comme ça avec les personnes que tu aimes et encore plus pour ton mari. Ce n’est pas parce que la situation est compliquée entre vous que cela change. Tu ne lui avoueras pas mais au fond de toi, tu étais satisfaite de la réponse. C’est quelqu’un de franc, il ne te ment pas. Tu étais soulagée qu’il ne t’aie pas annoncé avoir passé la soirée avec une femme. C’est la question que tu ne veux absolument pas lui poser. Tu es une femme intelligente, aussi pragmatique que possible. Il est cependant vrai qu’une forme de jalousie parasite s’est installée entre ton esprit et ton petit coeur fébrile. Cette jalousie est comme un insecte invisible qui vient grignoter des morceaux de confiance en toi et par moment de confiance en lui. Du moins avant votre séparation, ce parasite a fait beaucoup de dégâts. Tu ne l’as pas fait exprès, tu ne voulais pas être méchante, tu ne voulais pas être le cliché de la femme hystérique. Tu ne l’étais pas. Tu n’es pas celle qui lui as envoyé la vaisselle à la figure. Tu as réagi à ta façon, avec du silence, en devenant parfois froide. Et ces silences, les siens comme les tiens ont créé de vraies tempêtes dans votre foyer. Au point de décider de s’éloigner physiquement. Tu ne réagissais pas à ses problèmes de sommeil, car toi aussi. Tu dormais sans doute mieux que lui mais son absence était très dure. Tu dors un petit peu mieux maintenant mais s’habituer aux draps froids et à sa place vide à côté de toi te faisaient faire des cauchemars. Tu es celle qui venait dormir contre lui et même quand vous vous éloigniez parfois dans la nuit, ta main venait toujours sur son bras ou son torse. Tu as toujours eu besoin de lui physiquement, tu es tactile et il est une partie de toi. Un organe vital et si on te l’enlève, tu risques de mourir à petit feu.

C’est rien, dis-tu en frottant les yeux de ta main libre. J’ai aussi du mal à dormir depuis quelques jours … il te regardait et tu lui avouas … j’ai eu une intoxication alimentaire … dis-tu en haussant les épaules. Je n’étais vraiment pas jolie à voir … rajoute tu. Tu n’aurais pas aimé qu’il te voit dans un état aussi pitoyable. Ce soir tu es encore fatiguée et palote mais tu as repris quand même de la vitalité. Il est ton mari pour le meilleur et pour le pire, dans la santé comme dans la maladie et pourtant tu ne voulais pas qu’il assiste à cette déchéance. C’est pour ça que ta mère était là, elle s'assure que je prends bien mon traitement et m’apporte un petit plat tous les soirs … pour Violet et moi … dis-tu en souriant avant de reprendre une gorgée de ce chocolat chaud, pas terrible mais qui fait un bien fou grâce au sucre et à la chaleur. J’espère que ça va aller … dis-tu doucement. Ta main vint de nouveau vers tes yeux qui s’armaient pour ne pas laisser sortir les larmes curieuses.

Tu appréciais le bras de ton mari autour de tes épaules. Tu relevas un sourcil quand il te dit que tu lui manquais. Tu ne t’y attendais pas, surtout dans un moment comme ceci, ici à l’hopital. Même si en réalité, ce n’est pas si surprenant. Dans les épreuves où la vie de nos proches peut être en péril, les priorités font surface, on veut dire ce que l’on a sur le coeur. Tu posas tendrement ta petite main réchauffée par le verre en carton du chocolat chaud sur sa joue que tu caresses de ton pouce tout en douceur. Tu me manques aussi Wade … dis tu sincèrement. Tu lui souriais malgré les circonstances et tes yeux fatigués qui le fixaient avec tendresse se détournèrent vers le sol et le gobelet quand il évoqua l’idée de refaire sa vie. Tu reposas aussi ta main sur ton gobelet avant de hausser de nouveau les épaules et de soupirer. Il est vrai que j’ai fait quelques rencontres … dis-tu presque dans un murmure. Tu avais du mal à lui avouer une chose pareil. Ce n’est pas parce que j’ai envie de refaire ma vie, mais je me sens seule … avouas-tu. Il te manque chaque jour et chaque nuit. Il te manque émotionnellement, physiquement. Il y a trop longtemps que tu n’as pas été serrée fort dans les bras d’un homme que tu aimes. Tout à l’heure dans le couloir de l’hopital ça ne compte pas, ça pouvait être à cause du stress de sa mère aux urgences. Il y a trop longtemps que tu ne t’es pas sentie désirée. Tu es celle qui sautes sur son mari quand il rentre du travail, celle qui le réveille au milieu de la nuit pour faire l’amour. Il y a trop longtemps que tu n’as pas ressenti l’amour, l’amour de ton mari.
ains glacées.

- Oui, ça me permet d'évacuer tout ce qui est négatif, de me distraire un peu. D'habitude c'est efficace, quand je ne me retrouve pas à l'hôpital...

Il n'en voulait en personne quand il lui disait cela. Il faisait simplement un constat, simple et précis de la situation. Sa séance ne lui servirait pas à grand chose, puisque tout le bénéfice était mangé par le stress. Cela dit, il mentait un peu en lui disant qu'habituellement ça avait un effet totalement bénéfique. Rien ne permettait vraiment de soigner son absence dans sa vie. Absolument rien. Il le sentait au quotidien, dans son logement, c'était vide. Le matin, quand il se réveillait, il trouvait l'autre côté du lit, froid et désert. Le soir quand il rentrait, tout était silencieux, au point qu'il allumait la télévision sans la regarder pour faire une présence. Le pire, c'était quand il se réveillait la nuit, après avoir rêvé d'elle. La réalité lui aurait envoyé une douche glacée que ça aurait été meilleur. Il ne voyait pas Violet tout le temps non plus, même s'il n'hésitait jamais à l'accueillir dans son nouveau chez-lui. Il appréciait tout ce qui pouvait combler la solitude, sans aller chercher ailleurs. Et pourtant, ça n'était pas le nombre d'occasions qui manquaient. Pour un quadragénaire, Wade était très bien conservé. Il avait la forme et il attirait le regard des femmes comme parfois de certains hommes. A ce sujet, il avait récemment été dragué par un cadreur de l'émission où il travaillait. Rien de bien méchant, ça l'avait même sacrément amusé, mais lui ne voyait que par les courbes féminines.

Et si l'on devait être honnête, celles de Meredith suscitaient le plus d'émotions dans son cœur et dans son esprit. Sa femme, puisqu'il n'était officiellement pas séparés, constituait une véritable fierté. Lorsqu'ils sortaient tous les deux, il était très heureux de la tenir par le bras. Et les regards aussi se portaient sur elle. En était-il jaloux ? Pas forcément. Il lui faisait confiance et par conséquent, il évitait de manifester trop de possessivité. Bon, bien sûr, si jamais le séducteur insistait trop, il se manifestait pour s'interposer et en quelque sorte, sortir un peu les muscles. Rien de très surprenant, quand on savait l'amour qu'il lui vouait. Le temps, les tensions, avaient provoqué leur séparation. Et Wade mentirait s'il disait que ça ne lui faisait rien. Elle était la mère de sa fille, son âme sœur, celle avec qui rire, frissonner ou encore faire l'amour restait un mélange de merveilles et de passions. Ils avaient été amis avant d'être mariés, cela aidait beaucoup. Mais hélas, pas suffisamment pour que le temps ne vienne ternir ce portrait idyllique.

- Mince ! Je comprends mieux pourquoi tu as l'air fatiguée... C'est bien ma mère, ça ! Quand j'étais malade, elle me surveillait pour vérifier que je prenais bien mes médicaments.

Il eut un léger sourire qui s'estompa rapidement. Savoir Meredith malade, ça le mettait dans des états pas possibles. Et pourtant, l'idée que sa mère continue à veiller sur elle, ça le réconfortait. Ainsi, même loin de son foyer, il savait qu'il avait quelqu'un pour veiller sur les personnes les plus précieuses à ses yeux. Bon, là, il était arrivé un gros pépin et tant qu'ils ne disposaient pas du diagnostic et du pronostic vital, ça restait bien compliqué de se projeter. Les épreuves créaient une atmosphère étrange, comme en témoignait l'aveu que Wade lui fit quand à ses sentiments. Oui, elle lui manquait et il ne fallait pas y avoir un aveu fait dans une situation de détresse. Il le pensait vraiment et vivait difficilement avec ce manque, de plus en plus. Il sentit son cœur s'accélérer lorsqu'elle confia qu'à elle aussi, il lui manquait. Voilà un aveu qui restait touchant, et qui promettait peut-être quelque chose ? Bon, il ne put s'empêcher de baisser les yeux quand elle confia qu'elle avait fait quelques rencontres. Elle en avait le droit, après tout, ils s'étaient engagés dans un processus pour se séparer. Néanmoins, cela lui laissa un goût un peu amer.

- Oh... euh... oui, je comprends... et... tu as quelqu'un en vue ? Ou c'est trop tôt pour le dire ?

Il redoutait sa réponse. Clairement, si Meredith lui annonçait qu'elle avait rencontré quelqu'un et qu'il suscitait son intérêt, il savait qu'il en aurait le cœur brisé. Il se risqua donc, à la faire douter de ce qu'elle pouvait peut-être ressentir, en tentant de la reconquérir :

- Je crois qu'on pourrait peut-être, je ne sais pas, recoller les morceaux entre nous deux ? Si tu n'as personne de sérieux en vue, bien sûr...

L’amour n’est il pas le plus efficace des remèdes. La chaleur d’un foyer et de l’affection des personnes que toi-même tu aimes ouvres un havre de paix. La sérénité, l’attention, la sécurité sont des pièces maîtresses vers la voie de la guérison. Lorsque la fatalité est plus forte que l’amour, celui-ci néanmoins rend le destin parfois plus doux. Ne pas être seul pour partir et ne pas être seul pour regarder partir. Ce soir, tu pries de tout ton coeur pour que la finalité ne soit pas aussi ténébreuse. Tu espères qu’avec Wade vous pourrez souffler un grand coup et mentionner le fameux “plus de peur que de mal”. Tu venais de raconter à ton mari que tu avais eu quelques soucis de santé légers ces derniers jours. Sa mère a été merveilleuse comme toujours. Tu sais qu’il est l’élu de la famille, le fils prodige. Un enfant qui a été aimant envers ses parents et qui les a rendus fiers. Pas seulement pour sa réussite professionnelle ou ses exploits sportifs. Ils ont élevé un fils qui est devenu un homme bon, juste et bienveillant. Tu ne te lasses jamais de voir les personnes l’admirer. Souvent, tu l’accompagnes dans ses déplacements, dans des émissions ou avant à des matchs. Le public et ses yeux plein d’amour pour ton homme t’ont toujours mis du baume au coeur. Il mérite d’être aimé par tous les êtres qui foulent cette terre. Dans un monde où les hommes puissants ou non écrasent les femmes et les humilient. Où elles ne servent que de faire valoir à leurs maris sportifs et célèbres, il y a Wade. Tu n’as jamais fait en sorte de te mettre en avant, c’est lui la star. Tu sais que les admiratrices, les prédatrices sont nombreuses. Tu les as croisées, tu les as vues dévorer ton mari des yeux, frôler ses épaules de leurs mains parfaitement manucurées et rire à gorge déployée à chacune de ses blagues, même les plus nulles. A ses côtés, sa main douce et protectrice dans ton dos te font te sentir belle et importante. Au delà de ça, il t’a toujours préservée, toi et votre fille. Il parle a toujours des mots élogieux pour vous dans le privé comme dans les médias. Il ne vous cache pas mais il vous protège des requins de ce milieu.

Ce soir, dans une salle d’attente d’un hôpital tu ressens le même apaisement, la même fierté de l’avoir à tes côtés. Assis tous les deux, il y a quelques personnes autour de vous qui attendent également mais tu n’y prêtes pas attention. Ici vous êtes tous dans dans une situation émotionnellement difficile mais tu es privilégiée. Tu as un mari exceptionnel. Bien que le temps et des malentendus vous aient éloignés vous êtes là. Tu n’avais pas dit à Wade que tu rencontrais des hommes pour le rendre jaloux mais tu entends dans sa voix que ça le dérange un peu. Ici dans cet hôpital tu n’as pas le droit de crier de joie. Tu n’as pas ce trait toxique de le rendre jaloux exprès mais ça te fait chaud au coeur. Tu as un petit sourire en coin que tu essaies de masquer. Tu aurais crié avec ta belle maman, tu n’hésites pas à te tourner vers elle même quand tu rencontres des difficultés avec son fils. Elle ne te juge jamais. Même si elle désapprouve parfois, elle te conseille tout simplement. Pas vraiment … dis-tu. Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de rencontrer quelqu’un … avoues tu. J’ai juste besoin … d’amour … dis-tu en riant légèrement. C’est ridicule … tu te trouves légèrement pathétique. Je ne veux pas devenir comme … tu ne finissais pas ta phrase. Mais il est évident que tu mentionnais ta mère à toi.
Tu soupires et plonges de nouveau tes yeux noisettes dans les siens bleu océan. Je crois qu’on devrait essayer … dis-tu en venant passer timidement ta main dans ses cheveux blonds pas très bien coiffés ce soir. Tu devrais … rentrer à la maison … ce serait un début pour se retrouver. Tu es douce et sincère avec lui. Il te manque tous les jours. Tu sais que ça pourra prendre un peu de temps mais s'il ne rentre pas, l'éloignement va forcément durer. Tu as envie de le retrouver le soir autour d'un bon diner, lui et Violet.